"Monsieur le directeur, nous avons une intrusion."

L'intéressé leva les yeux au ciel, poussant un soupir exaspéré. Oui, il s'en était rendu compte tout seul, oui. Un indice subtil l'avait aiguillé, trois fois rien, juste la sirène d'alarme et les gyrophares. Il avait même eu le temps de visualiser les enregistrements des caméras de surveillance le temps que sa secrétaire ait l'idée de le prévenir. Il avait pu y voir deux pégus masqués, leurs têtes surmontées de couvre-chefs girafe aussi voyants que ridicules, entrer en souriant aux gardes, remonter tranquillement les étages en saluant poliment le personnel, et ouvrir le coffre-fort pour s'emparer du tout dernier paquet de céréales chocolatées disponibles sur le marché. Et comme les dernières fois, tout le monde avait trouvé ça normal, on leur avait même proposé un café sur le chemin du retour.

C'était à se taper la tête contre les murs. Il avait déjà baissé les salaires de tous ses employés pour leur faire les pieds, mais il allait falloir trouver un châtiment plus radical… En attendant, les cambrioleurs avaient eu toute l'occasion d'atteindre le tableau électrique central. Après ça, ils n'auraient qu'à détruire le circuit principal et tout le bâtiment serait privé d'électricité — et de lumière. Leur échappée serait alors pour ainsi dire garantie.

Le directeur poussa un soupir lourd de responsabilités. Il allait devoir prendre une décision. Une décision lourde, mais nécessaire. La panique allait s'emparer du bâtiment, et même de la ville s'il perdait le contrôle. Mais la situation était désespérée. Cette fois-ci, il n'avait pas le choix: il allait devoir la renverser.

Il prit une grande inspiration et enfonça d'un doigt résolu le bouton d'urgence de l'interphone, donnant son ordre ferme et définitif.

"Lâchez le kangourou."