![]()
![]()
![]()
![]() ![]() Contraintes aléatoires Contraintes à sélectionner soi-même Testeur d'auxiliaire Situations aléatoires (défi de Schrödinger) Textes sans commentaires Générateur de situation/synopsis ![]() Visite guidĂ©e
![]()
Chouette Insomniaque![]() Spectacles![]() ![]() ![]() La Tour d'Yris-Chom(par Chouette Insomniaque)La féline et le chaton redescendirent l'avenue Alexandre Khör-Az jusqu'à arriver sur l'esplanade des honneurs. Il y avait peu de monde sur la place et les oies du canal se baladaient nonchalamment sur le pavement régulier, s'approchant des passants à la recherche de pain. Vémon lui rappela la promesse faite la veille d’aller tous les deux visiter le musée de la tour d’Yris-Chom. — Cette tour est-elle vraiment à la princesse Tania ? — Non, trésor. Les légendes disent que c'est l'empereur Éban, le premier du nom, qui l'a baptisé ainsi après que sa fille ait disparu. Tu sais qu'il n'a jamais pu la retrouver ? — Oui, puisqu'elle était cachée sur l'île de Lutzy, au milieu des fées. Ritta sourit en entraînant son fils en direction du grand porche du palais, qui marquait l'entrée de la partie ouverte au public. Les gardes impériaux les firent passer à travers un portique, et, constatant qu'elle avait avec elle toute la panoplie de la parfaite couturière, ils exigèrent qu'elle passe au vestiaire pour déposer son panier dans une consigne avant toute chose. Ritta obéit sans difficultés, confiant son trésor et ses boutons au petit casier cadenassé dont on venait de lui confier la clé. Ils purent entrer et se balader un instant dans les jardins ministériels. Sur Aultra-Akimamiah, les citoyens de l'empire avaient ce privilège : ils pouvaient accéder à l'enclave de verdure qui bordait l'aile des ministères, où les ministres en titre se promenaient entre deux réunions. Ce droit était inscrit dans la constitution, les citoyens devaient pouvoir interpeller les membres du gouvernement. Le résultat de cette pratique était tout simplement que les ministres dont le travail mécontentait la population étaient privés de sortie dans ces jardins : leur apparition les auraient exposés à une avalanche de revendications. À l'heure ou Ritta et Vémon passèrent, il n'y avait pas l'ombre d'un politicien à l'horizon, seulement des touristes. Ils ne s’attardèrent pas plus et marchèrent jusqu'aux quais du canal, qu'il leur fallait suivre pour arriver jusqu'à l'entrée de la tour. De jour, le canal ne voyait passer que de petits bateaux de plaisance qui louaient leurs places pour une visite du palais d'Akyris depuis les eaux. Passer sous la superbe voûte qui enjambait ce petit affluent artificiel du Mitzraïl semblait être un spectacle admirable, à entendre les « oh » et les « ah » des gens qui, la tête en l'air sur les bateaux-mouches, faisaient partager leur enthousiasme avec ceux qui restaient sur le pavement de la promenade des quais. Lorsque Ritta et Vémon passèrent sous l'arche, ils levèrent leurs têtes à leur tour. Le dessous de la voûte, qui culminait à près de douze mètres de hauteur, était entièrement recouvert par une superbe mosaïque en fragments de coquillages et de malachite. Le tracé vert dessinait les contours d'un arbre majestueux dont les branches comme les racines s'étendaient en deux entrelacs géométriques et symétriques, de part et d'autre du canal. Autour de l'arbre était dessiné un gigantesque serpent, parfaitement circulaire, qui se mordait la queue. — Est-ce que c'est le Béguède-Cafoutch, maman ? — Je ne crois pas, Vémon. Il n'y a pas de dragon autour du Béguède-Cafoutch… Et puis ce palais est plus ancien que lui. On dit qu'il a été construit par les premiers hommes, dans un passé si lointain que même les légendes n'en gardent pas le souvenir. — Il a l'air neuf, pourtant. — Les palais du temps d'avant le temps sont des endroits magiques et mystérieux, trésor. Ils ne vieillissent pas. La voûte passée, l'entrée de la tour était en vue. Si Ritta ne l'avait tenu fermement par la main, Vémon se serait mis à courir.
