Ah... Halloween. La fête des morts. Après toutes ses années, je ne sais toujours pas si j'aime ou je déteste cette fête. D'un côté, la quantité phénoménale de personnes qui se baladent dans les rues ce soir là me rebute beaucoup. Ma sociabilité demeure depuis toujours très compliqué. J'éprouve un blocage quand trop de gens se trouvent en ma compagnie. Mais d'un autre côté... Les costumes, les déguisements, me passionnent depuis toujours. Quand j'appartenais encore au monde de l'enfance, je me déguisais en prince (parce que je trouvais les princesses beaucoup trop gnangnan), en sorcière, en elfe... et ma passion persiste toujours.

Cette annĂ©e, avant de sortir, je vĂ©rifie l'ajustement de mon costume. Une cape, une tresse, une tunique, des bottes hautes, et bien sĂ»r, ma faux... Eh oui, l'apprentie Faucheuse en moi peut enfin s'exprimer ! L'obtention de ce costume s'avĂ©ra ĂŞtre un vĂ©ritable casse-tĂŞte... Mais quel bonheur de pouvoir le porter ! Une vĂ©ritable fiertĂ© !

Mon reflet me convenant, je passe le pas de ma porte, et me dirige vers le centre-ville, marchant lentement, le pas flâneur, où se trouve le lieu de rendez vous fixé avec mes amis. Mais, très vite, mon attention se détourne de mon chemin. Je crois voir une ombre se glisser dans la pénombre. Je pourrais l'ignorer, mais comme toujours, ma curiosité gagne le combat contre ma prudence, et je commence à marcher dans ses pas. Le jeu du chat et de la souris commence.

Je ne parviens malheureusement pas Ă  la voir correctement. Trop loin de moi, cette silhouette semble plus rapide que la lumière, et elle reste dans les coins les moins Ă©clairĂ©s. Mais suite Ă  un moment d'inattention de sa part, elle se glisse sous un rayon de lune, et je parviens Ă  distinguer certains dĂ©tails de son apparence. Enfin... Je distingue surtout une longue cape possĂ©dant une grande capuche, et l'objet que cet ĂŞtre tient dans ses mains... une faux ! Cela me semble impossible, et pourtant... pourtant je ne peux pas me tromper. Mais qui poursuis-je ? Dans quoi m'embarquĂ©-je ?

Le cĹ“ur battant, je reprends ma filature, et je suis cet ĂŞtre Ă©trange. Peu Ă  peu, je m'aperçois qu'elle me conduit vers les docks... Mais pourquoi le port ? Au fur et Ă  mesure que nous nous approchons du port , une brume l'enveloppe. Mais cette brume... Au fond de moi, je sais qu'elle, comme cet ĂŞtre, n'appartiennent pas Ă  ma rĂ©alitĂ©. Mais d'oĂą viennent-ils ? L'angoisse commence Ă  monter. Je sais que je peux encore rebrousser chemin... Mais je le refuse. Je dois savoir. Alors je continue.

Nous arrivons alors sur les quais. Elle s'arrĂŞte tout Ă  coup, sur le bord. Un pas de plus et elle tomberait dans l'eau. Je me cache derrière une maison, et l'observe, le cĹ“ur battant Ă  toute rompre. Ainsi arrĂŞtĂ©e, mĂŞme alors qu'elle me tourne le dos, j'arrive Ă  mieux la distinguer. La lune me facilite la tâche en sortant de derrière les nuages, et en l'Ă©clairant. Ainsi, je peux voir tout mon saoul cet ĂŞtre... ou plutĂ´t cette... fille ? femme ?... personne fĂ©minine, Ă  en juger par sa tresse volant au vent marin. Mais sa teinte de cheveux me semble lĂ©gèrement Ă©trange. On lui prĂŞterait une couleur...blanche. Pourtant, Ă  en juger sa taille et sa corpulence, on ne lui donnerait pas plus de 18 ans. Sa cape vole Ă©galement au vent, et sa capuche couvre sa tĂŞte et son visage. Une main posĂ©e sur sa hanche, elle tient de l'autre une faux. Avec grand Ă©tonnement, je fais un parallèle avec mon propre dĂ©guisement. Ils se ressemblent tellement !

Soudain, elle tourne la tête de mon côté... et j'arrive à distinguer son visage. A sa vue, je me retiens de hurler, une main devant la bouche, et en voulant reculer pour m'enfuir, je trébuche sur une pierre et m'écroule sur le sol, provoquant un bouquin d'enfer. Elle tourne la tête et me voit. Je me relève alors à toute vitesse et commence à courir. Je dois lui échapper.

Ma tête bourdonne. Je ne comprends. Je ne sais pas comment qualifier cette... créature, et je ne veux pas le savoir. Les images que je viens de voir me restent en tête. Je dois lui échapper. Question de vie... ou de mort. Je déglutis à ce mot. Et je cours de plus belle, comptant me perdre toujours plus loin dans le dédale de containers.

Je sais qu'elle me rattrape, je le sens. Alors j'accélère, encore et encore. Mais je ne tiendrai pas longtemps à cette vitesse. Et elle gagne de la distance à chaque seconde. Alors je prends le parti de me cacher. Et la seule chose que j'aperçois à proximité...s'avère une remorque couverte d'une bâche, au détour d'un container.

Alors, sans réfléchir, je me glisse dedans. Un coup d’œil d'un côté, un coup d’œil de l'autre... Je ne la vois nulle part. Je souffle enfin. Je vais m'en sortir. Et je sens une lame sur ma gorge.

Ce visage... Si on peut appeler ça un visage, qui m'effraie se dĂ©voile alors que cette crĂ©ature du diable soulève la bâche pour m'exposer Ă  la lumière de la lune. Cette dernière Ă©claire sa peau translucide, son crâne visible au travers de son visage transparent et Ă  peine visible...et mes propres traits ! TĂ©tanisĂ©e, je n'ose pas bouger. La faux sur ma gorge m'empĂŞche de tenter la moindre chose pour m'enfuir. Son ascendant sur moi semble total. Je ne vois aucune issue.

Un sourire sadique se dessine sur son visage, et elle dit :

— Personne. Ne voit. JAMAIS. Mon visage. Avant sa mort.

Avant sa... Quoi ? Le temps se coupe soudainement, et je sombre dans les limbes de l'inconscience.

Lorsque j'ouvre les yeux, je ne reconnais rien. Enfin si. Une chose. La créature en face de moi. Je ne comprends pas...

Sa capuche ne la couvre plus. Son visage exposĂ© Ă  la lumière du... Non pas du soleil, la nuit couvre toujours toute la ville ! Mais oĂą me trouvĂ©-je ?

Elle Ă©clate de rire.

— Lâche cet air effrayĂ© voyons ! Tu sais parfaitement oĂą nous nous trouvons. Et tu connais parfaitement mon identitĂ©. Souviens toi. Tu sauvegardes toutes les informations importantes dans une partie de ton cerveau, je le sais. Alors fais le fonctionner pour une fois !

Je ne comprends pas.... Que se passe-t-il ?

— Il faut vraiment tout t'expliquer ? Très bien... Je te souhaite la bienvenue dans l'antichambre du royaume des Morts !