![]()
![]()
![]()
![]() ![]() Contraintes aléatoires Contraintes à sélectionner soi-même Testeur d'auxiliaire Situations aléatoires (défi de Schrödinger) Textes sans commentaires Générateur de situation/synopsis ![]() DĂ©fi de Faucheuse (Survivre Ă tout prix)
![]()
Chouette Insomniaque![]() Spectacles![]() ![]() ![]() Les Fleurs HantĂ©es(par Chouette Insomniaque)![]() ![]() Xsss xsss… J’ai vu les bateaux des hommes arriver sur les Terres ÉmergĂ©es, depuis le promontoire dominant la mer. Xsss. Ma gardienne m’a donnĂ© l’hibiscus et j’ai mastiquĂ© puis recrachĂ© la pâte dans la cartouche d’herbe. Elle l’a refermĂ©e, puis divisĂ©e en quatre libellules : une pour chaque chef de clan Ă qui nous devons rendre compte. Elles sont parties comme des flèches et l’odeur du message qu’elles transportent Ă envahit la brume. Il atteindra aussi la plage, Ă la vitesse du vent. Mais le nez des hommes n’est pas assez performant pour y dĂ©celer plus qu’un lĂ©ger parfum fruitĂ© se mĂŞlant aux embruns. ![]() Le sable crisse sous mes pattes, c’est plutĂ´t agrĂ©able. La traversĂ©e fut longue. Il flotte dans les airs comme une pensĂ©e fugace, une alerte dĂ©nombrant avec prĂ©cision l’étendue des troupes ainsi que notre position. Je ne traduirais pas, le capitaine n’avait qu’à pas sermonner VĂ©mon. Le voilĂ , justement, qui dĂ©barque. Il me voit, sourit et me fait signe. J’approche. Ils sont tout un bataillon de fĂ©lins comme lui, les première lignes. Avec leur capitaine, ils se savent promis au pire de ce que la guerre charrie. Et pourtant, ils sont lĂ , bĂŞtes et disciplinĂ©s. PrĂŞts Ă se faire saigner au nom des rĂŞves de grandeur de l’empereur. ![]() Notre cible est repĂ©rĂ©e. Xssss… Le dragon tĂ©lĂ©pathe au plumage dorĂ© qui l’accompagne nous a facilitĂ© la tache : ces petites crĂ©atures ont une odeur harmonieuse unique, discrète et polie Ă la fois. La fragrance de ce dragon-lĂ est un peu plus rude qu’à l’ordinaire, ce doit ĂŞtre un spĂ©cimen avec un sale caractère. Xsss xsss. Ça me plaĂ®t. Je n’aurais pas aimĂ© donner la chasse Ă un duo mollasson prĂŞts Ă courber l’échine Ă la première adversitĂ©. Xssss ! J’abaisse mes antennes jusqu’à mes mandibules et je crache un « bonjour et bienvenu en enfer » aussi amène que possible. Je les dresse dans le vent et laisse la brise faire le reste. ![]() Le camp se dresse Ă mĂŞme la plage, couvĂ© par les canons des navires de guerre. Des escadrons ont Ă©tĂ©s envoyĂ©s sĂ©curiser la zone, quoi que cela puisse vouloir dire puisqu’il n’y a aucune prĂ©sence rĂ©ellement hostile dans les environs. Mais le capitaine ne veut pas me croire, et, puisque nous sommes si malins, il nous envoie en Ă©claireurs. Ça me convient bien, tant je dĂ©teste devoir traduire leurs patois abscons quand ils montent les tourelles mobiles. Ils s’insultent en continu, pour une obscure raison. Moi, j’aime la collaboration, intelligente et pragmatique. Leur bordel dĂ©bile me sort par les yeux… — Tout va bien, LĂ©abella ? C’est très exactement ce que j’aime chez mon gars : il se soucie de moi. Il m’estime. Il comprend mon importance ! — Tout va bien. Quelqu’un vient de nous dire : bonjour et bienvenu en enfer, sur un ton plutĂ´t sympa. La main de VĂ©mon s’approche de mon museau pour me gratifier d’une grattouille. DĂ©finitivement, je prĂ©fère ĂŞtre seule avec lui : au moins mes efforts sont rĂ©compensĂ©s Ă leur juste valeur. Je lui retourne un petit grognement d’aise en m’avachissant un peu plus entre ses oreilles de fĂ©lin. De tous les compagnons que j’ai pu avoir, le