L'Académie de Lu





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Situation de vacances


Canon

(par Downforyears)
(Thème : Situation de vacances)



Il fait si lourd. Je transpire depuis ce matin, j’ai chaud, je suis éreinté, et pourtant, je ne pourrais pas être plus heureux.


Le petit temple devant nous, la Tori en pierre en bas des escaliers, le lion en bronze sur son socle, le petit autel avec ses prières en papier suspendues, les corbeaux au bec énorme, les cigales qui s’accaparent nos tympans…


Notre voyage de noces est encore mieux que ce que nous avions imaginé. Après une première semaine dans un Tokyo fourmillant sous la lourdeur d’un orage qui ne venait pas, nous sommes allés de l’autre côté du Japon, à Kanazawa. Notre hôtel et la gare sont nos deux points de repère principaux, qui nous permettent de nous guider dans la ville. Même si la plupart des rues sont tracées au cordeau, les panneaux couverts de kanjis ne nous aident pas beaucoup.


Pourtant, nous avons visité un château traditionnel aux escaliers si raides qu’ils sont presque des échelles, de nombreux jardins et musées, nous avons rencontré une femme vendant des glaces au gout incomparable (et qui avait étudié à Lyon, ce qui nous a permis de discuter un peu en français), parcouru plusieurs quartiers traditionnels, assisté à un concours de spectacles de rue…


Heureusement que l’ami Google Maps nous guide à travers la ville. En ce début de soirée, nous nous sommes arrêtés à l’Oyama-jinja, un temple en centre-ville. Nous avons pris un abonnement vélo pour l’après-midi, et celui-ci arrive bientôt à son terme. Il va nous falloir repartir.


Nous redescendons les escaliers, et la hâte de repartir explorer la ville le lendemain est aussi grande que celle de prendre une douche Ă  l’hĂ´tel. TempĂ©rature : près de trente degrĂ©s. Taux d’humiditĂ© : bien trop Ă©levĂ© pour ne pas transpirer.


Nous descendons les marches, étrangement apaisés. Non loin de là, nous nous amusons de voir un énième distributeur de boissons, qui propose de la volvic à un prix convenable (120 yens, c’est pas si élevé). Au Japon, les produits français sont encore à la mode. Nous nous approchons d’une station de vélos. Des vélos verts, assez pratiques, avec un panier pour poser ses affaires.


Et dans l’un d’eux, un appareil photo. Semi-professionnel, un canon. Oublié dans un panier. Nous regardons autour de nous, mais ne voyons personne qui le cherche. Le tonnerre gronde au loin. Nous réfléchissons à ce que nous devons faire.


La station de train de la ville n’est pas loin en vélo, et y aller nous permettrait de profiter au maximum de l’abonnement pour la journée. Laisser l’appareil photo me parait inconcevable, ne serait-ce que parce que l’orage menace, et que sous une pluie torrentielle, il serait endommagé. Je suppose de plus qu’il y a un endroit pour les objets trouvés, et que le propriétaire de l’appareil aura le bon sens d’aller y chercher son bien perdu.


Nous convenons de retourner à la gare avec l’appareil photo. Je commence à pédaler en empruntant les pistes cyclables, ma femme me suit. Le trajet en vélo est un vrai plaisir, et pas une fois nous ne nous sentons en danger. Le respect des règles est une chose que nous avons apprécié dès notre arrivée à Tokyo.


Des gens polis, qui attendent chacun leur tour pour le métro. Des marchands serviables, qui prennent le temps de vous aider à trouver ce que vous voulez pour peu que vous ayez quelques notions (c’est-à-dire la politesse de base). Des rues sans déchet, sans mégot. Des voitures et des cyclistes et des piétons qui respectent les règles du code de la route.


Etant assez peu à cheval sur certaines règles en France (je suis du genre à rouler en vélo sur les voies de tram), la droiture des Japonais nous a incité à respecter les règles dès notre arrivée.


Après une dizaine de minutes en vélo, nous arrivons enfin à la gare de Kanazawa. Nous rangeons les vélos, et nous dirigeons vers le hall d’entrée.


