L'Académie de Lu





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Souvenirs

(par Elinor)
(Thème : Visite guidĂ©e)



Cela fait 8 ans et demi. 8 ans et demi que je ne suis pas revenue ici. Enfin... aujourd'hui je ne reviens pas vraiment non plus. Mais j'ai besoin de me souvenir. J'ai tellement peur d'oublier... 8 ans... c'est Ă  la fois si court, et si long. Mais je ne veux pas oublier. Jamais. Alors je reviens.

Rien n'a changé. Tout est comme dans mes souvenirs. La porte bleue est en face de moi. Dans le couloir, il y a toujours le bouquet de fausses fleurs. Je ne l'ai jamais aimé, je les trouvais affreuses. Je pose ma main sur la poignée de métal. Elle est froide... J'ai peur... Mais je ne veux pas renoncer. J'en ai besoin. Je veux me souvenir d'eux. Alors j'agis sur la poignée, et j'ouvre la porte.

Tout afflue d'un coup, comme une cascade qui ramène à ma mémoire des choses qui se sont écoulées il y a si longtemps...

L'ambiance qui règne est à la fois chaleureuse... et tellement froide. Sans personne, l'appartement est si vide. Je décide de commencer par leur chambre. Après tout, c'est l'endroit où commençaient toutes nos journées. Le gros câlin du matin, nous trois blottis entre eux, à les empêcher de faire la grasse matinée. Leur grand lit est toujours là, ainsi que la télévision qui loge dans le bureau de papa maintenant. Il n'y a pas un grain de poussière... Ce n'est pas étonnant, elle n'aimait pas la saleté. Nos rires, nos bisous... cette pièce, comme toutes les autres sûrement, résonne de nos moments passés ensemble.

Je ressors, pour tomber sur la salle Ă  manger. Ah... cette grande table qui a tant connu. J Les croissants de la boulangerie au coin de la rue pour le petit-dĂ©jeuner avec le jus d'orange pressĂ© par Papa qui se levait toujours plus tĂ´t. Le dĂ©jeuner du dimanche midi, toujours composĂ© des mĂŞmes plats : la salade de concombres Ă  la sauce crème-vinaigrette, le rĂ´ti de bĹ“uf accompagnĂ© des pommes de terre sautĂ©es et des haricots frais au persil que nous avions cueilli le samedi, le fromage avec toujours du camembert et la fameuse tarte aux pommes de maman... C'Ă©tait toujours dĂ©licieux. Nos après-midi de mille-bornes, emprunts de fous rires, de coups bas et d'alliance improbables... Et nos soirĂ©es de nain jaune. C'est lui qui m'a appris Ă  y jouer. Au dĂ©but, j'Ă©tais sur ses genoux, je posais les cartes, je faisais des piles de jetons, et puis, petit Ă  petit, j'ai pris mon indĂ©pendance. J'ai commencĂ© Ă  jouer toute seule, Ă  reconnaĂ®tre les bons jeux... les moins bons jeux... et Ă  me tromper complètement. Je me souviens encore de cette fois oĂą je croyais gagner la partie, ayant presque toutes les meilleures cartes, et il a commencĂ© Ă  jouer. Il avait une seule et mĂŞme suite, et je suis partie en criant "Je suis ruinĂ©e"... Il avait Ă©tĂ© lĂ  pour me consoler, comme toujours. J'entends nos rires, je sens les odeurs...Je passe mes doigts sur cette belle table, sens la rigiditĂ© du bois...Des larmes me montent aux yeux en repensant Ă  tout ça, mais je veux continuer. Je dois continuer.

Je passe dans la cuisine étroite. Elle est toujours aussi chaleureuse, et dieu qu'elle sent bon. Le fameux rôti est dans le four. La tarte aux pommes est déjà sortie. Comme je faisais toujours, je pique un morceau de la croûte. Ils m'appelaient la petite souris... Je n'ai jamais compris pourquoi. La pâte brisée de Maman n'a pas changé de goût... elle est toujours aussi bonne. Dans l'évier, j'ai l'impression qu'il y a toujours des morceaux de verre, ceux de mon biberon qu'elle avait cassé "par accident" et qui m'avait obligée à commencer à boire mon lait du matin à la tasse... L'horloge est toujours aussi bruyante, mais j'en avais fait une mélodie. C'est grâce à elle qu'elle m'a appris à lire l'heure, même si ça mettait Maman en colère, puisqu'elle ne voulait pas que je sois en avance à l'école...