![]()
L'entrée du musée était gratuite pour toute la durée de la huitaine de Samain, en l'honneur du couronnement. Ritta se saisit d'une petite plaquette et ils commencèrent la visite. Un long corridor montant en colimaçon entourait une surprenante et gigantesque sculpture faite de bois flotté. L'éclairage était doux et dessinait de petites vagues sous leurs pas : on aurait dit qu'ils remontaient une rivière dont les eaux seraient faites de lumière. Au cœur de la sculpture de bois, des bouches diffusaient des voix d'enfant, des rires et quelques mots, prononcés en langue ancienne, la langue des mages. L'effet était à la fois plaisant et apaisant. Arrivés au sommet de la rivière de lumière, ils se retrouvèrent sur une plate-forme suspendue dont le sol était fait d'un tissage végétal ajouré, semblable à un filet à la fois fin et très solide. En face d'eux se trouvait un ascenseur, dissimulé derrière une porte qui imitait une armoire à glace. Mais, comme la colonne d’ascension était en verre, on pouvait voir la cabine s'élever et redescendre. Ritta et Vémon attendirent patiemment leur tour : il y avait pas mal de visiteurs. Puis ils entrèrent et se laissèrent porter jusqu'au dernier étage de la tour, là où débutait la visite du plateau des collections. Comme la tour se rétrécissait avec la hauteur, le dernier étage était le moins vaste. Là étaient présentés les objets et artefacts de la très haute antiquité, c'est-à -dire la période d'avant l'an mile du calendrier des Gendes. De forme octogonale, la pièce était très haute de plafond et plutôt sombre. Les fenêtres étaient pourtant nombreuses, mais leurs carreaux étaient faits de pâte de verre d'un blanc laiteux et marbré. La lumière naturelle filtrait peu et la lumière artificielle était étudiée pour donner un effet de sous-bois un jour d'orage. La pièce maîtresse de cette partie de la collection était un miroir brisé enchâssé dans un cadre de vermeil d'une splendeur légendaire. Juste à côté, exposé dans une vitrine très sobre, se trouvait un candélabre en bronze. Son pied, massif, représentait une jeune femme ailée vêtue d'un élégant drapé et tenant dans sa main gauche une épée. Sur le socle, un nom était gravé en cunéiforme, l'alphabet des premiers temps de l'empire. La légende qui accompagnait l'objet disait qu'il s'agissait d'une représentation de la reine Aminä, un personnage sans doute historique mais dont on ne savait presque rien. Le nombre très important de représentations de cette reine datant de la très haute antiquité laissait pourtant deviner qu'elle avait dû avoir un rôle important. Ce n'était au cours du Ve siècle qu'elle disparaissait soudainement de l'iconographie comme de la tradition. Malheureusement, les textes antérieurs au Ve siècle étaient très rares, et le mystère de la reine Aminä entier. L'attention de Ritta était toute entière portée sur les explications données par le musée et Vémon en profita pour s'approcher en catimini du miroir brisé. Curieux comme peuvent l'être les enfants, il se faufila derrière la plaque de verre toute simple qui l'isolait du public. Tout doucement, il approcha sa main de la surface éclatée du miroir. À sa grande surprise, son bras passa au travers comme s'il n'y avait pas eu de glace. Pourtant, il voyait bien son reflet, étoilé par les brisures du miroir. Il tâtonna à l'aveuglette et rencontra une surface lisse et douce. Il la caressa un instant, intrigué, puis ses doigts se refermèrent sur un objet ovoïde et mou, doux comme du coton. — Vémon ! Qu'est-ce que tu fais ! L'enfant retira vivement sa main dans un sursaut. Il venait de se faire surprendre et le regard inquisiteur de sa mère le fit batte en retraite. Il s'extirpa de l'espace entre la plaque de verre et le miroir, cachant maladroitement le fruit de son larcin dans son dos. Il baissa la tête. — Je ne le referais plus. Désolé… Ritta s'approcha et lui attrapa le bras, un peu vivement. — Tu as de la chance que ce ne soit pas plus grave ! Mais… Qu'as-tu dans la main ? Hésitant, l'enfant présenta la chose qu'il avait attrapée. C'était une paire de chaussettes rayées blanches et parme. Ritta fronça les sourcils. Sans chercher à comprendre davantage, elle la lui prit d'autorité et la fourra dans son sac à main. Vémon ne protesta pas.
