Il était une fois, une bien originale et excentrique académie. Les humains y côtoyaient en effet de nombreuses créatures surnaturelles de toute sorte, dont un dragon aux écailles rouges foncées. Il n'était que guère imposant par rapport à ses pairs, il avait un nom aux consonances bien humaines, Sourne. Ce dragon était membre de l'académie depuis peu, mais cela était dans sa vie une véritable accalmie. Pour servir un grand noble, il avait été invoqué. Bien qu'il lui eut obéit un temps, le dragon n'avait néanmoins point d'idée de la façon dont le monde tourne.

InstallĂ© dans l'une des salles de l'acadĂ©mie, derrière les autres disciples, il Ă©coutait la directrice. Quand tous l'Ă©coutaient avec assiduitĂ© et qu'une chose paraissait embraser leur passion, Sourne ne comprit mot, tant bien mĂŞme il prĂŞtait avec attention Ă  l'oratrice. Ne pouvant communiquer que par concept, il s'exprimait peu et il ne peut retirer de la conversation qu'affectueuse gratitude. Pourquoi donc ĂŞtre Ă  l'acadĂ©mie pour avoir pareille attitude ? Sourne baissa la tĂŞte pour regarder sa poitrine ponceau, sur laquelle se balançait un prĂ©cieux pendentif. Alors qu'il venait Ă  se remĂ©morer de la raison de sa prĂ©sence Ă  l'acadĂ©mie, ses camarades de classe se levèrent, hâtifs.

La directrice avait en effet cessé, du point de vue du dragon, de palabrer. Les autres élèves de l'académie se levèrent et se préparèrent à quitter la salle. Sourne, de ses trois mètres de long, était contraint pour se déplacer de naviguer entre les tables et de se cambrer. Malencontreusement, la queue du dragon balaya l'un des autres élèves, qui émit de douleur un râle. Sourne se retourna aussitôt, plongeant son regard dans celui de son camarade. Le cœur du jeune homme tambourina fortement, il battait à la chamade. Mais lorsqu'aux travers des yeux jaunes, l'élève perçut les intentions de Sourne, il se rassérénât. Le dragon était sincèrement perturbé et désolé d'avoir heurter son camarade, puis sans demander son reste s'en alla.

Marchant nonchalamment à travers les couloirs de l'académie, Sourne se dirigeait vers la cour. Il croisait les autres étudiants de l'académie, mais ne les abordait pas. Il était incapable de communiquer de la même sorte que nous le faisons, le dragon se contenta donc d'esquiver leurs regards souriants et poursuivit sa promenade d'un pas lourd. Les autres disciples parlaient entre eux de moral et de politique. Mais aux oreilles du dragon, cela sonnait creux, vain et était contre son éthique. Sourne fut submergé par les rayons du Soleil et rafraîchit par l'air frais quand atteint enfin l'extérieur. Il se dirigea vers un coin de vertes herbes, s'y allongea et souhaita y restait des heures.

Lové et enroulé sur lui-même, le dragon était néanmoins importuné par ce qui pendait à son cou, son précieux ornement. Un grand noble, vivant sur des terres au-delà des horizons, l'avait enchaîné à son poitrail et à vie, par un serment. Sourne fut saisi de peine lorsqu'il se remémora son échec, qui l'avait autant affligé que lorsque son cœur fut blessé par une lance. Meurtri et agonisant, le dragon rouge avait alors commencé son périple, son errance. Il avait survolé mille terres, il avait traversé cent océans, il avait fendu des dizaines de différents cieux. Aucun domaine n'avait eu le mérite d'avoir suscité manifeste intérêt, mais lorsque enfin il eut perçu de ses yeux la vaste et cultivée seigneurie de l'Imperator, il n'eut guère cru ses yeux.

De par son charisme et son savoir, le seigneur des terres cultivées était parvenu à charmer le dragon, lui rendant moins éprouvant ses souffrances. Les démonstrations en public de l'Imperator était fort agréable, au contraire de nombreuses exhibitions de ses voisins éloignés, à la santé cancéreuse et au savoir bien rance. Sourne l'avait suivi un moment, avant de se retrouver à l'académie. Là, il espérait comprendre les humains et s'exprimer à eux, dans la visée de sauver la fille du grand noble, qu'il estimait être son amie. En dépit du peu de jours qu'il avait passé dans l'académie, il n'eut point le loisir de développer la faculté de parler. Alors, il espérait que l'intégrité de la princesse n'était pas en danger, en présence des reîtres chevaliers.

