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Mélilémots (céréales, kangourou...)
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Downforyears![]() Spectacles![]() De Hiercourt Timeline
![]() ![]() Allen et Pitt(par Downforyears)— Et Juliet Burbanks ? — Non, Charles. Juliet Burbanks ne m’intĂ©resse pas plus que les huit autres que vous m’avez proposĂ©. Je prĂ©fĂ©rerais passer une soirĂ©e avec un kangourou.
Allen Northomb soupira et regarda à travers la large baie vitrée, qui lui renvoya son reflet qu’il avait déjà tant détaillé. Déjà tant maudit. De beaux yeux bleus, de longs cheveux blonds, un menton et des mâchoires imberbes… Tout le portrait de son maudit de père.
Le panorama lui tira un nouveau soupir. En bas de la colline, bien après le mur d’enceinte de la propriété, la ville minière d’Obsidienne foisonnait d’activité.
Plus de trois cents ans auparavant, Eddy Northomb, aventurier chanceux, s’était écrasé sur cette planète perdue au fin fond de la galaxie. Lors de l’impact, son vaisseau avait remonté à la surface du minerai d’obsidienne, ce matériau aux propriétés électroniques si intéressantes que de nombreuses entreprises se l’arrachaient à prix d’or. Eddy avait passé sa vie à développer les actuelles mines toujours aussi florissantes. Ses descendants s’étaient acharnés à garder l’entreprise familiale aussi indépendante que possible.
Dans une République rongée par les méga-corporations, Northomb & Fils était une véritable anomalie, qui subsistait grâce aux mariages forcés de ses héritiers et héritières.
Allen soupira de nouveau. En contrebas, les gens étaient assez pauvres. Sans aller jusqu’à de l’esclavage, ses ancêtres avaient su optimiser la gestion des ressources pour garder sous la main toute une population heureuse de travailler pour eux. Ou tout du moins, pas assez malheureuse pour se révolter…
— Cinderia Alhamet ? — Non ! cria presque Allen. Mon père ne me fera pas Ă©pouser une jouvencelle Ă la botte d’un autre père en manque d’argent. — Mais… — Souvenez-vous, Charles. Un kangourou !
Allen enfila sa veste en cuir et un stetson.
— Monsieur Northomb, je suis au regret de vous rappeler que monsieur votre père ne vous a pas autorisĂ© Ă sortir de la propriĂ©tĂ©. — Je le sais. Laissez-moi au moins profiter des jardins ! rĂ©torqua Allen en claquant la porte.
Le jeune homme descendit le large et long escalier en marbre, et sortit par la grande porte du manoir. Dehors, l’air était frais, et le resterait surement jusqu’à la fin de l’hiver. Derrière les murs de la propriété, de nombreuses colonnes de fumée s’élevaient vers le ciel. Tant de colonnes. Tant de maisons, d’usines… L’été, lorsque la chaleur devenait insupportable et l’air toxique, un dôme recouvrait l’ensemble du domaine afin de filtrer l’air.
Le jeune homme longea une allée de fleurs de Givresel, puis sauta par-dessus un banc en pierre. Il traversa une pelouse et arriva jusqu’à un petit bosquet constitué de plusieurs arbres. L’escalade lui fut aisée. Il trouva enfin une branche et s’y installa. D’ici, il avait une vue imprenable sur Obsidienne.
Les contremaitres et leur famille déambulaient devant les étals, discutant des prix de l’obsidienne, des céréales, des denrées, comme si ce n’étaient que des variables mathématiques. Ils ignoraient superbement les ouvriers tirant ou poussant leur lévi-chariots bardés de sacs et de matériel en tout genre.
Tant qu’il pouvait travailler, un ouvrier pouvait vivre décemment sur Verkos. Les salaires, sans être mirobolants, restaient décents. Mais au moindre accident de la vie, un ouvrier pouvait devenir inutile. La seule solution qui lui restait était la mendicité.
Dans les rues d’Obsidienne, les contremaitres ignoraient les ouvriers, les ouvriers ignoraient les mendiants, les mendiants… mourraient seuls, dans la rue.
Allen soupira de nouveau. Il était captif d’un roi trônant au sommet d’un tas de fumier. Le Roi d’Obsidienne.