![]()
La suite de la visite se déroula sans plus d’incidents. L’accès à l’étage inférieur se faisait par un vaste escalier en colimaçon dont les parois étaient aménagées en vitrines. On voyait à travers, éclairés faiblement et classés par ordre chronologique, tous les costumes d’apparat de kéhel que Kassama Lisylvia avait portés depuis le début de sa carrière, en l’an 39 du calendrier des Gendes. Le costume le plus ancien, celui qui inspira par la suite l’ensemble des costumes d’apparat des mages, était donc vieux de 6419 ans et remarquablement bien conservé. Au fil des marches et d’un siècle à l’autre, de petites différences apparaissaient dans la coupe et l’assemblage des costumes. Le conservateur avait pris soin d’afficher en regard de ces tenues des gravures représentant la mode vestimentaire de l’époque, et l’on pouvait ainsi comprendre que les mages avaient tenté, avec plus ou moins de succès, de modifier leurs tenues d’apparat en espérant paraître un peu moins en décalage avec leur temps. L’étage suivant, un peu plus vaste, s’ouvrait sur une verrière à 360 degrés qui offrait un panorama sublime sur la ville d’Yris-Chom et donnait à la tour des allures de phare. À cet étage se trouvaient de nombreuses et incroyables plantes, installées dans des jardinières immenses qui prenait l’essentiel de l’espace. Au sud, un magnifique pommier étendait ses branches, toutes feuilles tournées vers le soleil. Les pommes très rouges qu’il portait avaient la particularité de contenir un antidote universel à tout poison. De l’autre côté, un arbre étrange, semblable à un saule mais dont le tronc ressemblait à un pilon qui se serait enraciné, frémissait comme s’il voulait sortir de terre. Tout autour, de petites maisons de poupées montées sur pattes de poules s’agitaient comme une basse-cour. Un peu plus loin, un autre arbre étendait des branches givrées d’où pendaient des fruits en forme de gourdes. L’intérieur de ces fruits était rempli d’un jus chargé en gaz carbonique que l’on pouvait goûter sur place, par curiosité : le goût de cette boisson rappelait la bière sans alcool de mauvaise qualité. Après une nouvelle volée de marches entourées de costumes d’apparat du second millénaire s’ouvrait l’étage du vivarium des fées. Un vaste labyrinthe de verre permettait d’admirer toutes les espèces possibles d’amphibiens. La légende racontait que ces animaux étaient sortis de la bouche d’une jeune femme maudite par une fée, et qui, malgré ce sortilège, vécue heureuse jusqu’à la fin de ses jours après avoir rencontré un spécialiste en herpétologie. Le savant, éperdument amoureux, fit de la jeune femme la plus comblée des épouses et transforma sa malédiction en un don inestimable pour les sciences naturelles. Dans les étages suivants, Vémon et Ritta purent admirer l’un des premiers androïdes : une petite ballerine exécutant en boucle une chorégraphie comme un disque rayé. À ses côtés, un soldat de plomb unijambiste la regardait d’un air triste et immobile. Un peu plus loin, des bottes à la semelle si usée qu’il n’en restait que des lambeaux étaient exposées comme ayant appartenu à Monsieur Poucet, le créateur des Convois Fantômes, encore aujourd’hui la seule entreprise capable de transporter en un temps record des paquets d’un bout à l’autre des terres connues. Dans un coin, sur un petit promontoire, se tenait un rouet