L'Académie de Lu





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(par Sparfell ex-chevalier)
(Thème : MĂ©lilĂ©mots 1)



Poontah regarda au loin. Cela faisait trois jours qu'il marchait sans interruption. Suite à un violent orage, sa délégation vers le clan du thylacine avait été décimée. Les galettes de riz et d'avoine, troquées auprès des colporteurs des agricultures du couchant, avaient été toutes mangées l'avant-veille. Mais ces cultivateurs, bien que pouvant produire des stocks de nourriture importants grâce aux céréales, ne maîtrisaient pas les secrets des peintures du clan du thylacine. Pour autant, si le clan de Poontah avait su qu'ils perdraient deux des trois voyageurs, ils n'auraient sans doute pas risqué le voyage pour aller chercher ce spécialiste.


TenaillĂ© par la faim, le chasseur aperçut un groupe de kangourous bondissant rapidement dans la steppe. Il saisit son bâton de lancer, ajusta le jet. Il amena son poids vers l'arrière ; fit de l'arme un prolongement de son corps ; amena son poids vers l'avant ; banda ses muscle. L'Ă©nergie se libĂ©ra une première fois lorsque l'outil fut lancĂ©, quittant la prise de ses mains pour tourbillonner vers l'animal. Un sifflement bruyant retentit. Puis, un dĂ©ferlement cinĂ©tique vint rĂ©duire en miette la nuque de la proie. D'un coup sec, radical, le marsupial Ă©tait passĂ© de vie Ă  trĂ©pas. Faites que sa femme n'apprenne jamais cette chasse ! Bien que Poontah eu Ă©tĂ© parfaitement autorisĂ© Ă  tuer et manger le kangourou, Neji ne supportait gĂ©nĂ©ralement pas que son mari mette Ă  mort ou consomme de son animal totem - bien qui en eut Ă©tĂ© très friand.

Prélevant quelques troncs fins au hachereau et utilisant de l'écorce, le voyageur dressa sommairement une petite halte de chasse, pour s'abriter du feu et travailler sa proie.

Utilisant quelques bifaces simples, Poontah s'attela au dĂ©peçage. Il prĂ©leva les meilleurs morceaux - manger l'animal entier lui Ă©tait impossible, bien que la gourmandise ne lui manquât pas - et garda la peau ; correctement travaillĂ©e, elle ferait une offrande convenable pour remercier le clan du thylacine de son accueil.


Le seul problème Ă©tait que, suite Ă  l'orage de la veille et Ă  la mort de ses compagnons, Poontah avait perdu le trajet du circuit des clans, qui lui permettait de trouver le clan du thylacine... Il savait qu'il devrait trouver une forĂŞt ; mais les terres qu'il parcourait actuellement n'avaient pas Ă©tĂ© foulĂ©es par ses propres ancĂŞtres, et aucun chamane de son clan de s'Ă©tait conciliĂ© avec les esprits locaux. A chaque instant, il se sentait observĂ©, rejetĂ© par l'environnement mĂŞme. Chaque entitĂ© de ce lieu le regardait avec suspicion ; il Ă©tait un intrus. Il crut, Ă  plusieurs reprises, voir des yeux jaunes roder autour de lui…


Il devait prendre une dĂ©cision. Bien que n'Ă©tant pas chamane, le plus sĂ»r Ă©tait de contacter les esprits. Saisissant un jaspe tranchant, il s'infligea les quatre scarifications rituelles : deux sur le torse, une sur chaque avant-bras. Il savait que contacter un esprit sans ĂŞtre initiĂ© Ă  la transe Ă©tait faisable, mais risquĂ© ; mais pas autant que demeurer trop longtemps sur un territoire dont les esprits n'Ă©taient pas des amis.

Poontah s'improvisa donc une transe : il prit un os du kangourou et commença Ă  en frapper rĂ©gulièrement un autre. Il ajouta Ă  son feu de l'Ă©corce d'eucalyptus en quantitĂ©, et imita vaguement la posture des chamanes. Assis en tailleur, il vit la fumĂ©e occuper une large partie du paysage ; son cou se tendit, ses oreilles se bouchèrent, et il se tordit en arrière. La fumĂ©e occupait maintenant tout ce qu'il voyait ; il sentait la frontière entre le monde matĂ©riel et le temps du rĂŞve plus fine que jamais, quand il cria, sentant la transe aboutir. Soudain, il Ă©tait debout. La fumĂ©e s'Ă©tait changĂ©e en brume, qui noyait un paysage chaotique, mĂŞlant divers environnement sans cohĂ©rence : ici, une mare comme dans les rĂ©gions du zĂ©nith, lĂ  un eucalyptus cotoyant un palĂ©tuvier. Il voyait mĂŞme un gigantesque bloc de pierre au loin. Et, partout autour, les esprits animaux l'observaient, silhouettes brillantes bleutĂ©es, dont seul le contour Ă©tait vraiment distinctible.

Alors qu'il s'apprêtait à approcher l'un de ses animaux-totems - l'ancêtre-diable géant qu'il apercevait au loin - une créature ophidienne s'approcha de lui. Sans savoir comment, il sut que ce fils du serpent arc-en-ciel n'était nul autre que la tempête de la veille.

"Que fais-tu is-s-s-sssssi, marcheur ? Ne s-s-s-sssssais tu pas que mon courroux est terrible, et qu'il ne faut point me contrarier ?

— Pardonnes-moi de fouler les terres dont tu as la garde, puissant dragon. Je ne m'y suis pas rendu volontairement, je me suis perdu suite Ă  l'orage que tu as provoquĂ© hier. Mon but n'a pas Ă©tĂ© de m'introduire ici sans ton consentement.

