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Downforyears![]() Spectacles![]() Timeline du Nauteur
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Ester roula comme elle le put dans la boue. Une patte longiligne jaune et noire s’enfonça dans le sol là où elle s’était tenue quelques secondes auparavant, et la jeune femme frémit à l’idée qu’elle aurait pu y passer. A bien y réfléchir, elle allait surement y passer dans quelques secondes si un miracle n’avait pas lieu. L’araignée géante qui se tenait devant elle s’en assurerait.
La jeune femme tenta de déchiffrer les claquements des chélicères dans le but d’anticiper la prochaine action du prédateur jaune rayé de noir, mais sans succès. Ses multiples yeux semblaient la fixer, et une vibration parcourut son abdomen. Ester maudit le portail qui l’avait mené dans cette jungle des horreurs, et se résigna à sa mort prochaine.
Une forme sombre s’abattit sur l’araignée et planta une lance étrange dans la chitine de la créature. Le nouveau venu laissa la lance plantée ainsi, dégaina un sabre aussi bizarre que la lance et trancha deux pattes avant de sauter et de se réceptionner en roulant sur le sol boueux. Ester crut halluciner, lorsqu’elle vit qu’il avait déjà rangé son sabre couvert d’une substance verte. L’arbalète qui logeait sur son dos venait d’atterrir dans ses mains, et une volée d’une demi-douzaine de carreaux fusa vers la tête de l’araignée qui s’était retournée de manière fulgurante.
Trois projectiles se perdirent dans la nature, mais deux autres d’entre eux se logèrent dans des yeux de la créature. Un feulement résonna dans la clairière, et l’arachnide commença à reculer. Le nouveau venu jeta l’arbalète au sol et dégaine de nouveau son sabre, prêts à parer à toute éventualité. Le prédateur se jeta sur lui, les pattes semblant plus gourdes qu’auparavant.
Ester ne s’autorisa à respirer que lorsque la bête s’effondra, la tête fendue par la lame du mystérieux guerrier. Celui-ci prit le soin de nettoyer sa lame, de reprendre sa lance et de récupérer son arbalète avant de s’approcher d’Ester.
Une armure étrange en plastique ressemblant à celle des samouraïs de l’ancien temps recouvrait les parties vitales de son corps, sans pour autant gêner ses mouvements. Lorsqu’il enleva son casque, la jeune femme soupira. La personne qui venait de la sauver était bien humaine. Une barbe fournie et des cheveux longs encadraient des yeux bruns cernés de poches et de sourcils broussailleux.
— Merci, balbutia-t-elle, alors que l’homme lui tendait une main mĂ©canique pour l’aider Ă se relever. — Pas de soucis, rĂ©pondit-il en fronçant les sourcils. Entre Nauteurs, il faut se serrer les coudes. — Nauteur ? — Mon manipulateur de ligne m’indique que vous n’êtes pas de cette histoire. Par dĂ©duction, vous ĂŞtes forcĂ©ment une Nautrice. — Je ne sais pas ce qu’est un Nauteur ou une Nautrice, ni ce qu’est un manipulateur… de lignes, c’est ça ? Je n’arrĂŞte pas de passer de portail en portail, et Ă chaque fois, je tombe dans un nouveau monde. Je… je veux juste rentrer chez moi.
L’homme défit les pièces d’armure de son bras gauche, dévoilant un avant-bras et un bras mécanique finement ouvragés. Plusieurs tubulures partaient de son biceps de métal, crachotant régulièrement des volutes de fumée. Un panneau de métal s’ouvrit, et plusieurs touches de machines à écrire en sortirent, sur lesquelles l’homme commença à tapoter d’un air inquiet.
— En effet, vous n’êtes pas une Nautrice, et vous ne semblez pas ĂŞtre non plus un de Ses agents… — Ecoutez ! Je suis Ester. Juste Ester. Je me fais trimballer de portail en portail, et je veux rentrer chez moi ! CHEZ MOI ! finit-elle en hurlant de dĂ©sespoir. — Je vous propose d’en parler ailleurs. La nuit va tomber sur le jardin, et les prĂ©dateurs vont ĂŞtre lĂ©gion. Suivez-moi.
