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Arak Khan Timeline
![]() ![]() La chute(par Downforyears)Je chute… Le monde pourrait se résumer à une fournaise, si je n’avais pas si froid, si la rosée ne se collait pas tant à mes vêtements. C’est une belle matinée d’été.
Le soleil levant joue de son chaud pinceau pour peindre la toile des nuages de nuances de cinabre, d’ocres, de safrans. Les cirrus se sont transformés en une couronne de flammes cramoisies auréolées de rubis et de grenats.
Couronnement et bucher au même endroit, au même moment. Un démon que je connais apprécierait.
Au firmament, la lune pâle dans son océan de sang, presque invisible me regarde comme un œil aveugle, prêt à se refermer. Je perçois une dernière étoile, audacieuse. Elle clignote comme une goutte de rosée le matin. Si fine, si minuscule. Si… fébrile. Comme un dernier clin d’œil taquin. Elle disparait.
Je chute. L’air plaque mon maillot sur mon dos, mes cheveux noirs bouchent pratiquement ma vision. Avec difficultés, je regarde sous moi.
Une vallée, verdoyante, serpente entre des monts de granit aux pointes neigeuses. Le soleil se reflète partout, sur leurs contreforts, leurs sommets de neige, leurs piédestal couleur automne… Le fleuve en contrebas semble fait de lave. Je croirais presque chuter entre d’immenses volcans en éruption et de titanesques fonderies, et pourtant j’ai froid.
Une lueur capte mon attention. Loin, si loin en dessous, naissant d’un lopin de terre noirci par le malheur, les flèches d’un bâtiment désormais rebâti resplendissent sous l’aurore, comme les plumes innombrables d’un phénix qui renaitrait de ses cendres, prêtes à se mouvoir pour qu’il puisse s’élancer vers les cieux.
Conquérant. Indépendant. Libre.
Je vois sa tour principale, tel le bec acéré de ce mythe aérien. Une lueur semble y clignoter. La perle de feu de l’oiseau de pierre et de flammes. Ses toits de métal, enfin guéris, mêlent la couleur du renard et les ovales des écailles d’un dragon.
Je sens l’ozone, je sens la poudre sur mes manches. Ce sont les seules odeurs qui me parviennent à présent. Je soupire. J’aurais aimé sentir une dernière fois l’odeur des pins, des chênes, de l’herbe… La forêt sous moi est immense, elle ressemble à un matelas sur lequel j’aimerai chuter. La chute sera dure. J’aurai dû m’y attendre.
Je tourne mon regard vers le côté. Loin après les contreforts rougis, je vois une tache grise et sombre, constellées de minuscules billes lumineuse. Sombre comme la Mort, lumineuses comme son Apprentie.
La capitale. Si loin.
La capitale. Si près.
Je ne peux la voir, mais je l’imagine très bien. Une tour et à son sommet, un homme…
La capitale est si proche de la forêt, des montagnes, comme une hydre savourant d’avance le phénix qu’elle veut engloutir. Tous ces combats me paraissent si loin à présent. Seule me reste ma chute. Et la sienne, qui tarde.
Cette chute pourrait être idyllique. Parfaite pour ma fin, pour sa fin. Il me domine et ressemble à un archange en apesanteur, suspendu dans le temps, dont les ailes jailliraient du torse et non de son dos. La balle que je lui ai tirée l’a percé de part en part. Son écume carmin s’est depuis longtemps transformée en une nuée de pages blanches, qui continuent de s’effriter. Les ailes se décomposent en plumes blanches, les plumes s’effritent, et se métamorphosent en une majestueuse aurore boréale.
Une aurore boréale blanche, livide. Une bande de soie pâle qui vole et ondule dans les airs comme un immense dragon longiligne. Qui s’enflamme à mesure que l’astre de feu dépasse les pics montagneux et l’éclaire de ses rayons cramoisis.
Le tableau aurait dû être parfait. Mais le sublime est gâché par l’horreur. Une fissure dans l’espace, dans le temps, dans les dimensions, comme une migraine que l’on tenterait de calmer en s’enfonçant les ongles dans le cuir chevelu, comme un trou à la fois présent et absent que l’on ressentirait dans son âme. Malgré tous mes efforts, celle-ci met trop de temps à se refermer. Frénétiquement, Ses tentacules se débattent, tentent de garder la plaie ouverte. Une plaie plus noire que la nuit, cerclée de déchirures. Alors que je ne devrais entendre que le son de l’air filant contre mes tympans, je ressens encore les vibrations qu’Il a créé.
Une chimère de larsen, de grincement, de couinement, d’acouphène, de cris, de hurlements, de détonation, de crissement… Tous les bruits des enfers se sont donnés rendez-vous pour annihiler le calme du paradis. Tous les bruits des enfers se donnés rendez-vous, et je suis aux premières loges pour écouter leur immonde orchestration. Je sens le sang sur ma langue.
Le tableau aurait dû être parfait. Mais les minces aurores blanches se mêlent à Ses vrilles noires. Difformes. Monstrueuses. Tentaculaires. Il a amené dans ce monde une anomalie qui n’aurait jamais dû y être. Le ballet des appendices cauchemardesques semble sans fin, erratique, comme un cadavre parcouru de spasmes post-mortem. Leur chorégraphie m’écœure, me donne la nausée. La bile vient compléter le sang dans ma bouche.
Je chute. Je sens que j’approche de la fin du voyage. Cette plaie céleste infernale semble se refermer à mesure que je m’en éloigne. La pression sur mon esprit diminue. Je m’apaise enfin. Le froid me tuera surement avant le sol. Seul l’air fait vibrer mes tympans alors que les cieux se débarrassent enfin de l’horreur dans un abominable bruit de tissus déchiré.
Le soleil a presque dépassé l’horizon, comme s’il voulait se moquer de moi en faisant durer le plaisir. La chute est si longue… L’aurore blanche a disparu en même temps que le cauchemar. Pourtant, où que je pose le regard, je crois percevoir des craquelures. Disparaitront-elles à jamais de ma vision ?
A mesure que ma chute s’éternise, l’air semble se réchauffer. Je sens la sueur couler entre mes omoplates. La couronne de flammes s’est éteinte. Elle s’est muée en une tiare de neige poudreuse qui se dissipe aux quatre vents. Les volcans ont abandonné leur déguisement. Ils m’apparaissent comme ils se sont toujours montrés à moi. D’immenses mastodontes anthracites à la barbe de glace blanche. Leurs piédestaux rougeoyants sont devenus une forêt noire teintée de vert. Le torrent de lave est devenu un rapide d’écume blanche.
A mesure que le sol vient à ma rencontre, je peux distinguer les détails d’une singulière clairière. Son herbe est verte, fraiche, étincelante. Son centre est occupé par un majestueux chêne, sous lequel un chevalier errant pourrait rendre justice. Le matelas d’arbres qui me semblait si moelleux est devenu une planche de fakir. Les sapins en sont ses clous.
Sous moi, un vaste ruban vert serpente. Les frondaisons se reflètent dans les eaux tumultueuses. Capricieuses comme une loutre, murmurant, grondant ou chuchotant. Mais je sais que l’eau n’amortira pas ma chute. A plusieurs dizaines de mètres, je vois un ponton. Et comme un vaisseau fendant les flots verts des arbres, les bâtiments de l’Académie.
Je m’apprête à percuter les remous blancs. Je finis ma chute, Arak ne fait que commencer la sienne.
Je sais que la rivière que je sais être si fluide sera aussi dure qu’un chemin bétonné. Je m’écrase.
Tout devient blanc.
Cette histoire fait partie de plusieurs cycles !
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