Chavalier est de très loin celui dont la tĂŞte est la plus confortable. ![]() Un filet noir et chaud s’écoule devant mes mandibules pour venir tourbillonner dans la demi coloquinte que ma gardienne Ă placĂ© devant moi. Mes antennes ne me trompent pas : c’est du cafĂ© ! Xsss… Dans un grincement de plaisir, je laisse sortir ma langue pour aspirer le dĂ©licieux breuvage. Ma gardienne boit Ă mĂŞme son thermos, Ă grandes goulĂ©es furieusement fĂ©minines, comme c’est de tradition dans le pays des brumes. Après un rĂ´t digne d’un rugissement bestial, elle me tapote la chitine juste entre les yeux, exactement comme j’aime. — J’me sens l’utĂ©rus d’acier, ma belle ! On va plier cette mission. — Xsss xsss… Ma gardienne rĂ©cupère la demi coloquinte et l’essuie rapidement, avant de la remettre dans l’havresac. Puis elle remonte en selle et nous nous enfonçons dans la brume. ![]() Les Brumes Vertes bruissent de pensĂ©es, comme si des canaux de communication s’entrecroisaient tout autour de nous. Il y a tellement de mots flottant dans les airs que je suis incapable de comprendre d’oĂą viennent toutes ces phrases qui se rĂ©pètent, indiquant en boucle toutes les directions possibles. Les vibrisses de VĂ©mon se sont Ă©tirĂ©s vers l’avant, ses oreilles se sont ouvertes en grand, tout comme ses pupilles. — LĂ©abella ? Tu perçois quelque chose ? — LĂ , Ă droite, par terre, il y a un truc qui nous parle ! Je le vois se baisser et ramasser un bidule qui ressemble Ă un bout d’ambre grossier. — Ce truc lĂ ? — Oui ! Ce truc ! C’est plein de phĂ©romones, ça indique un chemin. VĂ©mon lâche la chose dans un petit cri puis observe ses coussinets. Ses pattes sont assez sombres et les poils ne nous aident pas, mais il ne faut que quelques secondes pour que des cloques commencent Ă se former. — Ce truc est corrosif ! Je sais ce qu’il me reste Ă faire. D’un bond habile, je me retourne et fourre ma tĂŞte dans son barda, j’en retire sa gourde ainsi qu’un mouchoir froissĂ© maculĂ© de khĂ´l. Cette chose ne ressemble Ă rien et c’est tout l’intĂ©rĂŞt : un artĂ©fact Ă l’allure pourrie n’attire aucune convoitise. VĂ©mon me remercie et humecte lĂ©gèrement l’un des coins, avant de l’appliquer sur la blessure dans un soupir de soulagement. — Ça guĂ©rit ? — Oui, Ă©videmment. Ce sont les larmes d’une dĂ©esse, LĂ©abella. C’est très puissant. ![]() Xsss xsss… Cet idiot de fĂ©lin a ramassĂ© la cĂ©toine qui marque le chemin. Non content de s’être brĂ»lĂ© avec l’acide, il est parti dans la mauvaise direction. Xsss. S’ils continuent comme ça tout droit sur le prĂ©cipice, je ne donne pas cher de leur peau. ![]() Nous avançons sur une sorte de tapis de lianes très denses, du moins je crois. La brume ne nous permet pas de voir Ă plus de quelques dizaines de centimètres. Dans ma tĂŞte, c’est aussi le brouillard le plus complet. J’ai Ă©tĂ© entraĂ®nĂ©e Ă trier les pensĂ©es des ĂŞtres qui vivent dans les Terres Connues, Ă reconnaĂ®tre intuitivement et presque par rĂ©flexe celles que je devais ignorer et celles qu’il me fallait traduire en simultanĂ©. Mais lĂ , plongĂ©e dans cet amas informe d’indications olfactives, je suis complètement paumĂ©e. Tout se confond en une bouillie verbeuse qui n’a plus aucun sens. Parfois, j’ai l’impression qu’une phrase se dĂ©tache, comme si elle nous Ă©tait directement adressĂ©e. Mais c’est tellement confus… Je n’y comprends rien. — Je crois que quelqu’un a dit : n’allez pas par lĂ bande d’abrutis. Mais je ne suis pas sĂ»re… Une secousse me fait sauter et je me retrouve en