Je pars dans le salon. Dès que j'arrive, je crois entendre la musique classique qu'il affectionnait tant. S'il avait su qu’aujourd’hui, nous sommes tous musiciens... Je suis sûre qu'il aurait été heureux de nous écouter jouer...Les canapés rouges qui sont aujourd'hui chez moi y sont pourtant toujours. La lampe également. Sur la petite table qui en a vu de toutes les couleurs, il y a son livre préféré, Ces messieurs de Saint-Malo, ainsi que ses lunettes de lecture. La télévision est éteinte, mais le meuble qui la supporte est plein à craquer de nos anciens dessins animés. Qu'est ce que nous avons pu les regarder, ces Babar... J'ai l'impression de sentir l'odeur du sapin de Noël... C'est là-bas que nous avons pris l'habitude du verre de lait et des carottes pour le père Noël... J’aimerais tellement revivre un Noël, juste un seul avec eux...

Avant de recommencer Ă  pleurer, je retourne sur mes pas et m'engage dans le couloir que je connais par cĹ“ur. 4 pièces dĂ©bouchent sur celui-ci. La première, c'est notre chambre, Ă  mon frère, ma sĹ“ur et moi. Lui dormait sur le lit double, nous sur les lits superposĂ©s, mais tous avec des couettes de la mĂŞme couleur : rouge et orange). Étant la plus grande je dormais toujours en haut, malgrĂ© l'Ă©chelle qui faisait mal aux pieds. Le soir, on parlait toujours, je ne sais plus de quoi, on se lançait nos oreillers... c'Ă©tait tellement bien... C'est dans cette chambre que j'ai lu mon premier conte, La Belle et la BĂŞte. J'Ă©tais toute seule chez eux pour le week-end, je crois mĂŞme que c'Ă©tait la première fois. Nous Ă©tions allĂ©es toutes les deux Ă  la bibliothèque dans l'après-midi, j'avais choisi ce livre lĂ , et le soir, quand j'avais commencĂ© Ă  pleurer parce que je n'aimais pas ĂŞtre toute seule, elle Ă©tait venue s'installer avec moi, sous les couettes oranges, et elle me l'avait lue, puis fait lire... Si ce genre de souvenirs me font pleurer, ils me rassurent aussi... Je ne les ai pas oubliĂ©s.

Les deux pièces suivantes sont sans importance... La chambre de mes parents et la salle de bain.. quoique la salle de bain... J'y passe en vitesse. Nous nous amusions tellement dans le bain, nous mettions de l'eau partout... J'entends encore Papa crier parce qu'on gâchait de l'eau... Mais eux s'en fichaient. Ils aiment nous voir rire.

Et puis la dernière pièce... son bureau avec son grand ordinateur. Nous nous battions toujours pour LA place sur sa belle chaise de bureau pour être le plus à l'aise possible... Les deux autres se débrouillaient... Mais surtout pour choisir les chansons que nous écoutions. Nous pouvions passer des heures à écouter des comptines... J'entends encore leur air... La souris verte, le petit navire... Mon petit frère n'a pas connu tout ça, lui...

Je retourne sur le canapé rouge... Des fois, j'aimerais tellement retourner sur ses genoux, pour jouer au cheval ou au bateau sur l'eau... Mais rien de tout ça n'est possible. Je m'enfonce dans le canapé rouge, si moelleux, en même temps que je replonge toujours plus profondément dans mes souvenirs...

Ça fait plus de neuf ans que Grand-Ma est partie, et 8 ans et demi que je n'ai plus revu Grand-Pa... Tant de temps... Mais des fois, cela me paraît si court. Il y a tellement de choses que j'aurais voulu partagé avec eux... Ma rentrée au collège... Au lycée... Mes premiers concerts de flûte... ma première représentation de théâtre... Ma promesse aux louvettes puis aux guides... Quoique, Grand-Ma aurait été folle de nous voir tous les quatre chez les scouts d'Europe. Elle les trouvait fous, avec leurs shorts même en plein hiver... Et surtout, surtout, la naissance de mon petit frère. Ils ne l'ont jamais connu, et lui non plus. Ils sont partis tellement tôt... Beaucoup trop tôt...

Inconsciemment, alors que je ne voulais me souvenir que des moments joyeux, ceux qui le sont beaucoup moins resurgissent. Tout ce qui s'est passé... après. La pire soirée de ma vie, où j'ai appris que je la reverrais jamais, alors que nous avions des amis à la maison... Son enterrement, le pire jour de ma vie... Mais il était là, il a tenu ma main tout du long... Et puis lui aussi est parti... Toutes les fois où je me suis réveillée en pleurs dans mon lit, en voulant les voir... puis en me souvenant que ce serait plus jamais possible...

Je sais qu'ils sont là, quelque part, et qu'ils veillent sur moi. Je sais que beaucoup n'y croient pas, mais moi si. Le fait de savoir que quelque part dans le ciel, ils étaient là m'a tellement aidée à certains moments. J'imaginais leurs visages dans les nuages... pensais aux parties de cartes auxquelles ils pouvaient jouer... De telles images ne me viennent plus aujourd'hui, mais je sais qu'ils sont là, et qu'ils le seront toujours.

