L'Académie de Lu





Pas encore inscrit ? /


Lien d'invitation discord : https://discord.gg/5GEqPrwCEY


Tous les thèmes
Rechercher dans le texte ou le titre
Expression exacte
Rechercher par auteur
Rechercher par type de défi
Tous les textes


PseudoMot de passe

Mot de passe perdu ?


Putain de destin...

(par Louloutre)
(Thème : MĂ©lilĂ©mots 2)



Je ne sais pas pourquoi j’ai fait ça, à la base. J’en avais juste envie.


J’ai mis Margarett dans son étuis, et je suis allée me poser dans un parc. Margarett, c’est la guitare de ma mère, devenue la mienne depuis que je suis la seule à m’en servir. C’est moi qui l’ai baptisée en arrivant à Lille. À la base, je l’avais appelée Gui. Puis Maggie. Puis Margarett. Margarett Tare, j’aime bien.

J’aime les prénoms débiles mais en même temps géniaux. Ceux durs à porter qu’on ne donnerait qu’à des personnages, ou n’importe qui, n’importe quoi qui ne peut pas se plaindre. Par exemple, ma fille imaginaire s’appellerait Summer. Summer Winter. Un prénom impossible à porter au premier degré. Et ses frères, qui pourraient être jumeaux, seraient Automn et Fall.

Je serais une mère imaginaire tellement indigne. Mais j’assume. Ils ne sont qu’imaginés après tout.


J’ai donc pris Maggie, le chemin du jardin public le plus proche, et une place isolĂ©e, Ă  l’ombre. Dire que je ne suis pas bronzĂ©e serait une sacrĂ©e litote : je suis tellement pâle que je n’oses pas me mettre au soleil d’étĂ©. Je suis un homard : quand je cuis, ma carapace devient rouge. Ça tombe mal, je dĂ©teste le homard. Et le crabe. Et… plein de fruits de mer en fait… Sauf les huĂ®tres et les moules ; ça, ça va.


Je suis donc assise sur la pelouse, Ă  l’ombre d’un arbre couvert de ses fleurs printanières. Je porte mon sarouel, avec une tunique simple, et mon pendentif prĂ©fĂ©rĂ© offert par une de mes meilleures amies. Comme d’habitude, je porte des tons sombres qui contrastent avec ma blancheur. J’ai l’air d’une espèce de hippie gothique. Cette pensĂ©e me fait rire. Faudrait que j’essaye d’égayer mon style, un peu, un jour. Je n’aime pas trop les t-shirts imprimĂ©s, je trouve ça pas ouf en gĂ©nĂ©ral ; et des hauts colorĂ©s avec des motifs simples et une coupe sympa, je n’en vois pas de particulièrement transcendants… Mais je m’égare. Ça m’arrive toujours, ça m’énerve un peu.


Maggie, donc, se retrouve dans mes bras. On s’échauffe un peu. Main gauche aux accords : check. Main droite au grattage : check. Voix : Ă  peu près chauffĂ©e. Margarett Tare : accordĂ©e.

It’s showtime !


J’adore chanter. EnvoĂ»ter le public de ma voix, le sentir captif de mes soupirs, se plier aux Ă©motions que je leurs transmets ; c’est un plaisir sans nom. Les petits regards deviennent des private jokes, les sourires viennent approuver la complicitĂ© de la relation si particulière entre l’artiste et son auditoire, et les applaudissement signent la joie que j’ai procurĂ© Ă  des gens dont j’ignore tout.

Et lĂ , dans un endroit calme au retour des beaux jour, on nage en plein bonheur. Le cadre est idĂ©al pour remplir mes conditions de reprĂ©sentations sauvages. Je fais vraiment ça comme ça, c’est totalement improvisĂ©, sur un pur coup de tĂŞte. Les gens passent, certains s’arrĂŞtent, s’assoient, cherchent Ă  discuter (je leur fait gentiment savoir que, oui, on me dit souvent que j’ai une belle voix, non, je ne suis pas professionnelle, je ne veux pas ĂŞtre payĂ©e, et je ne suis pas intĂ©ressĂ©e pour prendre un verre, non je ne sais pas jouer cette chanson, je suis en train de chanter, donc ta g… profite ou dĂ©gage, mais laisse moi tranquille, monsieur, on ne se connait pas, non, pas de photo s’il vous plaĂ®t… faudrait que je pense Ă  me dessiner un petit panneau avec des règles, la prochaine fois…) ; des enfants supplient leur parent de rester pour Ă©couter “la dame qui chante du Disney” et gueulent les quelques paroles qu’ils connaissent avec moi. C’est trop mignon.