Quelque peu lassé de ses pensées moroses et du sol guère inconfortable, Sourne se redressa sur ses membres, avec pour finalité de se restaurer dans sa plus agréable couche. Ses pattes le portèrent vers la bibliothèque, derrière laquelle étaient situés les dortoirs. Des cloches retentirent, d'instinct le dragon se retourna, à lui se montra alors le campanile. La haute tour lui fit se souvenir de la haute tour qu'il devait protéger des traîtres chevaliers, défendre la fille du grand noble de par son idéal idylle. À cet instant passé marquant, lui succéda la mémoire de ce jour noir. Tandis que Sourne veillait sur la princesse dans sa haute tour, comme le dragon l'eut juré à son invocateur, il fut approché par des chevaliers louches.

Sourne se mit martel en tête à cause de cet attristant souvenir, regrettant amèrement son échec. Il avait failli à sa mission, rien de plus de déshonorant pour ce fort loyal dragon. En traversant la bibliothèque, toujours ressassant ses déboires, il fit chuter une étagère. Moult livres furent donc inéluctablement, s'éparpillant comme une nuée de cendre par terre. Pour lui venir en aide, un disciple se proposa d'aider son compagnon. Hélas, Sourne fit comprendre à l'élève qu'il déclinait sa proposition, quand bien même il avait du mal à être soigneux envers les livres et ne pas les user de ses serres et bec.

L'ultime livre rangé, à grand-peine, le dragon reprit sa route, repensant à son camarade qui lui avait tendu la main. Sourne était du genre à aider plutôt qu'être aidé, refusant bien souvent de par son honneur l'assistance d'autrui. Bien qu'il avait tendance à parfois aggraver la situation de part son entêtement, il éprouvait grande satisfaction et raison d'être en assistant ses proches. Bien que n'était pas harassé par la fatigue, il était harcelé par ses pensées, souvent jusqu'à tard la nuit. Le dragon n'avait qu'une envie, se reposer et attendre le lendemain.

Entré dans sa chambre, spécialement aménagée pour son confort, le dragon rouge était sur le point de se mettre à ses aises qu'une fille fit irruption. Un garçon à l'air moqueur et bien bête la suivit, l'épiant de ses affabulations. Cette situation qui perdurait depuis des semaines pour la timide fille, Sourne gronda à l'encontre de l'intrus, las. Voulant dissuader le harceleur, il fit frémir de ses nasaux des étincelles, qui embrasèrent son lit hélas. La menace avait fonctionné, le harceleur fuit, mais la directrice de l'académie, exaspérée, fit son apparition. Elle demanda à Sourne d'éteindre le début d'incendie, ce à quoi s'appliquer en battant des ailes le dragon.

Les efforts de Sourne parurent fructueux et l'oratrice repartit. Toutefois, même si le dragon mettait toutes ses forces à la tâche, les flammes regagnèrent en nombre et en importance. La sérénité coutumière du dragon rouge fut ébranlée par l'avancé presque inarrêtable du feu, qui léchait déjà les murs de l'institut. Dans la précipitation et dans sa détresse, Sourne se tourna vers sa camarade de chambre, qui s'était à son habitude tue. Instinctivement, le dragon prononça de sa voix caverneuse, normalement entendue des ses seules pensées, « S'il-te-plaît, viens-moi en assistance ». La timide fille opina du chef, alla dans les couloirs, prit un extincteur et éteint l'incendie.

Chaleureusement, le dragon la remercia et se précipita ensuite vers la cour, fier d'avoir enfin maîtriser la parole. À présent, il lui paraissait qu'il était capable d'éprouver des pensées complexes et non plus des concepts, mais aussi d'appréhender l'humanité. Pour sauver la princesse, celle qu'il avait juré de protéger au péril de sa vie des chevaliers, il avait enfin accompli ses objectifs. Sourne pouvait enfin revenir à la tour, pour libérer l'être captif. Le dragon rouge fut de nouveau à l'air libre et frais, heureux de s'en aller, mais un tourbillon de pensées l'emporta, semblant durer une éternité. Troublé, le dragon ouvrit ses ailes et prit son envol.

Pourfendant l'air l'espace d'un instant, Sourne divaguait. Il avait enfin comprit la raison de son invocation, de la venue des chevaliers et la réalité sur la princesse. Les enjeux le dépassaient, le père n'avait pas été sincère lors du serment. Le dragon rouge arqua son cou et croqua la chaîne du pendentif, le faisant choir et le précipitant dans le néant. Et il revint à l'académie, avec joie et allégresse. Ses tourments, au loin il les avait reléguait.

Les disciples se réunissaient, chahutant parfois, joyeux toujours, pour la cérémonie. Sourne atterrit et rejoignit ses camarades, leur communiquant ses émotions nouvelles. Ensemble, ils patientèrent jusqu'à la venue de la directrice. Elle clama ouverte la cérémonie de remise des diplômes, exprima sa fierté de les avoir comme élèves, les appelés entraient en lices. À chacun des fiers et heureux diplômés, elle leur accordait sa gratitude éternelle, disait-elle. Sourne sourit, il avait encore tant encore tant à apprendre dans l'académie.