l’air, voyant avec horreur au-dessous de moi VĂ©mon s’enfoncer dans le sol. L’une des jambes, puis l’autre, sont passĂ©es au travers du tapis de lianes. Il reste ainsi suspendu, retenu par la taille, alors que je tombe comme au ralenti. Je le vois Ă©tendre ses pattes pour me rattraper, me voilĂ Ă leur contact, il encaisse le choc et amorti ma chute dans un grand crac… Les lianes qui le retenaient ont cĂ©dĂ© et nous tombons, enlacĂ©s, sous la canopĂ©e… ![]() Les chances qu’ils aient survĂ©cu Ă une chute pareille sont faibles, mais pas nulles. Xsss… Ma gardienne rĂ©cite tout un Ă©ventail de jurons traditionnels tandis que j’accĂ©lère. Il faut trouver un trou pour passer sous les lianes et voilĂ justement une cĂ©toine toute proche qui indique un emplacement. Je sens sur mes flancs ma gardienne qui s’assure pour rester en selle, elle est prĂŞte. Je plonge tĂŞte la première dans l’ouverture et je me faufile pour me retrouver suspendue Ă l’envers, les crochets solidement ancrĂ©es dans le tissu vĂ©gĂ©tal. Je dresse mes antennes, je repère nos cibles et je m’élance vers l’arbre le plus proche. ![]() Quelque chose nous a attrapĂ© au vol, s’est Ă©tirĂ© puis Ă cĂ©dĂ©, pour nous lâcher sur une chose molle qui a amorti notre chute. J’ouvre les yeux mais ne distingue rien, sinon les filaments de toile d’araignĂ©e qui s’agglutinent sur le pelage de VĂ©mon. C’est collant et Ă©pais, il peine Ă s’en dĂ©pĂŞtrer. Un peu au-dessus de nous se trouve un cocon, assez gros pour contenir un chien. Ça ne me plaĂ®t pas. Avec la brume qui nous entoure, il est impossible de distinguer quoi que ce soit mais pourtant la toile sur laquelle nous sommes piĂ©gĂ©s vibre avec rĂ©gularitĂ©, comme si quelque chose d’assez massif s’avançait doucement vers nous. Je crois que je n’ai pas le choix. Je pousse un peu pour positionner mes pattes de sorte Ă Ă©carter les bras de VĂ©mon. Il m’enserrait dans notre chute et les filins de l’araignĂ©e l’ont entravĂ© dans cette position protectrice. Je le vois grimacer sous mes efforts, il gigote, essaye de m’offrir une ouverture. Après un ultime effort, je parvient enfin Ă Ă©tendre mon cou.
Les vibration de la toile augmentent et je n’ai rien trouvĂ© de mieux que manger le fil Ă ma portĂ©e. C’est assez insipide au goĂ»t mais plutĂ´t efficace pour dĂ©pĂŞtrer VĂ©mon. Il retrouve un semblant de libertĂ© et je peux enfin me dĂ©gager. La propriĂ©taire de la toile est sans doute tout près de nous, Ă prĂ©sent. Et je n’ai pas trouvĂ© de meilleure idĂ©e pour nous dĂ©gager. Je tente donc ce pari, prends une grande inspiration et souffle de toutes mes forces une flamme prĂ©cise pour cramer les points d’ancrage. C’est un vĂ©ritable succès ! Nous tombons de nouveau… ![]() Xsss ! Ce dragon tĂ©lĂ©pathe Ă de la ressource ! Ils devraient atterrir dans la mangrove. Elle n’est pas très profonde ici, mais la couche de vase est sans doute suffisante pour leur Ă©pargner les dĂ©sagrĂ©ments d’une blessure sĂ©rieuse… Il nous faut les rejoindre et le plus court chemin passe par ce palĂ©tuvier, que je descend Ă la verticale aussi vite que possible. Nous arrivons Ă hauteur des racines, nos cibles sont Ă une petite centaine de mètres en contrebas. Je prends le temps d’un nouveau message, il s’agirait qu’ils restent en place s’il veulent survivre… Xsss xsss. J’espère que le dragon est capable de me comprendre. ![]() Nous sommes dans une eau chaude, bourbeuse et salĂ©e, entourĂ©s d’entrelacs curieux et toujours noyĂ©s dans cette fichue Brume Verte. VĂ©mon se dĂ©barrasse des filins aisĂ©ment