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Louloutre![]() Spectacles![]() ![]() ![]() Putain de destin...(par Louloutre)Je ne sais pas pourquoi j’ai fait ça, à la base. J’en avais juste envie.
J’ai mis Margarett dans son étuis, et je suis allée me poser dans un parc. Margarett, c’est la guitare de ma mère, devenue la mienne depuis que je suis la seule à m’en servir. C’est moi qui l’ai baptisée en arrivant à Lille. À la base, je l’avais appelée Gui. Puis Maggie. Puis Margarett. Margarett Tare, j’aime bien. J’aime les prénoms débiles mais en même temps géniaux. Ceux durs à porter qu’on ne donnerait qu’à des personnages, ou n’importe qui, n’importe quoi qui ne peut pas se plaindre. Par exemple, ma fille imaginaire s’appellerait Summer. Summer Winter. Un prénom impossible à porter au premier degré. Et ses frères, qui pourraient être jumeaux, seraient Automn et Fall. Je serais une mère imaginaire tellement indigne. Mais j’assume. Ils ne sont qu’imaginés après tout.
J’ai donc pris Maggie, le chemin du jardin public le plus proche, et une place isolée, à l’ombre. Dire que je ne suis pas bronzée serait une sacrée litote : je suis tellement pâle que je n’oses pas me mettre au soleil d’été. Je suis un homard : quand je cuis, ma carapace devient rouge. Ça tombe mal, je déteste le homard. Et le crabe. Et… plein de fruits de mer en fait… Sauf les huîtres et les moules ; ça, ça va.
Je suis donc assise sur la pelouse, à l’ombre d’un arbre couvert de ses fleurs printanières. Je porte mon sarouel, avec une tunique simple, et mon pendentif préféré offert par une de mes meilleures amies. Comme d’habitude, je porte des tons sombres qui contrastent avec ma blancheur. J’ai l’air d’une espèce de hippie gothique. Cette pensée me fait rire. Faudrait que j’essaye d’égayer mon style, un peu, un jour. Je n’aime pas trop les t-shirts imprimés, je trouve ça pas ouf en général ; et des hauts colorés avec des motifs simples et une coupe sympa, je n’en vois pas de particulièrement transcendants… Mais je m’égare. Ça m’arrive toujours, ça m’énerve un peu.
Maggie, donc, se retrouve dans mes bras. On s’échauffe un peu. Main gauche aux accords : check. Main droite au grattage : check. Voix : à peu près chauffée. Margarett Tare : accordée. It’s showtime !
J’adore chanter. Envoûter le public de ma voix, le sentir captif de mes soupirs, se plier aux émotions que je leurs transmets ; c’est un plaisir sans nom. Les petits regards deviennent des private jokes, les sourires viennent approuver la complicité de la relation si particulière entre l’artiste et son auditoire, et les applaudissement signent la joie que j’ai procuré à des gens dont j’ignore tout. Et là , dans un endroit calme au retour des beaux jour, on nage en plein bonheur. Le cadre est idéal pour remplir mes conditions de représentations sauvages. Je fais vraiment ça comme ça, c’est totalement improvisé, sur un pur coup de tête. Les gens passent, certains s’arrêtent, s’assoient, cherchent à discuter (je leur fait gentiment savoir que, oui, on me dit souvent que j’ai une belle voix, non, je ne suis pas professionnelle, je ne veux pas être payée, et je ne suis pas intéressée pour prendre un verre, non je ne sais pas jouer cette chanson, je suis en train de chanter, donc ta g… profite ou dégage, mais laisse moi tranquille, monsieur, on ne se connait pas, non, pas de photo s’il vous plaît… faudrait que je pense à me dessiner un petit panneau avec des règles, la prochaine fois…) ; des enfants supplient leur parent de rester pour écouter “la dame qui chante du Disney” et gueulent les quelques paroles qu’ils connaissent avec moi. C’est trop mignon.
J’aime cette attention. C’est tout ce qu’il me faut : être au centre de la scène, mais en même temps ne pas avoir les projecteurs braqués sur moi. Juste donner un moment d’intimité. Après tout, si je n’avais pas été là , j’aurais fait la même chose dans ma chambre. La seule différence, c’est qu’ici j’ai la motivation d’entamer une sorte de jeu de séduction. Je ne dois pas seulement me faire plaisir ; je dois aussi plaire. M’aimer, aimer ce que je fait pour être aimée des autres.
