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Eskiss![]() Spectacles![]() ![]() ![]() Aller-retour en enfer(par Eskiss)« Equipe C, au portail ! On a un client à ramener ! » Branle-bas de combat, grincement des chaises qu’on repousse. La salle de repos se vida peu à peu dans le claquement des rangers de combat sur le sol en béton. Ne resta bientôt plus qu’une jeune femme brune, allongée sur un canapé, le bras sous la tête, les yeux dans le vague. « Tanya, bouge ton cul, faut qu’on aille s’équiper ! » Dans un geste indolent, celle-ci se releva et s’étira comme un chat, décochant au passage un sourire moqueur au sergent qui vient de l’apostropher : « Oh allez Ralph, on a le temps… après tout le client est déjà mort, qu’est-ce qui peut lui arriver de pire ? » Elle éclata de rire. Son vis-à -vis ne broncha pas et se contenta de lui indiquer la porte d’un geste du poignet. Elle haussa les épaules, ramassa sa queue de cheval en un chignon serré et sortit.
Ses pas la menèrent vers l’armurerie où le reste de son équipe était déjà en train de se préparer. Elle donna une claque à Ivan, rigola à une blague d’Anna et s’approcha de son box. Son armure l’y attendait, combinaisons aux couleurs ternes ouverte dans le dos, aux plaques de blindages éparses. Elle se déshabilla rapidement, ne gardant que ses sous-vêtements et sa médaille de Saint-Christophe, son totem personnel, et se glissa les jambes par-devant dans l’armure. Une grande inspiration et elle passa les bras puis la tête dedans. Ses yeux ne rencontrèrent que l’obscurité et comme à chaque fois elle ne put s’empêcher de sentir un frisson d’appréhension l’envahir. Dans un ronronnement, les servo-moteurs se mirent en branle et la combinaison se resserra, s’ajusta à ses proportions comme une seconde peau. Puis des bruits plus métalliques, une succession de claquement quand les plaques de l’armure se mirent en place pour la recouvrir entièrement et soudain elle vit à nouveau. Elle grimaça, ne se faisant toujours pas à la lumière jaunâtre filtrée par son casque.
Tanya sortit du box avec précaution, veillant à ne rien endommager. Les autres étaient déjà équipés, elle entendit des rires quand elle activa le canal de communication. Un geste de Rodolphe, le capitaine de l’équipe, et ses onze membres le suivirent au pas, chacun s’emparant au passage d’un fusil d’assaut. La jeune femme s’assura mécaniquement que les chargeurs étaient pleins et en glissa quelques-uns dans la réserve de sa combinaison. Elle vérifia d’un œil que son stock de grenades 273 était suffisant – 33, il faudrait qu’elle pense à se réapprovisionner pour la prochaine mission. « Equipe C, on va au portail je vous fais le briefing sur le chemin »
Ils sortirent dans le couloir dans le grincement des armures de combat, leurs pas Ă©branlant le sol en bĂ©ton. Tanya se concentra, surtout quand des techniciens ou des membres d’une autre Ă©quipe les croisèrent dans les couloirs – elle ne se rappelait que trop bien le jour oĂą elle avait Ă©crasĂ© un pied par mĂ©garde, une rĂ©gĂ©nĂ©ration musculaire complète pour lui, une retenue sur salaire pour elle et les moqueries pendant un bon mois. « Bon, rapide rĂ©sumé : notre client s’appelle Boris Ivanov, 47 ans. Un magnat du pĂ©trole, il paraĂ®t. Il est mort il y a vingt minutes, ça fait donc 20 heures qu’il est de l’autre cĂ´tĂ©. Selon nos estimations, il devrait ĂŞtre au niveau un, encore en attente de jugement. On a de la chance, selon mes informations une Ă©quipe allemande vient de faire sortir une vingtaine de personnes — Vingt personnes ? Mais c’était qui ? — Un avion d’un gouvernement qui s’est crashĂ© en mer. Trois ministres et toute leur clique. Ca a foutu un sacrĂ© bazar lĂ -bas, j’ai entendu dire les Allemands Ă©taient plus de cent Ă intervenir, et vous savez Ă quel point ils dĂ©testent qu’on vienne rĂ©cupĂ©rer plusieurs personnes en mĂŞme temps. Donc ça doit ĂŞtre un carnage après leur passage, ce qui veut dire moins d’agitation de notre cĂ´tĂ©. »
Le linteau du portail brillait d’une lumière rouge sourde, sanglante. Au centre, l’air était trouble, déformé, comme si la porte générait une chaleur qui distordait ce qui l’entourait. Ce qui était le cas, d’ailleurs. Et donc était la meilleure façon d’accéder là où ils le souhaitait. Ils s’alignèrent chacun d’un côté de la porte, deux colonnes de quatre, chacun vérifiant une dernière fois son matériel. Rodolphe leva la main vers un technicien, qui leva son pouce en l’air. Le portail flamboya. « Go, go, go ! Allez les gars, on se retrouve en Enfer ! » Ils éclatèrent de rire et disparurent à sa suite.