grâce Ă cette sorte de tourbe liquide dans laquelle nous avons atterrit. L’eau Ă collĂ© ses poils et son regard piteux en dit assez pour que je me retienne de rire de son allure. Il me dĂ©croche avec prĂ©venance de sa taille et me pose sur ses Ă©paules avant de remonter sur un coin de terre qui semble Ă peu près ferme. C’est Ă©videment un bien grand mot, tout est spongieux et mousseux sous nos pattes. MĂŞme les hĂ©ros doivent mĂ©nager leurs forces. J’avise une pierre et suggère une halte. Le Chavalier s’ébroue puis s’assoit un peu lourdement. Je me mets en devoir de nettoyer sa tĂŞte des dernières trace de notre passage dans les filins de l’araignĂ©e des brumes. Et je perçois de nouveau un message de la crĂ©ature. — Je crois que quelqu’un nous suit, VĂ©mon. Quelqu’un qui nous a souhaitĂ© la bienvenu en enfer, puis qui nous a dit de ne pas aller par lĂ juste avant le ravin. — Ça ne ressemble pas Ă une prĂ©sence hostile. — Ce quelqu’un nous dit, je crois, de rester oĂą nous sommes pignoufs si vous ne voulez pas crever la gueule ouverte comme des merdes. VĂ©mon prend quelques instants pour rĂ©flĂ©chir. Je le sens soucieux, mais pas vraiment effrayĂ©. — Si ce quelqu’un qui nous suit connaĂ®t le terrain, il nous rattrapera. Essayer de le distancer ne ferait qu’ajouter du risque au risque… — Tu proposes donc de l’attendre ? — Oui. Ă€ part si tu as une meilleure idĂ©e… Je n’en ai pas et donc j’acquisse. Mais autant que la crĂ©ature le sache. Je rassemble mes forces, me concentre et lance un tonitruant appel Ă l’aide dans sa direction… Je ne sais si elle le percevra, mais je ne perds rien Ă essayer. ![]() Xsss xsss… Le petit dragon vient d’appeler Ă l’aide. Il comprends donc sans doute notre langue, mais ce n’est pas la chose la plus maligne qu’il pouvait faire. J’avise une racine et j’en mâchonne un bout, que je crache dans leur direction. Il faut Ă prĂ©sent qu’il se taise, xsss… Ou il vont encore s’attirer des ennuis. ![]() Des sortes de bubons Ă©mergent tout autour de nous et le tapis de sphaigne oĂą nous nous reposons se couvre peu Ă peu de cloques. Elles enflent dĂ©mesurĂ©ment puis explosent, libĂ©rant le passage Ă des amas de petits bougeons fichĂ©s sur des tiges qui s’étendent et se dĂ©veloppent avec une rapiditĂ© stupĂ©fiante. Nous sommes bientĂ´t entourĂ©s par ces plantes curieuses et je commence Ă ressentir comme une impression de malaise. Les bourgeons ont donnĂ© des boutons et les boutons ont dĂ©sormais des yeux ainsi qu’une petite bouche. Sur le sommet de chacune de ces horribles petites tĂŞtes, un nouveau bubon grossit : je crois qu’elles vont fleurir. — VĂ©mon, je n’aime pas ça. Je n’aime pas du tout ça ! Il faut qu’on parte… — Accroche-toi. Le Chavalier s’est redressĂ© dans un bond, le voilĂ qui grimpe au palĂ©tuvier Ă la force de ses griffes. En dessous de nous, les boutons explosent, libĂ©rant des couronnes de pĂ©tales dans une odeur vireuse Ă la fois infecte et enivrante. VĂ©mon progresse sur une branche, saute et se rĂ©ceptionne habillement sur le palĂ©tuvier suivant. Les fleurs hantĂ©es nous ont suivies, ou bien de nouvelles ont poussĂ©, je ne sais pas. VĂ©mon tremble lĂ©gèrement, comme s’il Ă©tait mal assurĂ©. — J’ai la tĂŞte qui tourne. C’est cette odeur… Ces trucs. De nouvelles fleurs s’ouvrent, exhalant Ă leur tour cette puanteur de mort. Mon regard vacille mais je me reprends de justesse, pour ne pas tomber. Il ne faut pas que je lâche prise. Le sang bat dans mes tempes et sous mes oreilles, si fort que j’ai l’impression que ma tĂŞte