J’ai presque plus d’idées, je préviens que c’est la dernière et je pars. Il faut donc bien choisir le dernier souvenir que je laisserai. J’ai déjà présenté mon répertoire d’Imagine Dragons, donné mon medley de Disney, proposé quelques chansons irlandaises et exploré quelques airs médiévaux… Même si ce ne sont plus les mêmes gens devant moi, et que certains assurent que je peux rechanter certaines chansons, je ne suis pas d’humeur à me resservir la même soupe. Puis j’ai l’illumination. Je sais ce que je veux chanter. Une chanson française ! Voyons… Les feuilles mortes, c’est un peu trop triste de se quitter sur la mer qui efface sur le sable les pas des amants désunis ; Les amis de monsieur, on va éviter de gêner les parents qui se sentiront obligé d’expliquer à leurs enfants les subtilités des paroles… Oh… peut-être… ? Allez.
Je commence. Voilà combien de jours, voilà combien de nuits… Arf… j’ai pas pris les meilleures notes… Je recommence le morceau ; je dois m’y reprendre à plusieurs fois pour placer le capodastre afin de ne pas me retrouver dans mes graves inconfortables. Ça fait rire mon public. Je ris avec eux ; j’ai mon temps, et ça nous permet de rester un peu plus ensemble. On est bon, je reprends pour la troisième fois.
Deux nouveaux arrivants débarquent alors que j’entame le premier refrain. Nos regards se croisent. Ah… Dis… quand reviendras-tu ? Dis, au moins le sais-tu… Merde. Barrez-vous. Je continue la chanson un peu maladroitement, en me cachant derrière mon masque de passion. Ça semble passer ; le trouble a été dissimulé, l’honneur est sauvegardé. Mission accomplie, cerveau ! Ils restent jusqu’au bout, applaudissent. Je remercie le public ; les inconnus partent, et eux, ils ne bougent pas. “Salut, Louise. Ça va ?” Ouaip, merci de demander… Ça va tellement bien que je croise par hasard mes deux anciens amants dans le dernier lieu où je m’attendais à les trouver. Mon premier amour et mon dernier coup en date réunis… Deux amis qui ont décidé de se promener et qu’un destin joueur a fait passer dans le coin. Merde merde merde merde merde.
What. The. Fucking. Hell ?! Comment on est passé de “salut, ça va ?” à “tu veux passer la soirée avec nous ?” en si peu de temps ? Et comment je me suis laissée convaincre ? Comment on s’est laissé convaincre ? Je me retrouve un peu malgré nous à les accompagner. Je m’attendais à ce qu’au moins un des deux se montre réticent, mais même pas ; il n’a rien dit quand l’autre m’a invitée. Et voilà qu’on se retrouve au magasin à écumer les rayons de boissons avant d’aller se trouver un endroit sympa pour emporter de la bouffe !
On se retrouve dans le petit appart du Vieux Lille, une pizza et une bouteille d’alcool chacun. Ce soir, le programme, c’est League of Legends, picole, films, et déconnade. Comme au bon vieux temps. Comme avant. Trois bouteilles, ce sera au moins le minimum pour que la soirée se passe au mieux, j’imagine. Surtout qu’on est concrètement que deux à … supporter est un bien grand mot… apprécier l’alcool ? À en consommer en tous cas… Et vu comme on le tient, ça promet.
Ça fait plus d’une heure que j’ai l’impression d’être tombée d’une falaise et d’être encore en train de dévaler la pente en courant pour essayer de maîtriser un minimum la chute. Mais bizarrement ça me va. C’est une sensation étrange, mais en même temps un peu grisante. Je sais que ça va vite, que ça peut mal tourner, mais quelque chose me pousse à rester, à voir où ça va nous mener. Les engrenages semblent si bien huilés, je ne veux pas gâcher cette belle mécanique. Oh… Je réalise que c’est cette sensation que j’ai eu en me mettant en couple. Mon caractère joueur qui prend le dessus et se lance dans des paris fous… Je souris. Je dois avoir l’air un peu conne. J’ai déjà un verre de bière dans le nez, si ces messieurs se posent des questions, ils mettront ça sur son compte.
Après une partie catastrophique à cause de nos choppes descendues trop vite, on mange nos pizzas et on finit nos bouteilles devant les premiers films pas prise de tête que l’hôte a à nous proposer. Je sens que je risque d’avoir ma première gueule de bois… je me note mentalement de ne pas oublier le verre d’eau avant le dodo. Affalés sur le canapé, on se retrouve dans la configuration la moins logique si on s’en tenait à nos passifs : moi entre les deux mecs. Très vite, je comprends un peu pourquoi. Je suis devenue leur oreiller accoudoir. Ils sont tellement pétés et crevés qu’ils ont posé leur tête sur mes épaules et comatent maintenant, les yeux rivés sur la télé.
La vache. On est tous les trois ronds comme des queues de pelle, et j’ai l’impression d’être la seule encore un peu lucide…
Comment je fais pour me retrouver dans ce genre de situations ?
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