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![]() ![]() 4° portail(par Melakyn)— Mad’moiselle ? Mad’moiselle ? Noir, elle ne voyait que du noir. Le sang tambourinait à ses tempes, le sol tremblait et tournait sans fin, et une sourdine étrange, un écho lointain, se superposait à chaque son qu’elle entendait. Alors, elle tenta de bouger, et une grimace lui défigura le visage lorsqu’elle sentit la pierre sous elle griffer sa peau. — Oh, Mad’moiseeeeeeeeeelle ? La voix avait l’air particulièrement exaspérée, un quelque chose de rauque et las, et même si elle n’avait aucune envie d’affronter un monde nouveau, tant il se déclarait désagréable, elle savait qu’il lui faudrait bien émerger un jour. De toute façon, elle allait renvoyer cet homme à la voix particulièrement agaçante, lui envoyer une réplique particulièrement cinglante au visage, et se barrer, explorer un peu cet endroit. Et elle ouvrit les yeux. Mais la lumière, vive, brûlante, irradia ses pupilles alors elle les referma aussitôt. Elle avait mal aux yeux… Ses arcades ployèrent, tant elle fronça les sourcils et, lentement, elle porta ses mains à son visage. — Putain, faites chier, debout ! Un violent coup de talon dans les hanches vint lui arracher un grognement. Miséricorde… Son corps entier se plia en deux, alors la voix soupira. — Debout, sinon je vous laisse. Qu’il la laisse, ça valait mieux. Qu’elle haïssait ce type ! Mais le temps d’y songer, les yeux plissés, le visage enfoui dans la poussière et le sable, la joue écrasée contre le roc, elle porta son regard devant elle. La première chose qu’elle vit, ce furent deux bottes, fichées dans le sable, la pierre. Et juste derrière, le sable, le sable, et encore le sable. A perte de vue, sur des étendues sèches, rocheuses, et dénuées de quelconque vie. — Je suis où ? Elle releva les yeux, une main en visière, vers cette silhouette maigre et figée, désagréable, qui la surplombait. Un visage fin, émacié, le menton parcouru d’une vielle barbe, le crâne presque chauve sous un large chapeau, les sourcils broussailleux, froncés, le nez retroussés, et les joues plissées en de nombreuses rides, alors qu’entre ses dents crispées en un rictus nerveux, s’écrasait une cigarette à moitié consumée. Sa chemise, froissée et déchirée sur l’épaule, était d’un gris raide et acre, et les manches étaient remontées jusqu’aux coudes, laissant apparaître sur son poignet gauche un bracelet large et ferreux, qui semblait incrusté à même la peau. D’étranges diodes s’allumaient de vert à intervalle régulier, et sa peau, tendue, tirée, tressautait à chaque fois. — Haha, la morveuse… Vous m’demandez vraiment ça, Mad’moiselle ? Il réajusta brièvement son large chapeau, s’écarta de quelques pas. Ester se redressa, se torsionnant lamentablement pour le suivre des yeux. Il y avait, plus loin, un vieux cheval, au poil rapiécé, dont la selle, de cuir vieilli, tenait miraculeusement encore sur le dos. Y étaient attachées, aussi, diverses pièces de métal, parfois rouillé, parfois tordu, mais quelques cordes, tissus crasseux, et autres matériaux noués sur la croupe de la bête, semblable à une décharge ambulante. Il saisit, nonchalant, la bride du canasson, maugréa encore : — Z’attendez quoi ? Je vais pas attendre ici toute la journée, hein ! — Mais je… Il haussa un sourcil, ironique. Alors elle referma sa bouche, sans bruit, et se redressa péniblement. De quelques tapes sur ses genoux, elle en enleva autant de sable qu’elle put, puis rattrapa de quelques foulées le type qui reprenait déjà sa route. Scrupuleusement, l’œil vif, elle parcourut l’horizon de droite à gauche, devant, derrière, cherchant quoi que ce soit pour briser la ligne trouble et ocre du désert. — On est où ? Il explosa de rire, se tenant les côtes, la fumée s’échappa de ses lèvres en crapotant. Il saisit alors la cigarette, pensif, accélérant le pas, et reprit. — Au