Je regarde l'horloge en face de moi. Il va être l'heure de sortir de cet endroit, pour retourner à la vie réelle. Il va être l'heure de remettre ce masque... Ce masque que j'ai commencé à porter pour faire comme si tout allait bien, parce que je voulais pas ajouter mon mal-être à la peine suffisamment profonde de mon entourage, surtout celle de mon père. Ne jamais dire quand ça va, toujours garder ce qui n'allait pas pour mon lit, où je pouvais pleurer sans déranger personne. Ça fait neuf ans que je le porte, je n'ai jamais perdu cette habitude. Mais aujourd'hui, je sais qu'il commence à se fissurer, à se défaire... Ce texte en est la preuve. Je ne sais pas si c'est une bonne chose... Sûrement. Une chose est sûre, je ne suis pas prête à le laisser tomber définitivement. Il y a des choses que j'ai gardé caché trop longtemps... Mais j'avance, petit à petit. Et un jour, j'arriverai à l'enlever, pour ne plus jamais le remettre. Un jour... quand je serai prête.

Avant de quitter cet appartement qui a abritĂ© tant d'heureux moments... Je contemple une photo de toute la famille. Je ne me souviens mĂŞme plus quand elle a Ă©tĂ© prise, mais peu importe. Et je m'adresse Ă  eux en chuchotant :

— Grand-Pa... Grand-Ma... Vous me manquez tellement. J'espère que vous ĂŞtes fiers de la personne que je suis dĂ©jĂ  devenue, et que je m'efforce de devenir encore. J'aurais tant voulu que vous restiez... Que vous ne partiez pas... Ça fait neuf ans que je vis avec votre absence... Et si des fois je sais que je suis aussi heureuse que je peux l'ĂŞtre...Des fois j'ai l'impression que la blessure et le vide qu'a laissĂ© votre dĂ©part sont toujours aussi ouverts... J'aimerais tellement vous revoir, mĂŞme si je sais que ce n'est pas possible... Mais je sais que vous ĂŞtes lĂ , quelque part, et ça me rassure tellement... Je vous aime.

Une fois cela dit, je quitte l'appartement, sans me retourner. J'y reviendrai peut-être... Mais pas tout de suite. Je ferme la porte, et je retourne dans la réalité.














Faucheuse

@Eli, déléguée et apprentie ton texte est très touchant. N'oublie pas que mes mp te sont à jamais ouvert


Le 14/07/2021 à 19:41:00



Malkym

@Eli, déléguée et apprentie Ton texte est assez semblable à celui de Gaïa sur quelques points, notamment comme on s'en doute cette familiarité et ses émotions que tu as insufflé à chacune de tes descriptions. Je me suis même étonné à retrouver dans tes dires quelques uns de mes souvenirs, ce qui m'a tiré une larme ou deux, je l'avoue. ?
C'est un beau texte, qui comporte comme tu le pensais quelques fautes mais je n'en tiens rigueur à personne. Plein d'émotions, plein de poésie, plein de personnel et... c'est un très beau témoignage, dans lequel je ne dois pas être le seul à me retrouver. N'hésite pas à parler de ton ressenti. Tu sais que, si le public te fais peur, tous les MP sont ouverts ;)


Le 14/07/2021 à 19:50:00



Ellumyne

Et voilà, tu as réussi à me faire pleurer @Eli, déléguée et apprentie . Ton texte est vraiment touchant. Et tu nous racontes tes souvenirs avec une simplicité et une sincérité extraordinaire. Vraiment magnifique et je ne peux que t'envoyer du courage par la pensée, même si je sais que ce n'est pas grand chose.


Le 14/07/2021 à 20:00:00



JilanoAlhuin

@Eli, déléguée et apprentie Je ne t'apprends sans doute rien en répétant les autres sur ce qu'ils ont dit. Tu as insufflé tes émotions et ton ressenti dans ce texte, et ça se sent. Genre vraiment. Je ne sais pas si je dois te féliciter, mais bravo, tu es la première à me faire verser une larme sur un texte. On s'imagine à la perfection le décor ainsi que les scènes qui s'y sont jouées. Le tout rend un texte beau et riche en émotions, qui m'a rappelé certains moments passé de mon côté avec certaines personnes. Je connais également très bien ce masque que tu portes, et j'espère de tout coeur que tu parviendras à le faire tomber. N'oublie jamais qu'on est là pour toi si tu ressens le besoin, que ce soit des oreilles pour t'écouter, des paroles pour te réconforter ou rire avec toi ou juste être présent quand tu en as besoin. :Ewilhug:


Le 14/07/2021 à 20:05:00

















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