J’aime cette attention. C’est tout ce qu’il me faut : ĂŞtre au centre de la scène, mais en mĂŞme temps ne pas avoir les projecteurs braquĂ©s sur moi. Juste donner un moment d’intimitĂ©. Après tout, si je n’avais pas Ă©tĂ© lĂ , j’aurais fait la mĂŞme chose dans ma chambre. La seule diffĂ©rence, c’est qu’ici j’ai la motivation d’entamer une sorte de jeu de sĂ©duction. Je ne dois pas seulement me faire plaisir ; je dois aussi plaire. M’aimer, aimer ce que je fait pour ĂŞtre aimĂ©e des autres.


J’ai presque plus d’idĂ©es, je prĂ©viens que c’est la dernière et je pars. Il faut donc bien choisir le dernier souvenir que je laisserai. J’ai dĂ©jĂ  prĂ©sentĂ© mon rĂ©pertoire d’Imagine Dragons, donnĂ© mon medley de Disney, proposĂ© quelques chansons irlandaises et explorĂ© quelques airs mĂ©diĂ©vaux… MĂŞme si ce ne sont plus les mĂŞmes gens devant moi, et que certains assurent que je peux rechanter certaines chansons, je ne suis pas d’humeur Ă  me resservir la mĂŞme soupe. Puis j’ai l’illumination. Je sais ce que je veux chanter. Une chanson française ! Voyons… Les feuilles mortes, c’est un peu trop triste de se quitter sur la mer qui efface sur le sable les pas des amants dĂ©sunis ; Les amis de monsieur, on va Ă©viter de gĂŞner les parents qui se sentiront obligĂ© d’expliquer Ă  leurs enfants les subtilitĂ©s des paroles… Oh… peut-ĂŞtre… ? Allez.


Je commence.

Voilà combien de jours, voilà combien de nuits…

Arf… j’ai pas pris les meilleures notes… Je recommence le morceau ; je dois m’y reprendre Ă  plusieurs fois pour placer le capodastre afin de ne pas me retrouver dans mes graves inconfortables. Ça fait rire mon public. Je ris avec eux ; j’ai mon temps, et ça nous permet de rester un peu plus ensemble.

On est bon, je reprends pour la troisième fois.


Deux nouveaux arrivants débarquent alors que j’entame le premier refrain. Nos regards se croisent.

Ah…

Dis… quand reviendras-tu ? Dis, au moins le sais-tu…

Merde. Barrez-vous.

Je continue la chanson un peu maladroitement, en me cachant derrière mon masque de passion. Ça semble passer ; le trouble a Ă©tĂ© dissimulĂ©, l’honneur est sauvegardĂ©. Mission accomplie, cerveau ! Ils restent jusqu’au bout, applaudissent. Je remercie le public ; les inconnus partent, et eux, ils ne bougent pas.

“Salut, Louise. Ça va ?”

Ouaip, merci de demander… Ça va tellement bien que je croise par hasard mes deux anciens amants dans le dernier lieu où je m’attendais à les trouver. Mon premier amour et mon dernier coup en date réunis… Deux amis qui ont décidé de se promener et qu’un destin joueur a fait passer dans le coin.

Merde merde merde merde merde.


What. The. Fucking. Hell ?!

Comment on est passĂ© de “salut, ça va ?” Ă  “tu veux passer la soirĂ©e avec nous ?” en si peu de temps ? Et comment je me suis laissĂ©e convaincre ? Comment on s’est laissĂ© convaincre ? Je me retrouve un peu malgrĂ© nous Ă  les accompagner. Je m’attendais Ă  ce qu’au moins un des deux se montre rĂ©ticent, mais mĂŞme pas ; il n’a rien dit quand l’autre m’a invitĂ©e. Et voilĂ  qu’on se retrouve au magasin Ă  Ă©cumer les rayons de boissons avant d’aller se trouver un endroit sympa pour emporter de la bouffe !


