Mélimélo rencontre
(par Melakyn)(Thème : DĂ©fi d'Ellumyne)
La pierre ici fend le sable, émerge du sol de part et d’autre de la plaine, immanente, frôlant le ciel. Une étrange stase demeure sur ces terres, une absence de vents, un calme brusque et perturbant. J’aimerai tant sauvegarder ce paysage si sublime au fond de mes souvenirs, mais je connais désormais trop bien leur tendance à s’évaporer comme la brume au matin.
Les rocs se font de plus en plus pentus, hauts, bloquant tout courant aérien, tout mouvement autour de moi, en dehors de celui des vipères rampantes. Les vipères… à cette pensée, mon estomac se retourne. Depuis trop longtemps je marche seul, alors telle vie, tout près de moi… Et moi, je vis, au moins ? Non, non, bien sûr, je vole, j’erre comme un brin de poussière, dans le temps qui passe.
Et pourquoi je me répète ça sans cesse, hein ? Pourquoi je ne pourrais pas me dire autre chose ? Pourquoi pas ne pourrais-je pas ramper comme les vipères, fouler le sol comme les hyènes, rugir avec les bourrasques comme le font les chacals ?
Parce que… Parce que les choses ne peuvent se faire autrement.
Alors j’avance, encore, je marche, l’esprit troublé, et, pour la première fois, les larmes aux yeux. Ma vie, elle se résumera toujours à ça, je n’en doute plus. Elle se résumera à marcher, prisonnier du désert et de ses grandes plaines, jusqu’à ce que… Jusqu’à ce que quoi, au juste ?
Jusqu’à ce que –
J’essuie mes yeux du revers de la main, et continue à marcher. Que faire d’autre ? le soleil, encore, ricane et se moque de moi. Quel abruti.
Mais j’ouvre les yeux, alors…
Des chevaux, des cavaliers, perchés plus hauts, entre deux rochers. Je frotte mes yeux une fois de plus. Ça ne se peut pas.
Le vent reprend doucement son chant subtil, sa danse folle. Le vent, flâneur, baladeur, qui va, vient, par petits à -coups, brefs, se plait à me taquiner de ses caresses délicates, sauvages, et remonte, jusqu’aux ascendants nocturnes, lécher le ciel, puis redescendre en moqueries louvoyantes effleurer les cavaliers.
Alors ils réagissent, et – soudain, brusques, traînant derrière eux, remorque de sable volant en gerbes, il s’élancent vers moi, tailladent le sol des sabots percutants, et l’orage de leur cavalcade sourde retentit tout autour de moi.
Quelque chose change. Quelque chose change vite, tandis qu’ils s’amassent, m’encerclent ; quelque chose de bien trop fort pour moi. Non, je n’erre pas comme les poussières, non. Je vais quelque part, désormais, je le sais.