Dehors, devant le hall de gare en verre, une gigantesque Tori en bois nous surplombe. Les poutres en bois qui constituent ses colonnes forment des spirales robustes et impressionnantes. Le sommet de la Tori est une merveille de charpenterie. Je suis sur qu’aucun clou n’a été utilisé pour ce toit.


L’œuvre est si impressionnante que je ne peux m’empêcher de m’incliner devant elle avant de passer dessous.


A l’intérieur, la gare fourmille de voyageurs qui passent entre les restaurants, les boutiques de souvenirs et les billetteries. Mon cerveau fait une conversion sommaire de chaque prix qu’il arrive à saisir.


Après quelques minutes, nous arrivons à trouver un point d’information, où l’hôtesse parle anglais. Je lui explique notre situation, et lui demande s’il y a un endroit pour les objets trouvés. A ma grande surprise, elle m’indique d’aller voir…


La police.


Après quelques minutes supplĂ©mentaires Ă  suivre ses indications, nous arrivons Ă  un box de police. C’est une petite annexe de la gare, aux grandes baies vitrĂ©es. Je frappe Ă  la porte et entre, m’inclinant respectueusement devant les agents. Ma femme attend dehors, afin qu’elle Ă©vite de s’embĂŞter. Il y a surement quelques pokemons intĂ©ressants Ă  attraper sur le smartphone dans les environs (Note de l’auteur : non, sĂ©rieusement, elle ne connait que le français, et a beaucoup de mal avec l’anglais, encore plus avec le japonais. J’ai pris plaisir Ă  lui traduire de nombreuses choses, mais j’avais peur qu’elle ne s’ennuie vraiment pour une simple affaire d’objet perdu).


Je commence à expliquer ma situation à l’agent… Qui ne comprend pas un mot de ce que je raconte en anglais. Je dois attendre plusieurs minutes qu’un agent qui parle enfin anglais arrive, et je recommence à expliquer la situation. L’appareil photo perdu, le fait que je veuille le rendre à son propriétaire, mais que j’aurais bien du mal à le retrouver, et que le confier à un service d’objets trouvés, en l’occurrence la police, me paraissait la meilleure solution.


Dehors, l’orage éclate enfin, et ce sont des trombes d’eau qui s’abattent sur les rues. Ma femme est à l’abri sous le toit de la gare, mais je suis sur qu’elle me maudit d’avoir voulu jouer le bon samaritain.


Je remets l’appareil photo aux agents, et m’apprête à partir.


— Chotto matte. (Note du traducteur : Attendez s’il vous plait)


Je m’arrête. Visiblement, les agents de police n’en ont pas fini avec moi. L’agent qui parle anglais, surprise que j’ai compris leur demande, m’avoue être impressionnée par mon niveau d’anglais et par le fait que j’ai quelques notions de japonais.


Elle me tend un papier, et me demande de remplir mes coordonnées. La loi japonaise me donne le droit de demander une récompense au propriétaire qui viendrait récupérer son appareil photo, et de demander à récupérer l’appareil au bout d’un temps déterminée (un an) si celui-ci ne s’est pas fait connaitre. Personnellement, je n’en ai cure. J’ai juste envie que le propriétaire récupère son appareil, et d’aller prendre une douche.


Leur étonnement est indescriptible, quand je leur confirme que j’ai fait tout cela uniquement pour que le propriétaire puisse retrouver son appareil, et nullement par appât du gain ou d’un objet. Après plusieurs minutes passées à leur expliquer que non, je ne veux pas garder l’appareil ou avoir de récompense, et que oui, je veux juste que l’appareil retourne à son propriétaire, les agents de police me libèrent. Je m’incline, les remercie, et sort du box de police.


Le sourire aux lèvres, amusé et étonné par la loi japonaise, je rejoins ma femme et repartons sous les trombes d’eau jusqu’à l’hôtel.


La douche est arrivée bien plus tôt.




(L’une des entrées pour accéder à l’Oyama-Jinja)




























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