enchanté, qui filait de la paille – une sorte de chanvre grossier – le transformant par le biais de quelque magie en un fin et régulier fil de plomb. Dans la suite de la visite, on croisait encore une magnifique bague dont le diamant avait coûté la vie à la sirène qui l’avait pleuré, froidement assassinée par un prince avide et sans scrupules. Depuis ce crime odieux, le recel de diamants issus des larmes des sirènes était très sévèrement puni, car l’on soupçonnait toujours qu’ils avaient étés obtenus en torturant une de ces fabuleuses créatures marines. La visite s’achevait sur une étable aménagée pour le confort d’un âne surprenant dont le crottin était fait de petits billets imprimés en vert d’un côté et en gris de l’autre. Les inscriptions mystérieuses qu’ils portaient n’avaient jamais pu être déchiffrées et l’identité de l’homme dont le portrait s’affichait sur le côté en gris restait un mystère. Les visiteurs pouvaient, s’ils le souhaitaient, emporter gratuitement en souvenir quelques-uns de ces bouts de papiers. Peu de personnes en profitaient, pourtant : ces choses sortaient tout de même de l’arrière-train d’un âne. Ainsi, les tonnes de billets verts produites étaient tout simplement recyclées.
![]()
Ravis de leur visite, la féline et le chaton descendirent la dernière volée de marche pour regagner le hall du musée. Quelques instants plus tard, ils se trouvaient de nouveau dans les jardins, marchant d’un pas léger pour regagner le grand porche du palais. Lorsqu'ils franchirent de nouveau le portique pour sortir, ce dernier sonna. Les gardes demandèrent aimablement à Ritta de présenter son sac à main : c'était bien lui qui déclenchait la petite alarme. Le sac fut observé, puis vidé de son contenu, sans que l'on ne comprenne quel était l'objet qui déclenchait les clochettes du portique. On se mit à les tester, un par un, et un grand éclat de rire envahit le porche lorsque la paire de chaussettes provoqua enfin le tintement attendu. Ritta sentit ses joues chauffer et ses oreilles bourdonner. Elle ne put rien dire tant la gêne était grande. — Madame possède un exemplaire rare de la légendaire chaussette magnétique ! S’exclama l'un des gardes sur un ton badin. Les chaussettes furent dépliées et l'on découvrit, à l'intérieur, une bague assez large mais si étroite qu'elle ne pouvait être porté que par un enfant ou une féline comme Ritta. Le garde la lui rendit. — Ne pas laisser vos objets de valeur aux consignes est prudent, mais cette bague est sans doute en toc. Les métaux précieux ne sonnent pas. Sans réfléchir à ce qu'elle faisait, Ritta la passa à son doigt. Après êtres passés aux consignes récupérer le panier de couturière, ils tracèrent directement leur route au travers de la vieille ville. Ritta commençait à se repérer un peu : il est vrai que les couleurs chatoyantes et les motifs des façades étaient des repères visuels très faciles à retenir. Lorsqu'ils arrivèrent au Rataph-Pathar, il n'était pas loin de l'heure du déjeuner. L'aubergiste accueillit Ritta avec un tablier de serveuse. — Vous tombez bien, j'avais justement besoin d'aide. Hochant la tête, la féline pria Vémon d'aller jouer sagement dans un coin. Puis elle alla rapidement se changer, laissant de côté sa superbe robe pour une tenue plus ordinaire. Elle passa le tablier, redescendit dans la grande salle et se mit au travail.
|