Si seulement les vaisseaux spatiaux qui volaient dans les cieux de la ville avaient pu l’emmener loin de là . Un Clipper Stellaire CI-N, surement avec un tokamak de huitième ou neuvième génération, une corvette Cr-V type III, réacteurs ionisés v12.6…
— Une frĂ©gate Alpha Mk2.8, bi-turbines plasma avec compensateur hyper-espace, continua une voix douce.
Allen tourna les yeux vers le jeune homme brun qui venait de s’asseoir sur une branche. Les deux hommes se ressemblaient autant physiquement que le jour et la nuit.
Pitt passa sa main dans ses cheveux bruns en bataille, et fixa Allen de ses yeux acajou. Sa barbe de quelques jours le démangeait régulièrement, et il se grattait avec ses doigts pleins de cambouis.
Pitt était un ouvrier mécanicien sur l’une des chaines de raffinage de l’obsidienne. Un homme à qui son père aurait refusé d’adresser la parole. Et pourtant, Allen aimait passer du temps avec lui.
Il aimait ces moments passés à regarder les vaisseaux dans le ciel comme d’autres regardaient les nuages. Il aimait quand Pitt et lui parlaient de mécanique industrielle ou stellaire, de circuits de distribution… Ils parlaient souvent de ce qu’ils feraient une fois dans l’espace, une fois qu’ils se seraient échappés de cette planète ouvrière… De cette ville…
— Ça te dirait de venir avec moi au saloon ? demanda Pitt en caressant les cheveux d’Allen.
Le blond sursauta. Quand avait-il posé sa tête sur les jambes de son ami ?
— Je ne peux pas. Mon père te tuerait. — Je sais, soupira Pitt. Mais… j’aimerais profiter de plus avec toi. — Moi aussi, murmura Allen. Moi aussi. Cette cage… Je n’en peux plus. Les seuls moments oĂą je peux sortir, c’est chaperonnĂ© par mon… gĂ©niteur, pour aller surveiller les usines. Il m’insupporte, il… Chaque jour un peu plus, je sens quelque chose se fĂŞler en moi. Je sens que je craque comme du verre.
Allen tenta de se relever. Une douce chaleur envahissait ses yeux. Une larme coula. Le front de Pitt rencontra doucement le sien. Le jeune homme blond culpabilisa. Et savoura le moment.
— Chaque jour, je viendrai, murmura Pitt. Chaque jour, je t’attendrai. Chaque jour, je serai lĂ Ă attendre ton envol. Comme ça, si tu tombes, je te rattraperai. — Je ne peux pas m’envoler, lâcha finalement le noble. — Toujours ces bracelets ?
Allen confirma. Près de cinq ans auparavant, son père lui avait passé un bracelet à chaque poignet. Simples, légers, ceux-ci étaient inoffensifs. Mais donnaient sa position en permanence à son geôlier.
— Je suis sur qu’il existe un moyen de les retirer. Ou bien de s’enfuir si loin, que ton père ne pourrait pas nous rattraper. — J’aimerais tellement… J’aimerais tellement… souhaita-t-il.
Dans le lointain, une sirène retentit. Dans une heure, les équipes des usines changeraient. Allen sentit les doigts de Pitt lui effleurer la joue. Le contact de ses mains abimées le rassurait tant. Il resta là , regarda l’ouvrier descendre prestement en rappel contre le mur de la propriété, remettre sa casquette et partir vers l’une des usines d’Obsidienne.
Après une autre demi-heure passée à regarder la ville, Allen rentra au manoir, résigné.
— Demain soir, nous sommes invitĂ©s chez les Burbanks, l’informa son père en mâchonnant du sautĂ© de drawyack. Tu enfileras les vĂŞtements que je te ferai parvenir, tu participeras Ă la conversation avec Juliet Burbanks, et je ne veux pas entendre parler de sujets de prolĂ©taires. Pas de mĂ©canique, de vaisseaux… Tu te comporteras comme un Northomb. Nous rĂ©glerons les dĂ©tails du mariage dans la foulĂ©e, et… — C’est comme cela que vous avez sĂ©duit mère ? demanda Allen, amer. — Ne parlons pas de ta mère pour l’instant… — Sans mère, vous ne seriez rien ! Vous ĂŞtes la pièce rapportĂ©e de cette dynastie ! — Cela suffit, Allen. Un mot de plus et je fais chercher ce chien avec qui tu passes tes heures dans l’arbre. — Comment… — Comment je le sais ? Tu croyais vraiment que tu pouvais aller bĂ©coter un rustre sans que Charles ne s’en aperçoive et me le rapporte ? Que tu aies des affinitĂ©s… non-procrĂ©atrices, passe encore. Mais un rustre ? Un moins que rien ! — Dixit celui qui doit tout au simple fait d’être nĂ© et d’avoir Ă©pousĂ© ma mère ? — Cela suffit ! Tu te marieras avec Juliet Burbanks ! Tu lui feras des hĂ©ritiers, mĂŞme s’il faut te bourrer d’aphrodisiaques ! TU FERAS CE QUE JE TE DIS DE FAIRE ! — Moi vivant, hors de question, rĂ©pondit froidement Allen en quittant le salon.
