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Downforyears![]() Spectacles![]() ![]() ![]() Les Laideronnes(par Downforyears)
Seule, assise sur la chaussĂ©e mĂ©tallique Ă la sortie dâune boite de nuit, Kael-Ti renifla bruyamment. Comment avait-elle pu ĂȘtre aussi naĂŻve ?
Depuis sa plus tendre enfance, Kael-Ti Ă©tait accablĂ©e dâune surcharge pondĂ©rale. Chaque annĂ©e, elle avait Ă©tĂ© la plus grosse de sa classe, et les choses avaient empirĂ© Ă la facultĂ©. Comme toutes les Hylmes Blanches, Kael-Ti aurait dĂ» ĂȘtre mince, svelte, charmante. Les onces de graisses sâĂ©taient transformĂ©es en cuisses trop Ă©paisses, en hanches bien trop volumineuses, en mains boudinĂ©es, en poitrine trop difforme pour la gent masculine et mĂȘme en oreilles difformes et aussi graisseuses que sa chevelure. Dans une Galaxie oĂč lâapparence Ă©tait jugĂ©e Ă lâaune de normes privilĂ©giant la minceur et la peau lisse, et oĂč seule une opĂ©ration de chirurgie onĂ©reuse permettait de grimper lâĂ©chelle sociale, Kael-Ti ne sâĂ©tait jamais sentie Ă sa place.
Kael-Ti se faisait en permanence la rĂ©flexion quâelle devait ĂȘtre la seule Hylme Blanche obĂšse de la Galaxie. Alors, quand sa colocataire humaine lui avait proposĂ© de participer Ă une soirĂ©e avec dâautres fĂȘtardes, elle avait acceptĂ© avec joie. Elle avait parcouru toute la station orbitale sur laquelle elle venait dâemmĂ©nager pour trouver une tenue, une parure et une coiffure qui lui aurait permis de dĂ©passer, de transcender ce quâelle Ă©tait. La dĂ©convenue lâavait presque assommĂ©e lorsquâelle avait Ă©tĂ© invitĂ©e Ă sâavancer sur la piste de danse de la boite de nuit, et quâelle avait aperçu la banderole.
ââElection de miss MochetĂ© â Station Orbitale N178 â AnnĂ©e 7483ââ
Sous les moqueries et les insultes des nymphes prĂ©sentes, Kael-Ti avait tentĂ© de sâenfuir, et nâavait rĂ©ussi quâaprĂšs trois chutes causĂ©es par ses chaussures surĂ©levĂ©es. EmpĂȘtrĂ©e dans sa robe, elle avait tout de mĂȘme rĂ©ussi Ă retenir ses larmes avant de sortir par une issue secondaire.
Depuis, elle nâavait pas rĂ©ussi Ă stopper la cascade de larmes qui coulaient sur ses joues. BlessĂ©e, elle ne souhaitait quâune chose. Elle voulait faire payer ces salopes !
Kael-Ti sâeffondra Ă nouveau en larmes, rĂ©signĂ©e. Evidement quâelle ne pourrait pas se venger. Elle nâĂ©tait quâune caissiĂšre mal payĂ©e dans une supĂ©rette crade de la station orbitale. AccablĂ©e par tant dâannĂ©es de souffrance, elle se demanda si elle ne devait pas se tirer une balle dans la tĂȘte pour en finir avec sa misĂšre. En aurait-elle la force ? Une montagne la poussa violemment, et une voix grave rĂ©sonna dans la rue.
— DĂ©gage de lĂ , la mocheté !
EjectĂ©e par la botte lourde de la silhouette musculeuse, Kael-Ti se rĂ©signa Ă attendre, allongĂ©e par terre. Une dĂ©flagration rĂ©sonna et la chaussĂ©e mĂ©tallique vibra sous la chute de la masse. Les paupiĂšres rougies, fermĂ©es, scellĂ©es par ses larmes, Kael-Ti entendit le bruit dâune dĂ©marche lourde et lente venir Ă elle.
— Jâai bourlinguĂ© pas mal dans la Galaxie, commença une voix nasillarde. Et sur chaque planĂšte, câest la mĂȘme chose. Soyez belle, soyez svelte, ayez une putain de paire de fesses Ă affoler les foules. Mais tu veux que je te dise ? On est pas obligĂ©es de suivre ces rĂšgles stupides. On peut leur dire dâaller se faire mettre. La seule question qui importe rĂ©ellement, câest la suivante. Tu vas te soumettre et chialer jusquâĂ la fin de ta vie ? Ou bien, est-ce que tu dis merde Ă toutes ces rĂšgles en les explosant avec une rafale Ă©nergĂ©tique capable de rayer de la carte une rĂ©union de dĂ©fileuses ?
