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Défi images 5 (phare, lune, panthère)
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Schrödinger![]() Spectacles![]() ![]() ![]() Le phare de la presqu'île se dressait, haute silhouette silencieuse au regard tourné vers le grand large infini. Son œil scintillant balayait les flots, faisant briller la crête des vagues, les bancs d'écume et, parfois, le dos sombre et luisant d'une baleine. Éclairé par une pleine lune dorée, le groupe de cétacés, installé dans la baie pour la saison, s'ébattait joyeusement dans l'anonymat de la nuit. Parfois, l'une d'elle propulsait ses trente tonnes hors des flots, défiant la gravité un instant avant de retomber avec force fracas. Un spectacle à couper le souffle, pour n'importe qui serait en mesure d'y assister.
Pourtant, s'il y avait bien quelqu'un d'éveillé pour admirer la scène du sommet du phare, son attention était tournée vers tout autre chose. Installé sous une couverture près du sommet de la bâtisse, l'enfant avait le regard braqué vers l'intérieur des terres, vers le pré s'étendant à cent mètres de là , entre deux bras de mer et une forêt profonde. Indifférent aux jeux des baleines dans son dos, il leva un regard impatient vers le ciel, calculant la position de la lune et laissa échapper un claquement de langue agacé.
Le satellite couleur de miel ne semblait pas pressé d'arriver à sa position idéale, et les nuages menaçaient de tout gâcher. Il se força tout de même à rester calme, et grignota un biscuit en attendant les premiers si– oui! Dans un bruissement de feuilles, un souffle de vent venu de nulle part balaya le champ, couchant les brins d'herbes et les graminées sur son passage. Lorsqu'ils se redressèrent, les épis brillaient d'une faible lueur dorée, qui ne fit que s'accroître sous le regard émerveillé du spectateur.
Dans le ciel, les nuages s'écartèrent, laissant la lune donner toute la mesure de sa brillance. Le champ entier s'illuminait désormais d'un éclat mordoré. Une douce rafale emporta des fragments de végétation dans un tourbillon et les dispersa dans le ciel nocturne où ils flottèrent entre les courants d'air, en apesanteur. Puis, entre les herbes hautes, une silhouette rayonnante se redressa avec grâce, et le cœur de l'enfant se mit à battre la chamade.
Portant une simple robe d'été, ses longs cheveux blonds flottant dans le vent, la jeune fille dressait son visage aux traits fins vers le ciel, les yeux clos pour savourer la douceur de ses rayons. Tout son corps irradiait de lumière, mais lorsqu'elle ouvrit ses yeux d'or, son sourire solaire éclipsa tout le reste par sa radiance. De son perchoir, l'enfant la dévorait des yeux, subjugué. Même à cette distance, il s'imaginait sans peine son visage, son parfum de nature, son expression radieuse…
Puis elle se mit à danser, sur une mélodie connue d'elle seule, libre et éthérée. D'un bout à l'autre du champ doré, elle virevoltait, valsait, cabriolait avec grâce, habitée d'une joie pure. Ses mains caressaient les épis, qui se courbaient comme pour prolonger le contact, et une brise agréable accompagnaient ses gestes et les prolongeait, dispersant des éclats dorés dans les airs. La jeune fille tourbillonnait sous les étoiles en riant, et tout, les blés, le vent, les feuilles, même la forêt, les vagues et les nuages, semblait graviter autour d'elle, jusqu'à l'orbite bienveillant de la Lune couleur miel.
Au bord du toit, le jeune spectateur n'en perdait pas une miette, fasciné. Son pouls s'accélérait dès qu'il croisait le regard de la nymphe, une douce chaleur envahissait ses joues lorsqu'un sourire s'égarait dans sa direction. Sans oser répondre de peur de briser ce moment magique, il la dévorait des yeux, souhaitant une fois encore que cette nuit dure pour l'éternité. Un mouvement à la lisière de la forêt attira soudain son attention, et son cœur manqua un battement lorsqu'il vit la panthère sortir du couvert des bois.