Ester suivit l’homme avec circonspection. Son sauveur avait l’air sincère, mais la succession de portails qu’elle avait passé la poussait à se méfier. Il semblait en savoir plus que ceux qu’elle avait croisé auparavant, et cela n’était pas pour la rassurer. Alors qu’ils marchaient, la jeune femme tenta d’en savoir plus sur l’endroit où elle venait d’atterrir.
— OĂą sommes-nous ? demanda-t-elle en soufflant. — C’est compliquĂ©, mais pour simplifier, nous sommes dans le Royaume du Jardin. — Cela ne m’a pas l’air compliquĂ©, souffla-t-elle. — Si je vous disais que nous sommes dans une histoire, me croiriez-vous ? — Je ne sais pas. Nous sommes dans une histoire ? — Il vaut mieux que nous en parlions plus tard. Vous ĂŞtes Ă©puisĂ©e, signe que vous n’êtes pas d’ici. Vous avez de la chance, Hopps n’a pas bougĂ©.
La jeune femme s’arrêta, et tenta de réprimer un frisson. Une sauterelle verte haute comme un cheval attendait sur un rocher entre deux de ces arbres étranges. De légères stridulations envahissait la clairière, alors qu’au loin une fourmi de la taille d’un chien fouillait le sol.
— Vous venez ? s’impatienta l’homme en grimpant sur une double selle avec dossiers attachĂ©e Ă l’insecte sauteur. — Sur… sur la selle ? — Oui.
Ester prit son courage à deux mains, et avec l’aide de l’homme, grimpa à l’arrière de la selle. Le Nauteur (c’en était un si elle avait bien suivi la conversation) lui attacha la taille et les chevilles avec des ceintures. La jeune femme était autant rassurée qu’inquiète par le dispositif harnaché à l’insecte.
— C’est pour que vous ne tombiez pas. En cas de soucis, vous pourrez toujours les dĂ©tacher en appuyant sur les boutons pressions peints en jaune. Ceux-lĂ . Mais j’espère que cela n’arrivera pas. — On va où ? — Dans ce qui pourrait s’apparenter Ă mon chez moi dans cette histoire. Vous ĂŞtes prĂŞte ? Vous avez le droit de crier si vous voulez. — Je suppose. Mais pourquoi je crieraAAAAAAAAAAAIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII !!!!!!
La sauterelle décolla à plusieurs dizaines de mètres de hauteur, et l’accélération plaqua la jeune femme contre le dossier. Alors que l’équipage arrivait au sommet de la courbe, Ester comprit pourquoi le Jardin s’appelait ainsi.
La forêt étrange, la taille des insectes… Le monde n’était pas étrange, c’était juste elle… qui était rétrécie. Tout près d’elle et pourtant si loin, plusieurs maisons en ruine couvertes de végétation imposaient leurs masses comme autant de montagnes de béton et de verre. Une cabane de jardin rouillée par le temps et une balançoire décrépie occupaient l’espace enherbé qui constituait une immense jungle d’herbe haute. Au loin, une multitude de lumières semblaient accrochées à un vieux chêne.
La sauterelle atterrit sur un brin d’herbe, puis amorça un nouveau bond, tirant un nouveau cri des poumons de la jeune femme. Après une demi-douzaine de sauts, Ester commença à s’habituer à cet étrange voyage. Au loin, le soleil se couchait, et des lucioles commencèrent à voleter dans les airs comme autant d’avions luminescents.
La sauterelle négocia encore une dizaine de sauts, guidée par l’homme qui l’encourageait en lui caressant la chitine. A mesure que la monture bondissante s’approchait de plus en plus du chêne, Ester put détailler les lumières qui occupaient le bas de son tronc. Des centaines de torches et de lampadaires diffusaient une douce lumière chaude, éclairant une multitude d’humains aussi petits que des insectes.
La sauterelle finit sa course sur une esplanade où d’autres congénères attendaient, soignées par des palefreniers en armure verte. Déboussolée, prise de vertige, Ester chuta au sol et vomit le peu que son estomac contenait. Sa tête tournait et elle avait du mal à respirer. Elle sentit à peine l’homme la prendre dans ses bras avant de s’évanouir.
Lorsqu’elle se réveilla, elle se trouvait dans un lit moelleux. Le soleil était déjà haut dans le ciel, et un moucheron aussi grand qu’un pigeon tentait de passer à travers la lucarne en bois, sans succès. De nombreux bruits, et même un peu de musique médiévale, montaient du plancher, et une odeur de miel et de pâtisseries chaudes piquait les narines de la jeune femme. Trois coups résonnèrent à la porte, qui semblait faite d’une matière semblable à du bois. Le Nauteur entra, un plateau chargé d’un bol et de diverses pâtisseries entre les mains. Il avait troqué son armure en plastique contre des vêtements de soie renforcés par du cuir.