va exploser. Le paysage se brouille et s’étire en hauteur comme s’il dĂ©filait… J’ai l’impression de tomber et pourtant je tiens bon, en enfonçant mes griffes dans le barda de VĂ©mon. Je suis accrochĂ© comme une tique et pourtant le sol se rapproche ! Nous heurtons la mousse qui s’enfonce sous notre poids. VĂ©mon suffoque, il se tord lamentablement au sol. Je voudrais crier mais je n’ai plus de voix tant mes poumons sont en feu. Je vais perdre connaissance, si je ne fais rien… Ces horribles fleurs nous dĂ©visagent. Elles nous sourient. Je puise dans mes dernières forces pour me fourrer dans le barda, je tire le mouchoir avec ma bouche. Il est humide et salĂ©, et boueux… Et pourtant son contact sur ma langue a quelque chose d’apaisant. Mes yeux s’ouvrent de nouveau, la langueur se dissipe, mon esprit redevient clair. VĂ©mon s’est recroquevillĂ©, il dit des choses qui n’ont plus aucun sens. Je lui saute au visage, il se dĂ©bat mais ses gestes sont patauds. J’avise ses babines et je lui fourre d’autoritĂ© le mouchoir entre les crocs. Il se calme immĂ©diatement, me regarde, hoquette, se tourne et se met Ă vomir. ![]() L’odeur des salendulas Ă envahi la mangrove. Xsss… Le dragon tĂ©lĂ©pathe a du les rĂ©veiller… Ma gardienne ajuste son masque Ă gaz, je suis dĂ©jĂ parĂ©e. Xsss Xsss. Je m’attends Ă retrouver deux cadavres, aucun vertĂ©brĂ© terrestre ne peut survivre longtemps dans cette poisse nausĂ©abonde. Des bubons ont explosĂ© et fleurit un peu partout. Je crache sans Ă©tat d’âme mon acide pour nous frayer un passage, dessinant un sillage carbonisĂ© ocre et gris en ligne droite vers nos cibles. Xsss… Si nous voulons avoir la moindre chance de les sauver, je ne peux pas faire dans la dentelle. ![]() VĂ©mon a mis un coup de dent dans le mouchoir et l’a dĂ©chirĂ© en deux. Nous en avons Ă prĂ©sent chacun un bout dans la bouche. L’odeur de ces choses est toujours atroce, mais nous ne suffoquons plus. Elles nous regardent intensĂ©ment et je crois deviner qu’elles sont scandalisĂ©es par notre survie… Des sortes de limaces Ă©normes sont apparues aux pieds de l’arbre contre lequel VĂ©mon a vomi et ça grouille de plus en plus. Elles sont tellement voraces qu’elles se dĂ©vorent aussi entre elles et commencent Ă attaquer l’arbre. Certaines rampent dans notre direction et je n’aime pas ça. Je prends une grande inspiration, je vise et je les crame. La chaleur les fait gonfler et elles explosent dans un bruit lamentable…
Je n’aurais pas dĂ». Elles se sont senties attaquĂ©es et Ă prĂ©sent, elles ripostent. Tout l’amas grouillant se dĂ©sintĂ©resse du vomi pour ramper vers nous. VĂ©mon m’attrape et bondit sur l’arbre le plus proche, il grimpe en quatrième vitesse alors que les limaces s’activent Ă sa base. Elles sont en train de ronger le tronc, et elles sont fichtrement rapides ! VĂ©mon avise la première branche praticable et s’élance tandis que l’arbre vacille. Il saute, je m’accroche de toutes mes forces, il se rattrape in-extremis. Nous avons changĂ© d’arbre, mais les limaces n’ont pas abandonnĂ© la partie et il en sort de plus en plus des trĂ©fonds de la boue… ![]() Xsssss ! Ils sont toujours en vie ! En très mauvaise posture, mais toujours en vie. J’accĂ©lère le pas, plus qu’une petite dizaine de mètres. Quelques trioplastes grouillent encore, se dĂ©lectant de leurs congĂ©nères rĂ´tis vifs par le dragon tĂ©lĂ©pathe. Je les arrose d’acide pour nettoyer la zone, les rares survivants se replient devant leur prĂ©dateur naturel. Xsss xsss… J’en aurais bien boulottĂ© quelques