L'immense fauve s'avança dans le pré à pas feutrés, fendant les flots du champ de lumière avec une grâce toute féline. Son corps d'un noir absolu était parsemé de constellations d'argent, et ses yeux dorés étaient fixés sur la jeune fille, qui s'aperçut un peu tard de sa présence. Pourtant, elle ne montra aucune peur, bien au contraire: sans cesser de valser, elle ouvrit les bras en un geste d'invitation, et son rire cristallin résonna jusqu'aux oreilles de l'enfant, porté par la brise.
Alors le fauve rugit et s'élança souplement, rejoignant d'un bond la danseuse, et frotta sa tête contre son épaule comme un chat quémandant des caresses. Et la jeune fille s'éloigna en riant, l'entraînant dans une chorégraphie spontanée qui tenait autant de la danse que du jeu. De son toit, le témoin silencieux les vit se rapprocher et s'éloigner au gré de leurs facéties. Il vit le champ onduler et former des motifs toujours changeants, et le vent former des silhouettes avec les débris lumineux qu'il charriait. Et il vit la nymphe se pencher vers la panthère, et lui chuchoter quelques mots à l'oreille.
En le regardant. Son cœur eut à peine le tambouriner à pleine cadence dans sa poitrine que le fauve s'élança comme une fusée. La comète noir et argent traversa le pré et escalada la tour en un instant, et l'enfant sentit des crocs le saisir délicatement par le col. Il n'eut pas le temps d'avoir peur lorsque le félin sauta au bas du phare d'un seul bond, et à peine la présence d'esprit de réaliser ce qu'il lui arrivait. La panthère sentait la forêt, l'humus, et les feuilles fraîchement coupées.
Ses pieds nus s'enfoncèrent dans un tapis d'herbe souple lorsque le fauve le déposa à terre. À deux pas de lui se tenait la jeune fille, qui l'observait en souriant, les mains dans le dos. L'enfant ne put s'empêcher de la dévisager. C'était la première fois qu'il la voyait d'aussi près. Il la trouva mille fois plus belle encore. Ses longues mèches blondes flottaient dans le vent, éthérées. Une couronne d'épis de blé ceignait ses cheveux, et ses yeux luisaient de mille nuances de doré. Elle lui prit les mains de ses doigts délicats. Sa peau était douce et chaude au toucher, et elle irradiait de lumière. Une odeur de pain frais emplissait l'atmosphère.
Sans un mot, elle lui sourit et esquissa quelques pas, l'entraînant dans sa danse. D'un coup de tête, la panthère bouscula gentiment l'enfant pour le sortir de sa stupeur. Les jambes de l'invité s'activèrent d'elles-mêmes et suivirent le mouvement imprimé par sa guide. Le sourire de la jeune fille redoubla d'intensité, et il sentit ses propres lèvres s'étirer. Leurs doigts s'entremêlèrent, il sentit un frisson d'exaltation le traverser, et ses joues s'enflammer. Elle accéléra le rythme, spontanée. Il la suivit, sur un petit nuage. La panthère rugit, les épis frémirent, le vent souleva des tourbillons d'or, et la farandole reprit au rythme d'une musique inaudible et entraînante. L'enfant se retrouva entraîné dans une folle cavalcade, au milieu d'un univers doré où la fatigue n'existait pas. Le temps s'étira, le monde extérieur s'effaça. Seul lui importait le sourire de la jeune fille de lumière, sa présence libre et indomptée, le contact de sa peau contre la sienne, et il souhaita que jamais, jamais cette nuit ne prenne fin!
Le petit matin le trouva allongé sur le toit, recouvert de sa couverture, endormi et béat. Une brise chaude délogea de ses cheveux une feuille d'arbre noire, douce comme de la soie et constellée d'argent.
Et à son doigt brillait un anneau tressé de paille d'or, rempli de promesses.
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