L'Académie de Lu





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(par Schrödinger)
(Thème : MĂ©lilĂ©mots 2)



Le désert s'étendait à perte de vue, enfilade de dunes que brisait parfois des regs pierreux. Haut dans le ciel, le soleil dardait ses rayons ardents sur l'étendue sableuse, accablant de sa chaleur tout ce qui s'y trouvait. C'est-à-dire pas grand-chose. Quelques bestioles que la chaleur n'effrayait pas, une poignées de plantes rabougries, du sable, et des pierres, rien que de très ordinaire. Rien mis à part, élément incongru au milieu de ce paysage monotone, un large parasol d'apparence végétale, projetant une ombre bienvenue sur le sol aride. Et, protégée par ce parasol, une jeune femme, qui avançait à pas rageurs.

Neige dĂ©testait le dĂ©sert. Du moins, les dĂ©serts oĂą la canicule rĂ©gnait. DĂ©jĂ  qu'elle n'aimait pas spĂ©cialement la chaleur, de base, lĂ  il lui fallait aussi supporter le soleil tropical qui prenait un malin plaisir Ă  brĂ»ler sa pâle peau de nordique. Le vent ne faisait rien pour aider ; mĂŞme pas capable de refroidir un peu l'atmosphère, il prĂ©fĂ©rait l'assĂ©cher un peu plus. MĂŞme pas de neige Ă  faire fondre pour avoir un peu d'eau. Juste du sable, du sable, et encore du sable, qui aimait bien s'infiltrer dans les vĂŞtements en plus de n'avoir aucun intĂ©rĂŞt. Pire encore, impossible de se repĂ©rer correctement, tout se ressemblait. La jeune femme avait beau envoyer ses petits Ă©missaires faire du repĂ©rage dans la mer de dunes, pas de trace de son objectif — Ă  croire que les ruines s'Ă©taient volatilisĂ©es. Et pour couronner le tout, sa monture avait fini engloutie par un requin des sables quelques jours plutĂ´t, ce qui la contraignait Ă  marcher sur ce sol difficile — ce qui ne l'aurait pas autant dĂ©rangĂ© si elle avait eu le temps d'Ă©tudier un peu le prĂ©dateur au passage…

Il n'y avait que de nuit que la température devenait enfin agréable — d'aucuns auraient même dit carrément froide. Sauf que c'était également là que tout ce qui était intéressant dans le désert sortait de sa cachette. Impossible alors pour la jeune femme d'avancer à un bon rythme: trop de distractions! Pour une fois qu'elle avait un objectif précis… En plus, impossible de dormir de jour dans le désert avec cette chaleur, donc le problème restait entier. Encore heureux qu'elle n'avait pas à se coltiner la même logistique que les gens normaux... Pas besoin de trimballer une caravane pour les vivres et l'eau, une tente pour le bivouac ou une troupe de bédouins pour la ralentir — bon, d'accord, peut-être un guide aurait été une bonne idée. Elle avait juste à se contenter de marcher dans un confort relatif, à l'abri de son ombrelle flottante qui n'avait pas l'air trop dérangée par la chaleur, et rafraîchie par son habit de gel argenté.

Ses ruminations furent interrompues par un picotement autour de son poignet. Arrachée à ses pensées, elle haussa un sourcil interrogateur à l'adresse de la ronce épaisse comme son pouce, d'un blanc tirant sur le vert pâle, enroulée autour de son bras. La tête de la petite créature* se redressa et Neige sentit une pointe de joie l'envahir. Enfin, ses petits envoyés avaient retrouvé son objectif! Déjà plus joyeuse, elle se hâtait de changer de trajectoire lorsqu'un autre rapport lui signala l'arrivée rapide de…quelque-chose remontant rapidement vers elle à travers les dunes. Curieuse, elle se tourna vers la nouvelle menace, lui laissant le temps d'approcher. Elle n'était plus très loin du but, elle pouvait bien se permettre une petite distraction — c'était frustrant de tracer sans prendre le temps de profiter de la faune locale, après tout. Peut-être était-ce requin des sables qui revenait? Tant mieux, cette fois elle était prête à l'accueillir. Enfin, un autre prédateur du désert serait aussi bien, de toute façon… Tant que ce n'était pas un Naga…