Le jeune homme avala les marches de l’escalier, et ferma la porte de sa chambre avec fracas. Son père ne viendrait pas le chercher. Il n’en avait pas besoin. Tout ce caillou pourri aux confins de la galaxie lui appartenait ! Il n’y avait aucune échappatoire !
Epuisé, Allen chuta sur le lit. La douce chaleur revint entre ses paupières. Il voulait juste pleurer… Que ferait Pitt ? Qu’aurait fait sa mère ?
Ses sanglots cessèrent. Qu’aurait fait sa mère ? Il avait une solution. Fébrile, il ouvrit un tiroir, et en sortit un colt. Magnifique, chromé. Sa poignée d’ivoire lui semblait presque chaude. Le jeune homme déverrouilla la sécurité, et de nombreux filaments s’allumèrent. De longues lignes rouge sang parcouraient désormais l’arme, pulsation après pulsation…
Non. S’il devait en finir, il voulait d’abord avertir Pitt. Il voulait le voir une dernière fois. Il voulait passer un dernier moment avec lui. Juste un dernier moment. Un dernier moment…
Allen regardait la foule en contrebas. Il parvenait à peine à retenir les larmes de couler. Ce soir, il serait libre. Il voulait juste un dernier moment avec Pitt. Obnubilé par cette pensée, et par sa fin proche, il ne sentit son ami qu’au dernier moment.
— Je n’en peux plus, sanglota Allen. Cette prison, ce monstre qui m’a fait… Je n’en peux plus. Je voulais passer un dernier moment avec toi. Je… Je craque. — Essuie-moi ces larmes, chuchota Pitt en sortant un mouchoir tâchĂ© d’huile de moteur. Tu auras des tâches sur le visage, mais je t’aime bien comme ça au final. J’ai une bonne nouvelle, elle nous permettra de surmonter tout ça. Tu te souviens du Clipper Stellaire CI-N d’hier ? Le capitaine cherche un mĂ©cano. Je l’ai abordĂ©, et je lui ai parlĂ© de nous deux. De mes capacitĂ©s manuelles. De tes connaissances astronomiques sur les moteurs, les circuits… Il veut bien nous embaucher. Il nous attend Ă l’astroport. — Je… — Allen, Ă©coute-moi. Je t’aime. Je n’ai rien d’autre comme bonheur dans la vie que toi. Je t’aime. Chacune de tes larmes est comme la mort pour moi. Chacun de tes sanglots et un cri qui rĂ©sonne dans mon cĹ“ur. J’ai pas l’habitude de ces mots, mais je les ai choisis pour toi. On peut s’envoler. Tu peux t’envoler de ta cage. Il faut juste que tu l’acceptes. Que tu acceptes de tomber une fois, pour voler. — Rattrape-moi, pria Allen.
Le jeune homme blond hésita, puis se laissa basculer au-dessus du mur d’enceinte. Le sol boueux de la rue se rapprochait dangereusement. Deux bras le serrèrent avec douceur. Pitt l’accompagnait dans sa chute. Une chute qui ne serait pas mortelle, mais douloureuse.
Le choc fut amorti par de la paille. Les deux jeunes hommes venaient d’atterrir dans une lévi-charrette pilotée par un Rongeur.
— Bonta, Ă vot’service, se prĂ©senta-t-il en utilisant l’accent de Verkos. J’vous emmène au capitaine, ça va nous faire du bien d’avoir du renfort comme vous.
Le Rongeur guida la lévi-charrette sans encombre jusqu’à l’avenue principale qui menait aux astro-quais. Soudain, la foule dut s’écarter pour laisser passer une demi-douzaine de chevaux. Des cavaliers vêtus de cuir et coiffés chacun d’un stetson guidaient leurs montures avec habileté, et tous avaient mis en valeur leurs armes à plasma.