— Vous ĂŞtes rĂ©veillĂ©e. Je vous prie de m’excuser pour le voyage d’hier, j’aurais dĂ» penser au fait que vous n’êtes pas d’ici. D’ailleurs, nous ne nous sommes mĂŞme pas prĂ©sentĂ©s. Vous pouvez m’appeler Down. — DrĂ´le de nom. Ester, se prĂ©senta la jeune femme en piochant dans les pâtisseries au miel que le Nauteur venait de poser sur la table de chevet. J’ai dormi longtemps ? — Toute la nuit. Il vous fallait bien ça pour rĂ©cupĂ©rer, mais il va falloir vous mĂ©nager. A notre taille, l’air semble plus dense, et il nous faut plus d’efforts pour pouvoir nous dĂ©placer. C’est pour ça que vous aviez du mal Ă retrouver votre souffle hier. Vous aviez des questions ? — Hier… Vous m’avez dit que nous sommes dans une histoire ? — Oui. Dans une histoire en suspens. — C’est-Ă -dire ? — Pour Ă©crire une histoire, il faut l’imaginer. Et tant que cette histoire n’est pas finie, qu’elle n’est pas Ă©crite entièrement, elle est en suspens, et tout pourrait arriver. Nous sommes dans l’univers d’une histoire en suspens. — Et il s’y passe quoi, dans cette histoire en particulier ? — Il y a presque un siècle, l’humanitĂ© a Ă©tĂ© rĂ©trĂ©cie Ă une hauteur d’environ deux centimètres. — C’est… incroyable. Mais vous m’avez dit ĂŞtre un Nauteur. — Oui, je suis un Nauteur. Ma mission est de parcourir les histoires, terminĂ©es ou en suspens, pour qu’il ne leur arrive rien de fâcheux et qu’elles aillent jusqu’au bout. — Pourquoi arriverait-il quelque chose Ă une histoire ? — Certains ĂŞtres… S’en nourrissent. Mais ce serait trop long Ă expliquer. J’ai passĂ© la nuit Ă analyser les lignes de cette histoire. Un portail va effectivement s’ouvrir non loin et prochainement. Je pense que c’est le vĂ´tre, mĂŞme si je ne sais pas qui vous ĂŞtes rĂ©ellement et pourquoi vous ĂŞtes lĂ . — J’espère que celui-ci me ramènera chez moi. Attendez, vous parcourez les histoires ? — Oui. — Vous ne pourriez pas me ramener chez moi ? — Non, pour deux raisons. Premièrement, ma mission ici n’est pas terminĂ©e. Et deuxièmement, je ne vous ramènerais pas chez vous, mais dans votre histoire. Que se passerait-il alors, sachant que vous ĂŞtes dans une histoire ? — Tout se passerait bien je suppose. — Les rĂ©actions, les sentiments, les actions, les dialogues… Seraient-ce les votre ? Ou bien ceux choisis par un auteur ? Votre libre-arbitre serait-il rĂ©ellement votre libre arbitre, ou bien un scĂ©nario Ă©tabli Ă l’avance ? Vous allez rĂ©flĂ©chir Ă ces questions. — Je vais devenir folle ? supposa Ester. — Vous allez devenir folle. Alors qu’avec le portail, il y a une chance que vous oubliiez tout cela. Vous continuerez votre voyage et votre vie comme une personne normale. Pas comme un personnage qui sait qu’il est un personnage. Je suis dĂ©solĂ©, mais il n’y a pas de raccourci pour rentrer chez vous. — Quand va s’ouvrir le prochain passage ? — Nous avons encore un peu de temps. Finissez votre repas, et nous partirons. — J’aurais voulu prendre une douche, au moins. — Au bout du couloir, mais ne tardez pas je vous prie.
Ester finit son petit déjeuner, et revigorée, elle trouva une petite pièce occupée par une cabine de douche et un lavabo creusé dans un gland. Les grosses gouttes de la douche s’écrasèrent sur son corps et elle manqua de se noyer plusieurs fois. Mi-figue mi-raisin mais se sentant enfin propre, elle retourna dans la chambre où elle s’était réveillée, et remit ses vêtements malheureusement sales.