Elle recula juste à temps pour éviter la longue lame qui venait de surgir du sable devant elle, et par réflexe la jeune femme contre-attaqua à l'aide d'épines grande comme des javelots jaillissant de ses longues manches. Une autre lame dévia cependant leur course alors que l'assaillant émergea du sol. C'était bien sa veine: un Naga, justement. Le premier qu'elle voyait de ses propres yeux, en fait, et qu'elle détailla donc avec intérêt, de la tête au pieds. Enfin, au bout de la queue, plutôt — une magnifique queue de serpent aux écailles dorsales d'un noir brillant qui s'éclaircissait en remontant vers le haut de son corps. Ses écailles ventrales, plus larges, tiraient plus vers le beige avant de se fondre dans la peau bronzée de son torse musculeux, seule partie de son corps dépourvue de squame, avec son visage. Son expression hostile et les cimeterres courbés au bout de ses bras musculeux laissaient planer peu de doutes sur ses intentions. D'ailleurs, il ne perdit pas te temps pour repartir à l'attaque de cette humaine qui l'étudiait comme une bête curieuse.

Neige eut un sourire, une grosse épine dans chaque main. Même si elle n'avait pas prévu de s'intéresser aux Nagas aussi tôt, un spécimen qui lui tombait tout cuit dans le bec, ça ne se refusait pas. Autant en apprendre le maximum durant cette confrontation. Comme elle s'y attendait, il était rapide. Elle para la première attaque, qui l'envoya tout de même bouler. Là encore, c'était attendu: le peuple des sables était connu pour sa force physique. La jeune femme n'était pas inquiète, cependant, et atterrit sur ses jambes sans affolement. Son adversaire était déjà sur elle, mais elle esquiva son assaut sans soucis, avant de passer à son tour à l'attaque, enchaînant les coups d'estoc, jusqu'à réussir à écarter les deux cimeterres. Un coup de pied retourné mis un terme à l'engagement, heurtant violemment l'ophidé en plein ventre.

Le Naga eut l'air davantage surpris de s'être fait toucher par une vulgaire humaine — surtout une humaine qui se foutait ouvertement de lui — que blessé par le coup. Son regard changea; il devenait sérieux. Son assaut suivant fusa comme un boulet de canon; son bras gauche s'abattit sur la jeune femme, qui l'esquiva d'un cheveu. Mais elle ne put alors éviter la queue qui l'atteignis au bras et la fit reculer de trois pas, déstabilisée, ce qui s'avéra être une ouverture plus que suffisante. Le guerrier du désert tournoya sur lui-même, armes tendues: le cimeterre de sa main gauche s'abattit en un coup oblique, entaillant profondément le corps de la jeune femme, et, entraîné par son élan, le Naga trancha l'air de son sabre droit trancha l'air trois pas devant lui, arrêtant net sa lame dans le prolongement de son regard. Alors que le silence retomba sur le désert, il y eut un moment de flottement durant lequel le Naga ne bougea pas un muscle, dédaignant l'humaine mortellement blessée.

Celle-ci eut un sourire fatigué puis, avec un grésillement, son image disparut, laissant place à un un épouvantail formé de cinq épines, reproduisant grossièrement une silhouette humaine, une profonde entaille barrant son centre. L'instant d'après, le plantin éclatait en une brume argentée qui se dirigea vers le Naga et le contourna, comme attiré par quelque chose. Un nouveau grésillement se fit entendre, et le paysage désertique devant la lame de l'ophidé se dissipa dans un chatoiement, révélant la supercherie. Allongée sur un énorme livre lévitant à un mètre cinquante du sol, protégée par son ombrelle flottante, une Neige adolescente arborait un sourire forcé, interrompue dans sa prise de notes par la lame qui avait coupé sa plume en deux et lui chatouillait désormais la gorge.

— Hm, grillĂ©e depuis le dĂ©but, je suppose?

Le Naga siffla furieusement alors que la brume réintégrait les manches de la jeune fille, qui haussa les épaules.

— Bah! Fallait bien tenter! Maintenant je le saurais! Bon, par contre, j'ai des choses Ă  faire, alors tu m'excuseras…

Elle claqua des doigts, et l'ophidé compris trop tard. Des ronces jaillirent du sable avant qu'il ne puisse réagir, s'enroulant autour de ses bras, son torse, sa queue, tout son corps. Un instant plus tard et il était fait prisonnier, ligoté proprement à un mètre du sol par les lianes barbelées, devant une Neige dont le sourire s'était fait triomphal.

— Surprise! Seul avantage de ce maudit dĂ©sert: mes petits Ă©missaires peuvent nager dans le sable encore mieux que toi!