uns, mais ce n’est vraiment pas le bon moment. Ils sont toujours poursuivis, mais ils sont rapides : le fĂ©lin saute d’arbre en arbre Ă une vitesse stupĂ©fiante, pour quelqu’un qui ne sait pas s’orienter dans les Brumes. Xsss… Mais ils ne vont pas du tout dans la bonne direction et les trioplastes ne les lâcheront pas comme ça. Ces saloperies n’auront aucun mal Ă remonter leur piste, je dois les exterminer. ![]() Nous nous sommes enfoncĂ©s encore plus profondĂ©ment dans la brume et les arbres se font plus rares. En quelques bons prĂ©cis, le Chavalier atterrit sur la sphaigne. Derrière nous, le lĂ©ger bruissement de ces horreurs se poursuit. Elles ne nous ont pas lâché… Devant nous, une courte Ă©tendue d’eau. VĂ©mon cherche en vain un moyen de la contourner, c’est peine perdue. Il prend son Ă©lan et saute le plus loin possible. Nous atteignons de justesse l’autre berge, qui semble ĂŞtre une sorte d’amas de branchages. VĂ©mon le gravit rapidement et le bruit derrière nous s’intensifie. La berge que nous venons de quitter se met Ă trembler et soudain, une forme noire accompagnĂ©e d’une petite lumière vert clair surgit et se met Ă siffler. Une odeur acide de cramĂ© envahit l’espace et je reconnais dans ce curieux relent l’accent de la crĂ©ature dont j’ai captĂ© les messages… Sa silhouette indistincte sautille dans tous les sens, lâchant dans toutes les directions ce que je suppose ĂŞtre du venin… ![]() Je m’en donne Ă cĹ“ur joie pour tous les bousiller, c’est un vĂ©ritable plaisir… Je me laisse emporter, ma gardienne aussi. Le palĂ©tuvier qui se trouvait lĂ a pris cher et je ne rĂ©alise que trop tard que mon acide n’a rien arrangĂ©. Il se penche, d’abord lĂ©gèrement, puis s’effondre… ![]() — VĂ©mon ! L’arbre ! Les hĂ©ros ont de bons rĂ©flexes. Un bond sur le cĂ´tĂ©, et nous voyons la masse inerte du tronc s’effondrer très exactement Ă l’endroit oĂą nous nous trouvions il y a Ă peine un instant. La bonne nouvelle, c’est qu’il y a Ă prĂ©sent une sorte de pont de fortune, que nous allons pouvoir emprunter pour rejoindre notre sauveur… Et je prĂ©fère ça. Cette eau qui s’est mise Ă bouillonner ne me plaĂ®t pas. ![]() Xsss. Ils ont Ă©vitĂ© l’arbre… Mais l’arbre n’a pas Ă©vitĂ© le nid du serpent des brumes ! ![]()
Une forme inquiĂ©tante Ă©merge de l’eau. Durant un court instant, nous nous dĂ©visageons, puis c’est la dĂ©bandade. VĂ©mon s’extirpe de l’amas de branchages et se met Ă courir, je m’accroche fermement et lui hurle en pensĂ©e d’aller plus vite, toujours plus vite… ![]() Pas le temps de leur mâcher de ne pas aller par lĂ , il faut que je m’occupe de celui-là … Xsss xsss. Je m’élance sur l’eau et la traverse, je saute sur son dos et je le mords aussi fort que je peux. Le serpent couine et se dĂ©bat, je m’écarte. Tu veux encore te battre ? Non ? Très bien… Xsss… Retourne donc pourrir sous tes branchages. Je n’ai pas un instant de plus Ă perdre. Cette fois, c’en est fini d’eux si nous ne les rattrapons pas. ![]() L’endroit semble plus calme, mais je ne suis pas rassurĂ©e. Il flotte une odeur Ă©trange, comme du mĂ©thane, et je me sens de plus en plus essoufflĂ©e. VĂ©mon aussi faiblit, il a cessĂ© de courir et sa respiration est de plus en plus haletante. Entre les vapeurs nausĂ©abondes, la voix de la crĂ©ature me parvient, une toute dernière fois avant l’abĂ®me… — Revenez ! Revenez ! N’allez pas par lĂ ! Mes forces m’abandonnent et je m’effondre, je lâche prise. Doucement, je nous sent tomber et ma tĂŞte heurte le sol comme au ralentit. Je n’ai mĂŞme plus d’énergie pour… ![]() Ils sont lĂ ! Ils respirent encore… Ma gardienne arrache l’havresac et le vide sans mĂ©nagements pour se saisir de la bobonne d’oxygène. Ses gestes sont prĂ©cis, mĂ©thodiques. En moins de deux, deux masques sont fichĂ©s sur les museaux de nos cibles… Ils reviennent Ă la vie. ![]()