On se retrouve dans le petit appart du Vieux Lille, une pizza et une bouteille d’alcool chacun. Ce soir, le programme, c’est League of Legends, picole, films, et dĂ©connade. Comme au bon vieux temps. Comme avant. Trois bouteilles, ce sera au moins le minimum pour que la soirĂ©e se passe au mieux, j’imagine. Surtout qu’on est concrètement que deux à… supporter est un bien grand mot… apprĂ©cier l’alcool ? Ă€ en consommer en tous cas… Et vu comme on le tient, ça promet.


Ça fait plus d’une heure que j’ai l’impression d’être tombée d’une falaise et d’être encore en train de dévaler la pente en courant pour essayer de maîtriser un minimum la chute. Mais bizarrement ça me va. C’est une sensation étrange, mais en même temps un peu grisante. Je sais que ça va vite, que ça peut mal tourner, mais quelque chose me pousse à rester, à voir où ça va nous mener. Les engrenages semblent si bien huilés, je ne veux pas gâcher cette belle mécanique.

Oh…

Je réalise que c’est cette sensation que j’ai eu en me mettant en couple. Mon caractère joueur qui prend le dessus et se lance dans des paris fous… Je souris. Je dois avoir l’air un peu conne. J’ai déjà un verre de bière dans le nez, si ces messieurs se posent des questions, ils mettront ça sur son compte.


Après une partie catastrophique à cause de nos choppes descendues trop vite, on mange nos pizzas et on finit nos bouteilles devant les premiers films pas prise de tête que l’hôte a à nous proposer. Je sens que je risque d’avoir ma première gueule de bois… je me note mentalement de ne pas oublier le verre d’eau avant le dodo.

AffalĂ©s sur le canapĂ©, on se retrouve dans la configuration la moins logique si on s’en tenait Ă  nos passifs : moi entre les deux mecs. Très vite, je comprends un peu pourquoi. Je suis devenue leur oreiller accoudoir. Ils sont tellement pĂ©tĂ©s et crevĂ©s qu’ils ont posĂ© leur tĂŞte sur mes Ă©paules et comatent maintenant, les yeux rivĂ©s sur la tĂ©lĂ©.


La vache. On est tous les trois ronds comme des queues de pelle, et j’ai l’impression d’être la seule encore un peu lucide…


Comment je fais pour me retrouver dans ce genre de situations ?














Faucheuse

Simple, mais ça permet de te comprendre un peu mieux.


Le 09/04/2021 à 17:57:00



Eskiss

J'ai adoré. Dès le début, on sent que c'est 100% toi, ça m'a fait sourire de retrouver tout ce dont tu as pu nous parler. Les concerts en publics, les ex qui se ramènent (encore eux !). Et la situation un peu absurde à la fin... on a envie de savoir comment on se dépêtre de ce genre de situation x)


Le 09/04/2021 à 18:00:00



JilanoAlhuin

Comme Eskiss, j'ai beaucoup aimé le texte Lou x) Au début, j'ai quand même eu un sourire qui est apparu car ça m'a fait un peu rire au fond. On te reconnait. Le texte est aussi bien écrit. Voila j'ai pas grand chose à dire de plus, mis à part que j'ai pas vu de faute de syntaxe ou d'orthographe.


Le 09/04/2021 à 18:11:00



Elbaronsaurus

ça prend la forme d'un premier chapitre de roman. On s'imagine suivre sur 200 pages l'histoire de cette fille qui s'installe à la sauvage pour donner un peu de magie. Ta description des réactions des gens est hilarante ^^. Pour la suite la rencontre, la soirée, tout est bien détaillé, ce que tu ressens, l'état dans lequel vous êtes, ça s'enchaîne parfaitement. C'est vraiment le premier chapitre d'un roman où le lecteur va attendre de savoir ce qui va advenir de ces trois personnages. Bravo. J'ai beaucoup aimé.


Le 09/04/2021 à 18:12:00



Vic

Très cocasse comme situation et très bien racontée !


Le 12/04/2021 à 11:40:00

















© 2021 • Conditions générales d'utilisationsMentions légalesHaut de page