Prête à partir de cet endroit, la jeune femme descendit des escaliers et tomba sur la salle principale d’une taverne, occupée par de nombreuses personnes chacune vêtue d’une manière différente.
Des soldats portant des armures ressemblant à une carcasse de fourmi discutaient avec des mercenaires à la livrée rouge à points noirs. Dans un coin, un homme musclé portant des lamelles d’isopode jouait aux cartes avec une femme vêtue de soie d’araignée et de pétales de fleurs. Une étrange arbalète et une lance prolongée par le dard d’un frelon étaient posées sur la table, et les deux adversaires semblaient à tout moment sur le point de s’en saisir. Une serveuse frôla Ester, un plateau emplit de chopes en feuilles de végétaux à la main. Trois personnes enturbannées avec des feuilles de trèfle la hélèrent pour prendre commande, tandis qu’une quarantenaire vêtue d’un chapeau de cowboy étrange s’entretenait avec le patron. Lorsqu’il vit Ester, ce dernier lui indiqua que le Nauteur l’attendait aux étables.
Ester sortit de la taverne, et longea l’écorce du chêne en empruntant une chaussée faite de ce matériau ressemblant à du bois. Elle dut à plusieurs reprises frapper des moucherons aussi gros que sa tête pour les faire partir, et fut prise de panique lorsqu’un corbeau survola la ville, sans pour autant s’occuper des habitants.
Lorsqu’elle rejoignit le cœur battant le mystérieux Nauteur, celui-ci, l’attendait à côté d’un énorme bourdon noir et jaune portant une double selle.
— Nous irons plus vite avec ce bourdon. Vous ĂŞtes prĂŞte ? — Autant que possible, je suppose. J’aurais voulu en savoir plus sur cet univers, sur les Nauteurs, mais je suppose que je dois me dĂ©pĂŞcher. — Vous savez… Si jamais vous ne rĂ©ussissez pas Ă retourner chez vous, peut-ĂŞtre que vous pourriez devenir une Nautrice, vous aussi. — Vous pensez rĂ©ellement que je n’arriverai pas Ă rentrer chez moi. — Je ne sais pas. Je vous souhaite de pouvoir retourner chez vous. En attendant, il faut y aller. Vous montez ?
Ester grimpa avec appréhension l’énorme bourdon, et s’installa dans la selle. Sous les ordres de Down, l’insecte commença à décoller verticalement, faisant autant de bruit qu’un hélicoptère, et un nouveau paysage s’offrit aux yeux de la jeune femme.
Le jardin était une vraie jungle d’herbes hautes surmontée de multiples pétales de coquelicots, et de nombreux insectes volants en parcouraient les cieux. Abeilles, mouches, moucherons, sauterelles… Un véritable ballet se déroulait devant elle, aussi dense que la circulation d’une grande ville. La jeune femme aperçut de nombreuses fleurs, et au loin, les ruines des maisons ressemblaient à des temples d’un autre âge. C’est pourtant vers l’une de ses maisons que se dirigeait le bourdon.
— Le portail est dans cette maison ? hurla-t-elle pour couvrir le vrombissement des ailes du bourdon. — Oui. On va passer par une des fenĂŞtres brisĂ©es, et prier pour ne pas croiser des araignĂ©es.
Le bourdon accéléra et fila dans l’ouverture d’un carreau brisé. Il vira au-dessus d’une table en bois sur laquelle de nombreuses assiettes recouvertes de moisissure attendaient les convives. Après quelques minutes de survol, l’insecte s’engouffra dans un couloir, rasant les toiles d’araignées bien trop près au gout d’Ester. Enfin, l’équipage arriva au-dessus d’un monolithe blanc plongé dans une pièce obscure.
— Quand je vous le dis, appuyez sur les boutons jaunes.
Le bourdon survola le monolithe, et alors qu’Ester se détachait de la selle, l’insecte fit un tonneau, faisant chuter la jeune femme vers un abîme sans fond aux relents de pourriture. Le Naute venait de l’envoyer dans une cuvette de toilettes !
Alors que la jeune femme le maudissait sur les huit-cents prochaines génération, une lumière dorée illumina l’émail parcouru de moisissures, et elle se fit engloutir par un nouveau portail. Cette histoire fait partie d'un tout plus grand !
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