J’ouvre les yeux et la première chose que je vois sont les mandibules gĂ©antes d’une fourmi Ă trois yeux… Pourtant, je n’ai pas peur. C’est elle, j’en suis certaine, qui me parle depuis le dĂ©but. Je me concentre et tente de lui envoyer une pensĂ©e, — Bonjour… L’humaine pas vraiment humaine qui l’accompagne s’est approchĂ©e et Ă tendu la main pour me gratter la tĂŞte. VĂ©mon s’est relevĂ©, lui aussi. Il voudrait bien parler mais les choses qu’ils nous ont mit sur le museau nous empĂŞchent d’ouvrir la bouche correctement. La compagne de la fourmi aide VĂ©mon Ă monter en selle, sur la fourmi. Puis je suis Ă mon tour attrapĂ© et mis sur ses genoux. Je me love aussi confortablement que possible et je sens les pattes familières m’entourer avec dĂ©licatesse. ![]() Xsss xsss… Sauvetage rĂ©ussi ! Xsss. SitĂ´t nos affaires rĂ©cupĂ©rĂ©es, ma gardienne remonte en selle. Le fĂ©lin est plus lĂ©ger que ce que j’imaginais, quant au dragon tĂ©lĂ©pathe, c’est un poids plume. Xssss… Je m’élance Ă un bon rythme Ă travers la brume. Le camp Ă beau ĂŞtre un peu loin, nous y serons en moins d’une heure. ![]() Ce n’est pas tout Ă fait une fourmi. D’abord, il y a trop de pattes, au moins quatre de trop. Dont deux avec des pouces opposables et des doigts palmĂ©s… Et puis elle a une carapace, qui fait plus penser Ă un crabe voir Ă une tortue… Mais, surtout, il y a cette espèce de protubĂ©rance transparente Ă l’arrière, avec Ă l’intĂ©rieur une chose qui ressemble Ă une Ă©ponge phosphorescente. Elle Ă©met de la lumière et des tas de bĂŞtes s’enfuient sur son passage… La cavalière Ă la peau livide, presque translucide. Ses yeux sont très clairs mais ses pupilles sont tellement dilatĂ©es qu’on dirait qu’ils sont noirs. Elle porte une cascade de tresses d’un blanc laiteux en guise de coiffure, qui jaillit d’une fente sur le haut de son casque, comme un panache. Pour le reste de son corps, je ne peux dire : elle est intĂ©gralement recouverte d’une armure en Ă©cailles, alternant les nuances de vert, quasiment indiscernable dans la Brume. Pendant la route, elle a tirĂ© de son havresac une demi coloquinte creusĂ©e, qui sert de bol. Dedans, elle a versĂ© le meilleur cafĂ© que je n’ai jamais bu, en nous disant qu’il allait soigner l’intoxication. Je pense que c’est vrai. En tous cas, je me sens de nouveau bien et ma tĂŞte ne me fait plus mal… ![]() Nous arrivons au camp. Le gĂ©nĂ©ral n’est pas bien loin, je le sens. J’avance glorieusement jusqu’à l’estrade tandis que retentit le cor de l’appel. Notre mission est accomplie ! ![]() Un cor a retentit et le peu de lumière du soleil qui transparaĂ®t au travers de la brume s’est soudainement Ă©clipsĂ©. Seules les petits flambeaux qui entourent le camp nous Ă©clairent dĂ©sormais, dardant leurs rayons glauques en halos tremblants tout autour de nous. Je crois que quelque chose s’approche, mais je n’en suis pas sure tant il est impossible de distinguer quoi que ce soit… Un lĂ©ger tremblement fait vibrer l’estrade sur laquelle nous nous trouvons et la cavalière se met au garde Ă vous. Tout le monde ici s’est tu. Plusieurs des lumières de la place se sont Ă©teintes, il règne une atmosphère Ă©trange. Puis le soleil revient. Nous nous trouvons nez-Ă -nez avec la tĂŞte colossale d’un immense dragon. — Bonjour, VĂ©mon le Chavalier. Bonjour, LĂ©abella. Bienvenu sur mes terres. J’ouvre grand mes yeux, incapable d’articuler le moindre mot. VĂ©mon est plus vif, il s’incline pour saluer. — Vous ĂŞtes le Mirwanöorh, le gardien des Brumes, le dragon de la lĂ©gende ! — Lui-mĂŞme, jeune hĂ©ros. Et nous devons parler. Je ne veux pas de cette guerre, mon peuple n’a rien Ă y gagner et le vĂ´tre tout Ă y perdre. — Je crains ne pas avoir une si grande influence que je puisse convaincre l’empereur de retirer ses troupes. — On m’a narrĂ© vos exploits, Chavalier. J’entends faire de vous mon discret messager. VĂ©mon acquiesce et je perçois l’esquisse d’un sourire sur les lèvres gigantesques du Mirwanöorh. — Vous avez Ă©tĂ© envoyĂ© en Ă©claireur, voici ce qu’il y a Ă savoir : je ferai prisonnier tout soldat s’aventurant dans la Brume. Vous me croirez si je vous dis que ceux de vos compagnons qui atterriront ici seront plus en sĂ©curitĂ© dans mes camps qu’à se perdre dans ces contrĂ©es si inhospitalières pour les humains ou les fĂ©lins. — Et quelles sont vos exigences ? — Nous rendrons les prisonniers si votre empereur accepte de prendre sous sa gouverne le petit bout de terre sur lequel se trouve votre campement. — Vous voulez lui donner des terres ? Mais ce n’est pas ainsi que fonctionne la guerre ! — Je ne suis pas en guerre, VĂ©mon le Chavalier. Je veux juste conclure une alliance et en profiter pour mettre en place des Ă©changes commerciaux qui seront profitables tant pour nous que pour vous. VĂ©mon se tourne vers moi et je le gratifie de grands yeux. J’ai parfaitement traduis, quel est le problème ? ![]() Les dragons tĂ©lĂ©pathes sont des crĂ©atures rĂ©ellement stupĂ©fiantes, xsss. Pour la première fois de ma vie, je comprends ce que dit un fĂ©lin, avec des mots comme on en forme dans les langages de l’au-delĂ des Brumes. Le gĂ©nĂ©ral est satisfait, je crois qu’ils sont parvenus Ă un accord. ![]() Le Mirwanöorh ouvre sa bouche en grand et entre ses dents se dessine comme un voile irisĂ©. Le dĂ©cor de la plage apparaĂ®t, c’est le portail promis. VĂ©mon m’attrape avec dĂ©licatesse, se concentre et bondit. Sans trop rĂ©flĂ©chir… Nous venons littĂ©ralement de sauter dans la gueule d’un dragon et nous atterrissons sur la plage, hors de la Brume. Le camp n’est qu’à quelques centaines de mètres, il a bien avancĂ©. Je remonte m’installer sur la tĂŞte de VĂ©mon et nous voilĂ partis, persuadĂ©s qu’il est encore trop tĂ´t pour que notre rencontre soit prise au sĂ©rieux. « Ne vous inquiĂ©tez pas, je donnerais Ă l’empereur des gages de notre puissance » … La dernière phrase d’encouragement du Mirwanöorh sonne comme un mystère pour moi. La vigie nous a repĂ©rĂ©, des signes sont donnĂ©s. Des soldats se mettent Ă courir et VĂ©mon, aussi, accĂ©lère le pas. Ses foulĂ©es se font plus longues, nous voilĂ presque arrivĂ©s. Une terreur sourde Ă envahit la place et tous les visages se tournent vers nous, comme si nous Ă©tions des revenants. Il y a quelque chose qui ne colle pas. Leurs barbes. Les hommes Ă©taient rasĂ©s de frais lorsque nous sommes partis en Ă©claireurs. Ils sont Ă prĂ©sent hirsutes, comme si un mois, peut ĂŞtre deux, avaient passé… Ils sont moins nombreux, aussi. Le camp est loin d’être dĂ©sert, mais l’armĂ©e Ă fondu… — Quel jour sommes nous ? VĂ©mon a alpaguĂ© l’un des soldats. Ce n’est pas un, ni deux mais quatre mois qui sont passĂ©s en un Ă©clair. Et nous sommes les premier, les seuls, Ă ĂŞtre ressorti de la Brume.
|