— Et vous ĂŞtes ? derrière ses petites lunettes en fer, le vieillard, assis, levait Ă  peine les yeux sur le nouvel arrivant.

Le jeune homme en face de lui secoua la tĂŞte. Regarda Ă  droite puis Ă  gauche. Non non, il lui parlait bien Ă  lui.

— Heu…Dubois, Jean Dubois

— Et allez, encore un qui se prend pour James Bond…

Le vieillard soupira, puis plongea le nez dans un grimoire titanesque.

— Heu, excusez-moi…mais vous ĂŞtes qui en fait ? osa demander Jean d’une petite voix timide.

Le vieillard feuilletait les pages du livre comme s’il cherchait un passage précis.

— Je suis Charon, mais ça vous devriez dĂ©jĂ  le savoir puisqu…à voilĂ , j’ai trouvĂ© le paragraphe Ă  votre nom ! s’exclama-t-il en pointant du doigt un passage. Alors attendez que je lise…blah blah…marié…enfants…ingĂ©nieur…mais ça on s’en fout…à voilĂ , la partie pĂŞchers ! VoilĂ  qui est intĂ©ressant. Alors…ho lĂ  là…bah dis donc, ça c’est une liste !

— Comment ça la partie pĂŞchers ?! le coupa Jean qui commençait sĂ©rieusement Ă  se poser des questions. Mais c’est quoi cette histoire-lĂ  ? D’oĂą vous connaissez toute ma vie ? Et je suis oĂą lĂ  ?

Charon releva la tĂŞte et le contempla par-dessus ses lunettes.

— C’est bon ? Tu as fini ?

Jean inspira, puis expira. Il avait besoin de réfléchir.

— DĂ©jĂ , vous ĂŞtes qui ? Parce que pour moi, Charon, c’est un type de la mythologie qui est…

— …aux enfers. Oui c’est ça.

Le calme olympien du vieillard ne rassurait pas du tout le jeune homme.

— Mais alors vous ĂŞtes…balbutia Jean, dĂ©semparĂ©. Enfin je suis…enfin ici on est…

— aux enfers ? C’est bien mon grand, le railla Charon, tu as mis presque 5 minutes Ă  rĂ©aliser que tu Ă©tais mort !

— Je suis mort ?! Mais pourquoi je suis aux enfers ?

Voyant très bien qu’il ne pourrait pas continuer sa lecture, Charon se renversa sur sa chaise de bureau et son visage émacié se fendit d’une grimace moqueuse.

— Tu pensais que tu aurais le droit d’aller au Paradis peut-ĂŞtre ? rĂ©pondit-il d’un ton mielleux. Que tu pourrais te faire biberonner par Dieu tous les matins ? Nan mais t’as vu ta liste de pĂŞchers ?!

— mais je pensais que…balbutia Jean, dĂ©sormais complètement paniquĂ©.

— Mais tu pensais rien du tout en fait. Rassure-moi, pour la gĂ©nĂ©rositĂ©, ton animal totem c’était Picsou ?

— Nan, mais je…

— Nan mais rien du tout. Avec un CV comme le tien, t’as dĂ©jĂ  de la chance si tu te rĂ©incarne en oursin ou en Ă©toile de mer !

Avec une lueur d’espoir, Jean haussa les sourcils

— Parce qu’on se rĂ©incarne ? Je vais pas rĂ´tir en enfer ?

Charon le regarda de haut en bas, puis explosa d’un rire glaçant.

— Mais quel idiot ! Bien sĂ»r que non qu’il y a pas de rĂ©incarnation ! Ha tu verrais ta tĂŞte ! Évidemment que tu vas rĂ´tir en enfer ! Ha elle est bonne celle-lĂ  ! Je m’en lasserais jamais !