Les paroles que lâHylme venait dâentendre venaient de combler une fissure, une blessure quâelle avait toujours ressentie. Kael-Ti ouvrit doucement les paupiĂšres, et se demanda si elle nâĂ©tait pas victime dâune hallucination. La SilĂ©cienne qui se tenait devant elle Ă©tait une grande asperge plate et blanche aux rayures brunĂątres. Ses cornes retombaient devant sa figure ingrate, et ses lĂšvres bien trop grosses pour ĂȘtre belles pinçaient une cigarette Ă lâodeur Ăącre. Sa jupe descendait sur de trop longues jambes, et sa poitrine et ses Ă©paules Ă©taient cachĂ©es par une veste noire bardĂ©e de pointes mĂ©talliques.
LâHylme Blanche accepta la longue main fine tendue vers elle, et se releva avec peine, faisant souffler lâinconnue.
— Tarka, se prĂ©senta la SilĂ©cienne. — Kael-Ti, rĂ©pondit lâHylme Blanche. — Tu viens ? Jâai une bande Ă te prĂ©senter.
Kael-Ti suivit la SilĂ©cienne dans toute la station orbitale, parcourant des ruelles malodorantes, des impasses aux sorties cachĂ©es et des venelles Ă©troites. AprĂšs une vingtaine de minutes, les deux femmes sâarrĂȘtĂšrent devant une lourde porte blindĂ©e. Tarka frappa trois fois, et attendit quelques secondes.
— La beauté ? demanda une voix Ă©touffĂ©e par lâĂ©paisseur de la porte. — On lâexplose avec des grenades, rĂ©pondit Tarka.
La porte coulissa dans une cacophonie assourdissante causĂ©e par la rouille. Dans lâouverture sombre Ă peine Ă©clairĂ©e par des diodes orangĂ©es, une petite humaine joufflue Ă la chevelure grasse et portant des lunettes Ă triple-lentille dĂ©tailla Kael-Ti, puis leur sourit.
— Une nouvelle ? Soit la bienvenue chez les Laideronnes. Je suis Chan. — Les Laideronnes ? hĂ©sita lâHylme en passant la porte qui se referma peu aprĂšs. — On est une bande de copines rejetĂ©es par les rĂšgles esthĂ©tiques de la sociĂ©tĂ©, continua lâhumaine. Sois belle et tais-toi, on nâen veut pas. — On est une demi-douzaine Ă avoir Ă©tĂ© rejetĂ©es parce quâon collait pas aux normes, ajouta Tarka. PremiĂšre Ă©tape, on sâest rĂ©unies et on a trouvĂ© cette piaule pour pouvoir ĂȘtre en paix. On en est Ă la deuxiĂšme Ă©tape, on va dĂ©cider des actions quâon va entreprendre. Est-ce quâon veut juste manifester, ou est-ce quâon veut aller plus loin ? Va-t-on aller jusquâĂ des actions terroristes ? On va en dĂ©cider cette nuit. Tu es des nĂŽtres ? — Je ne sais pas, je ne me sens pas lâĂąme dâune extrĂ©miste. — Si tu veux juste rester ici pour ĂȘtre celle que tu es, ça ne nous dĂ©range pas, dĂ©clara une voix rauque.
La FĂ©line qui venait de sâavancer Ă©tait lâune des plus grandes et des plus musclĂ©es que Kael-Ti ait vues de sa vie. Sa peau glabre, grise et rose, ne parvenait pas Ă cacher sa masse musculaire imposante. Celle qui semblait ĂȘtre la cheffe de la bande Ă©tait une montagne de force, de puissance et de grĂące. Sa veste sâouvrait sur sa poitrine bien trop masculine, et ses jambiĂšres menaçaient dâexploser Ă chaque foulĂ©e. Quatre cicatrices lui barraient la joue et lâarcade droite, et une autre serpentait depuis sa gorge jusquâĂ sa joue gauche. Kael-Ti commençait Ă se sentir Ă sa place, avec toutes ces femmes hors des normes de beautĂ©.
— Moi câest Sphyn. On trouvera comment valoriser tes capacitĂ©s pour faire avancer notre lutte. Mais rĂ©pond dâabord Ă ma question. As-tu dĂ©jĂ connu une journĂ©e sans brimade, sans moquerie, sans insulte ? — Non, avoua Kael-Ti aprĂšs quelques secondes. — Nâas-tu jamais eu envie de vengeance ? — Je ne sais pas si la vengeance serait si⊠— Ecoute-moi bien, ronronna la FĂ©line. On ne tue pas, sauf si notre vie est menacĂ©e. Mais on nâhĂ©sitera pas Ă salir toutes ces putes qui ne cherchent quâĂ ĂȘtre belles et Ă rabaisser celles qui ne le sont pas. La soirĂ©e dâĂ©lection de Miss MochetĂ©, câest pas la seule qui se tiendra cette annĂ©e. A chaque fois, il y a des consĆurs qui nâattendent quâune chose : ĂȘtre acceptĂ©es par la sociĂ©tĂ©. Mais la sociĂ©tĂ© ne les acceptera pas parce quâelles sont moches. Nous, on va leur proposer de nous rejoindre. Pour la faire courte : pourrir les connasses et aider celles qui sont persĂ©cutĂ©es. Ăa te dit ? — Quelle est la prochaine Ă©tape ? demanda Kael-Ti, dĂ©cidĂ©e. — La fĂȘte ou tu Ă©tais nâest pas finie, commença Tarka, et on a des petites machines Ă Ă©trenner. Mitrailleuses Gatling Ă merde. Lâodeur reste mĂȘme aprĂšs une centaine de douches. Tu vas arriver Ă la porter ? — MĂȘme si je dois ramper avec, je vais canarder ces bimbos ! rugit Kael-Ti.