Vatican, chérie ! Qu’est-ce que vous croyez ? — Mais je ne suis pas d’ici ! — Ben dites-moi, justement ! Qu’est-ce que vous foutez au milieu du désert, à pioncer comme la belle au bois dormant ? — Dites-moi d’abord où je suis ! — Et vous me direz d’où vous venez ? — Peut-être. Il pouffa doucement, tira quelques dernières bouffées de sa cigarette, et la jeta au sol sans plus d’attention. Il passa sa langue quelques fois sur ses lèvres asséchées, songeur, et poursuivit. — La baie d’Hexonshire. — C’est tout ? — Bah oui. Vous vous attendiez à quoi ? — Je sais même pas où est cette baie. — Vingt bornes au-dessus de Bradpolis. — C’est… Mon dieu… — Vous croyez encore à ce con-là ? Elle essuya du revers de la manche ses tempes déjà trempées par la sueur. Ils ne marchaient que depuis quelques mètres, mais déjà la chaleur l’assommait, et il n’y avait toujours aucune structure en vue. Jamais elle ne tiendrait aussi longtemps. — On est en quelle année ? — Ah, j’ai dit que je vous dirai où on est, pas quand on est. A votre tour ! Qu’estce que vous foutez ici ? — Euh… Je viens d’un autre endroit… — Merci ch’uis pas con non plus. — Je suis arrivée par un portail entre les dimensions. Alors il s’arrêta soudain, bascula la tête en arrière, et ria encore plus fort. Ester recula d’un pas, croisa les bras sur sa poitrine, furieuse. Elle voulut répliquer quelque chose pour l’arrêter, mais il riait si fort qu’il manquait de chuter en arrière, et son rire écrasait tout tentative de l’interrompre. Quand enfin il se calma, les larmes aux yeux, reprenant sa marche, elle soupira, lasse. — Eh ben ma vieille ! Depuis le temps que j’en ai pas entendues des pareilles… Enfin bon, vous inquiétez pas, je vais vous ramener à la ville, vous confier aux autorités, ils vous emmèneront là où il faut. — Vous ne me croyez pas ? — Oh, pas de souci, je juge pas. Ça peut arriver à tout le monde. — Mais… Mais vous voyez bien que je suis pas habillée comme vous, que je… Il rehaussa le menton, parcourut son corps de haut en bas, puis, prenant dans la poche de sa chemise une nouvelle cigarette qu’il coinça dans son bec, il reprit, indifférent. — Oh, avec les implants cérébraux dégénérés, n’importe quelle hallucination peut se transmettre aux autres, mais ça devrait pas tarder à se dissiper. Il tapota, pour appuyer ses propos, sur son bracelet clignotant, lui montrant son bras. Puis, concentré, il alluma la cigarette d’un vieux briquet à gaz, et inspira longuement. — Donc, on est quand ? — Quoi ? — Quand ? Quelle année ? — Ah, oui… Euh… chais pu. C’est important ? — Et ben… Je suis un peu perdue… — Oh mais faut pas, les autorités vénusiennes vont vous prendre en charge. Nos systèmes de santé sont au top, du moment que vous avez pas de casier judiciaire… — Les autorités… — J’ai dit un truc qu’il fallait pas ? — Vénusiennes ! — Ouais et ? — On est sur Vénus ! Son visage s’illumina soudain. Elle s’écarta, juste pour ne pas recevoir en pleine face la fumée qu’il crachait sans interruption, mais déjà elle sentait la vigueur lui revenir, ses pas se faire plus entrainants. — Qu’est-ce qu’ça peut vous foutre ? Fin, c’est vachement con, vous venez de Mars ou quoi ? — Je viens de la Terre ! — Oula, vous êtes plus sérieusement atteinte que ce que je croyais… — Mais arrêtez avec ça, je suis parfaitement saine d’esprit ! — Haha, bien sûr… Vous inquiétez pas, chérie, dès qu’on va arriver dans la banlieue je vais régler ça. Ester soupira, fébrile, se demandant alors exactement ce qu’il adviendrait. Que ferait-on d’elle, en ville ? Est-ce que c’était une bonne idée, ne serait-ce que d’y aller ? Un instant, elle songea à s’enfuir en courant, mais pour aller où ? Et il la rattraperait bien vite. — Ceci dit, au final ça m’explique toujours pas ce que foutiez ici. — Mais je vous l’ai dit ! — Nan mais, sérieusement, quoi. Surtout… surtout ici. — C’est particulier, ici ? — La baie ? Ah bah, pas qu’un peu, ouais ! La route vers les ruines, c’est un des endroits les plus dangereux de la région ! — Pourquoi-ça ? Il plissa les yeux, rabattit son chapeau sur son front et, se donnant un air faussement mystérieux, il prit une voix bien grave, plongea ses yeux dans ceux d’Ester, et murmura. — C’est la route des carnassiers… Des êtres sans loi, qui pillent, tuent, violent et dévorent tout ce qu’ils croisent… Des sauvages, nés dans la poussière, qui ne connaissent pas la civilisation… Elle tituba, un instant, désemparée, et à son air stupéfait, le gars ne put s’empêcher d’éclater de rire encore une fois, et reprit son air habituel, de plus en plus agréable envers elle. — Putain, ce que vous êtes chochotte ! — C’était pas rigolo ! — Meuh si, vous inquiétez pas. — Et, en vrai du coup ? — En vrai, c’est une route longue, sans eau, on s’y perd très facilement. Les carnassiers, j’en ai jamais croisés, mais on en parle, et parfois, même les meilleurs d’entre nous disparaissent soudain sans laisser de trace… Sans parler du fait que c’est interdit. — Bah pourquoi vous y allez alors ? — Parce qu’on trouve de superbes pièces, qui se vendent encore mieux qu’un rein ! Enfin ça vaut plus grand-chose t’façons, mais bref. Un jour j’ai trouvé un putain de générateur, comme neuf ! Si vous saviez… Tient mais d’ailleurs… Il s’arrêta encore, se retourna vers la jeune fille et, un moment, la contempla de haut en bas, d’un regard perçant. — C’est toujours là , hein… C’est pas dissipé. J’espère que vous êtes pas contagieuse et que vous m’avez pas contagiée… — C’est pas contagieux, des hallucinations. — Vous êtes médecin, ptet ? Puis, sans prévenir, il vint effleurer ses manches, son ventre, palper le tissu de ses vêtements. Ses yeux se firent tout grands, écarquillés, et sa bouche s’ouvrit en une expression de stupeur. — Bordel, je peux toucher vos vêtements ! Je fais une hallucination ! — Mais non, je suis… — Putain, putain, ça doit être pété… Il lâcha la bride du cheval, cracha sa cigarette dans le sable, porta la main à son bracelet. Il le tapota, quelques fois, cherchant quelque chose dessus. Bien vite, la sueur se mit à couler de son front, ses mouvements se firent saccadés. — Je suis fou… — Mais vous m’avez touchée déjà , au début ! — Oui, mais c’est le début, normalement ça se dissipe… — Quoi ? Il se retourna vers elle, brusquement, le visage livide, et l’observa encore. — Bougez, pour voir. Elle fit un tour sur elle-même. — Il y a tant de détails… je suis fou. — Vous verrez un médecin alors, vous irez aux autorités vénusiennes, non ? — Je peux pas… J’ai un casier. Je serais mis aux arrêts et… — Et ? — Et utilisé dans leur programme de recherches. — C’est grave ? Il se redressa soudain, et rugit à sa figure. — S’ils m’attrapent, je serais plus considéré comme humain ! Je suis fou, mais ils me guériront pas, non, y’a plus aucun moyen ! S’ils m’attrapent, ils feront tout un tas de trucs avec moi, sans la moindre… Il se tourna vers son cheval, saisit un flingue coincé entre les plaques de métal et se tira une balle entre les deux yeux. La poussière se souleva quand son corps y tomba. — Monsieur ? Le cheval hennit doucement, intrigué, et recula d’un pas. — Monsieur ! Silence. Le sang s’écoulait, lentement, en de minces sillons dans la poussière. Elle s’accroupit d’abord, se pencha près de lui, recula vivement lorsque l’odeur lui sauta à la gorge puis, le nez pincé, elle tenta de l’observer un peu, à tout hasard. Et elle se releva. Le cheval ne bougeait toujours pas. Il attendait, impassible, et le sang s’écoulait. Bien. Et maintenant ? Un léger « Chpouf » retentit derrière elle. Elle se retourna, nerveuse, et un sourire étira ses lèvres lorsqu’elle aperçut, quelques mètres plus loin, rayonner le portail. Alors elle s’élança et, sans hésiter, sauta. Cette histoire fait partie d'un tout plus grand ! |