— Le Rongeur, on va reprendre le gamin blond qui est avec toi. Ordre du patron. — Hors de question. Accrochez-vous les amoureux !
Le Rongeur mit plein gaz, et la lévi-charrette partit à pleine vitesse. Le pilote ne s’occupait pas des passants qui s’écartaient au dernier moment. Les tirs de plasma fusaient depuis les colts des cavaliers, et Allen força Pitt à s’allonger dans la paille.
— Je ne veux pas qu’ils te tuent ! hurla Allen pour couvrir les bruits des dĂ©tonations. — Je sais, lui sourit le brun en l’embrassant.
Allen oublia tout. La peur, ses années passées dans sa prison dorée, le dérapage de la lévi-charrette, les tirs. Seuls comptaient les lèvres de Pitt sur les siennes. Et l’espoir de s’en sortir. Pitt avait été son seul confident. Son seul ami. Il était tout, son avenir, ses rêves… Il l’aimait.
Il voulait juste rester avec lui Ă jamais.
La lévi-charrette fit un dernier dérapage, et le Rongeur les apostropha.
— Le capitaine nous attend. Clipper Stellaire CI-N06 ! On se dĂ©pĂŞche.
Allen, descendit le premier, suivi de Pitt. Main dans la main, ils couraient. Allen fermait la course, tentant de protéger Pitt des tirs des hommes de son père. Près d’eux, le canyon transformé en astroport leur donnait presque le vertige. Cela ferait une bonne solution de repli si tout tournait mal.
Allen se gifla. Il ne devait pas perdre espoir, plus maintenant. Une détonation plus forte que les autres retentit, son écho se réverbérant dans tout le canyon. Allen sentit ses tibias exploser. Devant lui, les chevilles de Pitt volèrent en éclat.
— TU FERAS CE QUE JE TE DIRAIS DE FAIRE ! VOIS CE QUE TU INFLIGES A CE CHIEN ! J’AI UNE SOLUTION RADICALE POUR LUI ! hurla son père en tirant sur le bras de Pitt. — Je prĂ©fère mourir, rĂ©pondit froidement Allen en rampant vers celui qu’il aimait. Pitt, rĂ©ponds-moi. RĂ©ponds-moi. Je veux qu’on y arrive. RĂ©ponds-moi je t’en conjure. Je t’en conjure. — Allen, dĂ©gage de lĂ ! — RĂ©ponds-moi, Pitt, s’il te plait, pria Allen en lui serrant la main. Pas comme ça. Ça peut pas finir comme ça. RĂ©ponds-moi, je t’en supplie.
Allen se retourna. Fit face à son père qui les mettait en joue. Dos contre Pitt, il sentit sa main se serrer en réponse à la sienne.
— DĂ©gage ! — Non.
Jon Northomb arma une dernière fois le chien de son revolver. Une nouvelle détonation résonna dans le canyon.
La tête de l’homme d’affaire vola en éclat. Un tir ajusté avec précision. Allen se sentit rouler sur le sol. Au sommet du Clipper Stellaire, il crut apercevoir une Sylve ranger son fusil…
— Les circuits de plasma sont hors de contrĂ´les ! Ils ont Ă©tĂ© rĂ©glĂ©s avec des doigts de Semi-gĂ©ant ou quoi ? grommela Pitt. — C’est un adaptateur Terrastar, les flux sont inversĂ©s sur ces modèles, lui indiqua Allen. Pour ce soir, on fait quoi ? — Etant donnĂ© qu’on a fini la maintenance du tokamak, je te propose d’aller au MĂ©tĂ©ore. D’après le capitaine De Hiercourt, c’est un bar sympa. Ils ont mĂŞme des chambres si tu veux. — Ça changera de la cabine. Va pour le MĂ©tĂ©ore. Mais il faut qu’on finisse la maintenance. A trois ? demanda-t-il en saisissant une manivelle qu’il allait devoir remettre dans l’autre sens. — A trois.
Allen déposa un baiser sur le front couvert de cambouis de Pitt, sourit brièvement en pensant à sa nouvelle liberté, et se décida quant à ce qu’il devait faire de la manivelle.
Cette fois-ci, il n’avait pas le choix : il allait devoir la renverser. Cette histoire fait partie d'un tout plus grand !
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