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— Vous croyez aller oĂč les Laideronnes ? demanda la montagne qui surveillait lâentrĂ©e de la boite de nuit dâune voix menaçante. — Si tu tâĂ©cartes pas, rĂ©pondit simplement Tarka, ma botte renforcĂ©e va atterrir dans tes parties, et tu pourras plus jamais les utiliser. Tâen dis quoi ? — Je vais te buter, rĂ©pondit la montagne en sortant une lame rĂ©tractable depuis ses paumes. — Mauvaise rĂ©ponse, constata Tarka.
La SilĂ©cienne rĂ©agit immĂ©diatement Ă lâattaque, dĂ©via la lame grĂące Ă une laniĂšre mĂ©tallique entourant sa main, et envoya sa chaussure renforcĂ©e dans les parties de la montagne, la faisant sâĂ©crouler par terre.
— Toujours la mĂȘme chose. Une pichenette dans les couilles, et câest la chute assurĂ©e. A croire que leur cervelle est situĂ©e sous la ceinture. On entre, les copines. Branchez les gatlings.
Avec lâaide de Tarka, Kael-Ti dĂ©verrouilla la sĂ©curitĂ© de sa mitrailleuse Ă merde, et suivit ses nouvelles amies. Sphyn sâapprocha de la porte qui donnait sur la salle de danse et lâouvrit dâune frappe assourdissante de sa botte cerclĂ©e.
— Salut les salopes, ceci est une annonce de la bande des Laideronnes ! BientĂŽt, votre façade va reflĂ©ter votre Ăąme. Merde sur vous !
La joie se dessinant sur ses lĂšvres, Kael-Ti tira sur les dizaines de bimbo rassemblĂ©es dans la boite de nuit. La merde fusa de la gatling, aspergeant leurs plastiques parfaites, leurs chevelures parfaites, leurs figures parfaites⊠LâHylme sâattarda de longues secondes sur son ancienne colocataire, sâĂ©clatant comme jamais elle ne sâĂ©tait Ă©clatĂ©e. La panique sâempara des femmes prĂ©sentes et plusieurs dâentre elles glissĂšrent sur les immondices dĂ©versĂ©es par les armes si particuliĂšres des Laideronnes. AprĂšs une dizaine de minutes passĂ©es Ă arroser ces plantes avec la contenance dâune fosse septique, Sphyn, Tarka, Chan et Kael-Ti mitraillĂšrent la piĂšce de lumiĂšres stroboscopiques.
AprĂšs tout, une telle fĂȘte se devait dâĂȘtre immortalisĂ©e, et les images se devaient dâĂȘtre mises en ligne.
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Kael-Ti regarda par la verriĂšre de la salle des commandes de la FrĂ©gate Stellaire FS-65 version 3.4. AprĂšs une annĂ©e passĂ©e Ă pourrir les Ă©lections de Miss MochetĂ© dans toute la station orbitale, les autoritĂ©s avaient dĂ©cidĂ© de sâoccuper du cas de la bande des Laideronnes. A la suite dâune fuite effrĂ©nĂ©e, les copines avaient pu rejoindre la FrĂ©gate, propriĂ©tĂ© de Sphyn, et avaient dĂ©collĂ© vers les Ă©toiles.
LâHylme Blanche regarda les autres Laideronnes. Depuis son arrivĂ©e, trois autres victimes des normes les avaient rejointes, et la bande sâĂ©tait trouvĂ© une cible parfaite.
La télévision résonna dans la salle des commandes.
— ââQuinze beautĂ©s, quinze mochetĂ©s, quinze cĂ©lĂ©britĂ©s. Si lâune des mochetĂ©s parvient Ă sĂ©duire une cĂ©lĂ©britĂ©, elle bĂ©nĂ©ficiera dâune opportunitĂ© inĂ©dite. Une opĂ©ration de chirurgie esthĂ©tique qui lui donnera une nouvelle vie ! Ne manquez pas votre nouvelle Ă©mission de tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ©, Les Belles, les BĂȘtes, et les CĂ©lĂ©britĂ©s !ââ
— Allez les filles, on y va, annonça Sphyn. La beauté ? — ON LâEXPLOSE AVEC DES GRENADES !!!
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