Pendant que le Naga se débattait comme un beau diable, sifflant à qui mieux mieux, la jeune fille posa pied à terre et son grimoire reprit une taille plus modeste, prêt à accueillir ses notes. Elle toqua dans un coin de la page, et un petit griffon** lui aussi fait de ronces blanches sortit en baillant d'une cache impossible dissimulée dans la feuille. Fredonnant joyeusement, Neige le prit dans sa main et lui présenta le prisonnier. Le griffon ouvrit largement son bec, produisant une lueur verte qu'il passa sur toute la longueur du corps du Naga, avant de grimper sur l'épaule de sa maîtresse une fois sa tâche terminée. Une fois ceci réglé, cette dernière tapa dans ses mains.

— Bien, joignons l'utile Ă  l'agrĂ©able: c'est par oĂą, les ruines?

Guidée par les émissaires végétaux, la petite troupe se remit joyeusement en route. Le sable laissa bientôt la place à un sol rocheux à mesure qu'ils se rapprochaient du canyon où se situait l'une des entrées des ruines, rendant la marche plus aisée — non pas que la biologiste s'en soit rendue compte, bien plus intéressée par l'ophidé. Pendant le trajet, la jeune fille produisit quantité d'outils de son ouvrage — règles, pieds à coulisse, bocaux et plus encore — avec lesquels elle étudia autant que possible son sujet d'étude, notant les résultats dans son livre au fur et à mesure. Elle le mesura

sous toutes les coutures, examina son anatomie, lui arracha même une écaille, — ce qui lui valut un sifflement courroucé — estima son âge. Le tout, sans cesser de parler au guerrier, ravie d'avoir un nouvel "interlocuteur", quand bien même il ne lui répondait pas. C'est ainsi que, totalement absorbée, elle fut surprise lorsqu'un petit cri lui signala qu'ils étaient arrivés à destination: de l'autre côté de la faille, un peu en contrebas, l'ouverture béante d'un bâtiment décoré était aisément visible. La jeune fille tourna le dos au canyon, adressant un sourire onctueux au Naga.

— Alors! D'un cĂ´tĂ© je suis enfin arrivĂ©e lĂ  oĂą je voulais. De l'autre, ça doit bien faire 30-40 ans que je me dis qu'il faut que j'aille voir un peu Ă  quoi ressemble votre capitale, lĂ  — une ville sur un squelette d'Ancien Dragon, on voit pas ça tous les jours. Et maintenant que je te tiens, si tu peux m'y escorter ce sera plus facile pour moi. Donc, faut que je dĂ©cide de ce que je fais. Des suggestions?

Elle haussa un sourcil devant le chuintement indigné du Naga, avant que la compréhension n'illumine son regard et qu'elle ne saisisse sa mâchoire inférieure pour l'examiner.

— Ooh, mais c'est ça! Tu peux pas parler, en fait! Ton larynx et ton pharynx doivent pas avoir la bonne forme. Bon, en vrai, faudrait que je te dissèque pour ĂŞtre sĂ»re, mais on va Ă©viter…

Après un dernier coup d'œil, elle lui offrit à nouveau un grand sourire.

— Bon, au moins ça règle la question! Si tu peux pas parler, ça va ĂŞtre trop chiant et compliquĂ© de te faire m'emmener jusqu'Ă  la capitale… Bah! Tant pis, je trouverai bien un moyen en sortant des ruines! Bon, bah du coup, j'ai plus grand-chose Ă  faire avec toi… C'Ă©tait une bonne distraction, t'aurais dĂ» arriver plus tĂ´t, ç'aurait rendu les derniers jours un peu plus supportables… Allez, salut!

Le prisonnier n'eut que le temps de pousser un sifflement incrédule avant que, dur un geste nonchalant de leur maîtresse, ses liens de ronces ne le balancent sans autre forme de procès du haut de la falaise. La jeune fille le regarda dégringoler avec un petit signe de la main, avant de se justifier devant le regard réprobateur du griffon de ronces sur son épaule.

— Quoi? C'est un Naga, il survivra.

Se détournant de la petite créature, la jeune fille rappela ses ronces à elle, se saisit de son épais livre volant, s'enveloppa à nouveau de son apparence d'adulte, et désigna enfin l'entrée des ruines de l'index, sa bonne humeur habituelle retrouvée.

— En route mauvaise troupe! Direction la citĂ© enfouie!


Ça mais en mode serpent* et griffon**, et avec une couleur un peu différente ^-^




























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