— Je suis prĂŞt Ă  accs-s-s-sssssepter tes excuses, mais il me faudra une offrande, marcheur.

— J'ai chassĂ© un kangourou plus tĂ´t dans la journĂ©e ; tu peux disposer de sa peau, de ses ossements et des restes de viande que je n'ai pas mangĂ©.

— Ins-s-s-sssssolent ! Comment prĂ©tends-tu vendre une chair qui n'est pas la tienne ?Je devrais te tuer pour laisser ton ombre mener une vie indĂ©pendante pour profĂ©rer de tels propos ! Je s-s-s-sssssuis par ailleurs tout Ă  fait capable de chass-s-s-ssssser mes proies moi-mĂŞme. La tempĂŞte qui t'as amenĂ© chez moi hier a causĂ© plus de mort que celles que tu peux m'offrir prĂ©sentement.

— Y compris les morts de mes compagnons ! Et si la chair de mon gibier ne t'intĂ©resse pas, alors je peux te proposer que mes futurs enfants t'adoptent comme totem. Vos vies seront partagĂ©es, et leurs prières te seront adressĂ©es. Certes, le sacrifice ne provient pas de moi ; mais si je ne peux t'offrir qu'une chair qui m'appartienne, c'est tout ce que je peux faire.

— J'y rĂ©flĂ©chirai", conclut le dragon.

Une pointe de froid dĂ©tourna l'attention de Poontah ; sur son Ă©paule, une goutte venait de tomber. Lorsqu'il releva la tĂŞte, il n'y avait plus aucune trace du temps du rĂŞve. Ne restait plus qu'un univers de brume mĂŞlĂ©e de fumĂ©e. La brume se comporta de plus en plus comme de la fumĂ©e, et disparut peu Ă  peu. Et alors que la fumĂ©e se dissipait, les gouttes d'eau se firent plus nombreuses. Beaucoup plus nombreuses. Partout, les animaux fuyaient. AffolĂ©, Poontah comprit que le dragon n'avait pas acceptĂ© son offre : alors que la pluie charriait d'absurdes quantitĂ©s d'eau et que des Ă©clairs Ă©clairaient des nuages noirs cachant un horizon crĂ©pusculaire, un mur d'eau de deux mètres noyait cette partie de la steppe. Poontah grimpa dans un arbre aussi vite qu'il le pouvait. Mais quand la vague arriva, l'arbre fut dĂ©racinĂ©, pulvĂ©risĂ©. Flottant entre deux eaux, le voyageur eut mille peines Ă  comprendre comment Ă©tait positionnĂ© son corps. CognĂ© de partout par la turbiditĂ© de l'onde, Poontah n'eut mĂŞme pas besoin de surmonter la douleur des chocs rĂ©pĂ©tĂ©s. Instinctivement, il s'accrocha Ă  au tronc qui venait d'ĂŞtre dĂ©racinĂ©.

Ce qui sembla constituer pour Poontah plusieurs Ă©ternitĂ©s plus tard, le voyageur se rendit compte que les violences de l'eau s'Ă©taient calmĂ©es. Au loin, une lueur verte attira son attention. Il s'approcha de cet Ă©clairage transparaissant dans la nuit, et dĂ©couvrit une forĂŞt peuplĂ©e de champignons de lumière. Poontah reconnut cet endroit caractĂ©ristique : il Ă©tait au bosquet lumineux, dans la forĂŞt de feu du clan du thylacine ! Le dragon n'avait donc pas voulu le tuer, mais le guider en lui donnant un avertissement : si le chasseur venait Ă  brisĂ© son marchĂ©, les consĂ©quences seraient terribles.

Poontah remercia intérieurement le fils du serpent arc-en-ciel, et se jura de lui dédier ses enfants, à qui le leur attribuerait comme totem. Se guidant grâce à la luminosité des champignons, le voyageur trouva une grotte pour s'abriter, le temps que la pluie ou la nuit passe. Il tenta de se réchauffer à l'aide d'un petit feu, qu'il ne parvint pas à démarrer. Ce n'est qu'à se moment qu'il se rendit compte qu'il avait tenu, serrée contre lui, la peau de kangourou devant servir d'offrande au clan du thylacine. Mais elle était trop humide pour être portée.


Alors Poontah attendit. A l'aide d'un peu de terre et de la luminosité d'un champignon, il tenta de tuer le temps en faisant un dessin sur la paroi de la grotte. En mal d'inspiration, il dessina le dragon avec lequel il avait traité quelques éternités plus tôt. A son grand étonnement, l'orage prit fin avant la nuit. Les nuages disparurent, et laissèrent place à la lune, trônant au centre du ciel, dominant mieux le ciel de nuit que ne le fait le soleil de jour.


ExtĂ©nuĂ©, Poontah arriva Ă  se guider grâce aux champignons lumineux et Ă  la lune. A l'aube, alors que les feuilles d’eucalyptus ne protĂ©geaient pas des rayons solaires car Ă©tant orientĂ©s parallèlement Ă  ceux-ci, Poontah aperçut, dans une clairière, le campement du clan du Thylacine. Par chance, ils avaient utilisĂ© le mĂŞme campement que l'an dernier ! Cela lui Ă©vitait de devoir les pister et fouiller la forĂŞt Ă  la recherche d'un autre site d'habitation.


Enfin, il était arrivé. Son exténuante odyssée prenant fin, il trébucha dès qu'il arriva dans le campement. Alors que le stress disparaissait, il sentit plusieurs bras le prendre en charges, plusieurs voix s'inquiéter. Assommé par ses émotions, il s'offrit un repos bien mérité.




























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