Un ballet mortel
(par Ar_Sparfell)(Thème : MĂ©lilĂ©mots 2)
— Missiles en approche. Je rĂ©pète, Missiles en approche !
Lena, les yeux concentrés sur un point à l’horizon balaya l’annonce d’un geste agacé de la main.
— Je rĂ©pète, ils arrivent !
— Oui, oui, c’est bon ! J’avais compris la première fois ! s'Ă©nerva-t-elle.
— Ouai bah t’avais pas l’air ! grogna la voix mĂ©tallique Ă travers les enceintes du cockpit.
Pour autant, elle ne bougea pas. Le corps tendu, les mains posées sous la verrière, elle fixait toujours son regard au loin.
Entre la chaleur infernale qui régnait dans la machine et le stress ambiant, sa peau halée était moite de sueur.
— Je voudrais pas avoir l’air pressant, mais les missiles se rapprochent ! C’est QUAND TU VEUX !
— Encore quelques secondes ! glapit-elle d’un ton sec.
— Elles vont pas s'envoler ces falaises ! Par contre, ces missiles, eux, volent beaucoup trop vite !
Elle chassa la sueur qui coulait le long de son front bronzé, embrumant ses yeux. Sa langue claqua de frustration et elle lâcha brusquement.
— Ho et puis mer…
— LANGUAGE ! vocifĂ©ra la voix dans l’enceinte.
— ...credi… se reprit-elle. J’allais dire mercredi !
— Ho et hein, Ă d’autres ! Je te connais moi !
Lena se rassit profondément dans son siège et empoigna le manche à balai. Elle pressa quelques boutons d’une main experte, souleva un levier, et tira le manche.
Comme une machine parfaitement réglée, les pales au-dessus de sa tête réagirent immédiatement. L’hélicoptère fit un bond gracieux et passa sur le flanc.
Dans le cockpit vibrant de toute part, plusieurs alarmes sonores se déclenchèrent. L’appareil n’avait pas été conçu pour tenir dans cette position. Mais la pilote savait ce qu’elle faisait.
— Fais les taire veux-tu ! lança-t-elle, les dents serrĂ©es par la manĹ“uvre dĂ©licate. J’ai pas besoin d’un rĂ©veil matin qui me dise que le sol n’est pas lĂ oĂą il devrait ĂŞtre !
— Je fais ce que je peux ! Mais ces alarmes sont lĂ pour une bonne raison tu sais !
— Ferme la ! Ou plutĂ´t, rends toi utile et dis moi oĂą ces fichus miss…
Mais elle ne termina pas sa phrase. Elle n’avait pas besoin de l’aide de son partenaire. Elle les voyait à l'œil nu.
La voix s’était tue également, concentrée par la mouvement périlleux qui allait se jouer dans les prochaines secondes.
Les missiles se rapprochaient. De plus en plus. Lena pouvait désormais apercevoir leurs formes oblongues, leurs empennages anguleux, leurs trainées brûlantes.
— MAINTENANT ! hurla-t-elle, alors qu’ils n’étaient plus qu'Ă quelques mètres des pales de son hĂ©lico.
Dans un battement de cœur, la machine se retourna sur le dos, laissant filer les missiles juste sous son rotor. L’appareil continua sa volte, en apesanteur, et lâcha un nuage de leurres métalliques derrière lui. Ce nuage se répandit comme une traînée de sable au-dessus de l’hélico qui piquait désormais vers le sol à toute vitesse.
Les missiles à tête chercheuse, désorientés par l’apparition inopinée de tant de cibles potentielles, hésitèrent, ralentirent, puis finirent par exploser en plein vol. Loin de Lena.
Celle-ci sentit le souffle de l’explosion dans son dos, mais ne broncha pas. Ils n’étaient pas encore sauvés.
L’hélicoptère se rapprochait en effet dangereusement du sol en contrebas. Toutes les alarmes du cockpit hurlaient désormais, vrillant les oreilles de la pilote.
Mais Lena nageait dans son élément. Elle était pilote, elle avait été formée pour ça, elle maîtrisait sa machine comme personne. Elle reprit le contrôle de l’appareil et, s'arc-boutant sur le manche, elle parvient à retrouver sa direction initiale.
— WOU-HOU ! hurlèrent les enceintes de l’appareil. C’est pas passĂ© loin cette fois !
Elle lâcha un petit rire nerveux. Non, c’était pas passé loin.
— Tu vois, tu avais tort de t’inquiĂ©ter, je nous ai sorti de lĂ . Encore une fois.
— TU nous as sorti de lĂ ? Laisse moi rire ma mignonne ! ricanèrent les enceintes. Qui est-ce qui a fourni l’effort hein ? Qui est-ce qui a fait cette petite volte de toute beautĂ© ?
Lena sourit, mais ne répondit pas. Elle passa la main sur les commandes devant elle, dessinant du bout des doigts la plaque nominale vissée sur le tableau de bord.
Soudain sougeuse, elle murmura.
— On forme une belle Ă©quipe, hein mon Ar.
Différents voyants s’illuminèrent sous ses yeux, et les alarmes se modulèrent étrangement, comme si l’appareil réagissait physiquement à ses paroles.
— On forme une belle Ă©quipe, Lena, confirma l’hĂ©licoptère au travers des enceintes. On est des battants toi et moi.