Ce qui surprenait toujours la première fois qu’on allait lĂ -bas, c’était la chaleur. MĂŞme avec la clim de son armure Ă plein rĂ©gime, Tanya sentait une tiĂ©deur moite l’envahir. Des mouches noires volètent autour de son casque, elle les chasse du revers de la main, se met en position de combat. Rien Ă signaler, que des montagnes vermeilles, des arcs titanesques de matière organique s’élevant jusqu’au plafond, loin, hors de portĂ©e du regard, des appendices biscornus plantĂ©s de façon disparate sur le sol spongieux. Elle grimace, fronce le nez par rĂ©flexe mĂŞme si elle sait que sa combinaison est complètement Ă©tanche. Rien qu’à voir ce qui est dehors, elle se doute bien de l’odeur fĂ©tide qui règne ici. « Mikhail, Olga, Lena et Piotr, vous sĂ©curisez le portail. Les autres, avec moi. » La jeune femme suit pas Ă pas son supĂ©rieur, les yeux Ă l’affut du moindre mouvement hostile. Ils passent une colline, aperçoivent au loin un ensemble de bâtiments Ă l’architecture dĂ©mente, des escaliers menant au vide, des fenĂŞtres donnant sur d’autre salles, sans queue ni tĂŞte. « Hostile Ă trois heures. — TrinitĂ© toute sainte, aie pitiĂ© de nous. — Ta gueule Nina, tu vas pas nous faire tout le paragraphe non plus ! On se concentre, s’il bouge, on tire. » Tanya esquissa un sourire. Quand on avait Ă©tĂ© biberonnĂ© depuis son enfance Ă la religion, dur de garder son sang-froid face au genre de crĂ©ature qu’elle pouvait maintenant nettement distinguer. Une paire de cornes, un pelage dru, des plaques d’os, un corps dĂ©formĂ©, des yeux jaunâtres Ă l’intelligence maligne et cruelle, une langue dardĂ©e dans leur direction. Un dĂ©mon.
Il ne semblait pas vouloir s’approcher d’eux. En s’approchant, elle ajusta sa mire sur lui. Rectification. Il ne pouvait pas s’approcher d’eux. Son corps s’arrĂŞtait au niveau du bassin, des moignons Ă©clatĂ©s lui faisant office de jambe. Elle entendit Ivan Ă©clater de rire : « Ils l’ont pas ratĂ© dis donc les Allemands ! Ça ressemble Ă une mine ça, ils ont dĂ» venir avec l’artillerie lourde. » Cette impression se confirma quand ils s’approchèrent un peu plus des bâtiments. Des corps mutilĂ©s jonchaient le sol, de toute taille et toute forme, leur chair bouillonnant pour essayer de les rĂ©gĂ©nĂ©rer. L’un d’eux, un petit ĂŞtre aux longues oreilles et aux crocs pointus, essaya de se jeter sur eux. Rodolphe leva nonchalamment son fusil et les balles explosives dĂ©chiquetèrent son corps qui retomba lourdement au sol. Tanya jeta un Ĺ“il en passant Ă cĂ´tĂ©. Les blessures Ă©taient dĂ©jĂ en train de se refermer, le dĂ©mon serait de nouveau sur pied d’ici quelques heures. « Hey Nina, tu savais que les Ă©toiles de mer c’est comme les dĂ©mons ? Ça peut se rĂ©gĂ©nĂ©rer mĂŞme si on lui coupe un membre il paraĂ®t. Bon le problème c’est que ça repousse plus gros. — Super, Ivan, dommage que tu sois pas une Ă©toile de mer alors, on sait ce que tu voudrais qu’on te coupe. » lança Rodolphe d’une voix acerbes, dĂ©clenchant une franche hilaritĂ© au sein de l’équipe. « Bref, l’épisode animalier Ă©tait intĂ©ressant mais maintenant on approche du jugement. On y va, on l’extrait, on repart, ok ? — Oui capitaine ! »
Une marée humaine les attendait au pied des bâtiments, semblant patienter pour une raison inconnue au pied des marches menant au sein du plus imposant. La place était envahie par les cris, les sanglots et les râles des démons qui passaient à travers les rangs pour assener de violents coups de griffe. Tanya cligna des yeux trois fois et son affichage bascula en mode tactique : un point de lumière verte s’afficha devant elle. Leur cible. Elle leva son fusil en entendant les cris des créatures s’amplifier en les apercevant. Il y allait avoir du grabuge. Ils traversèrent la foule à coup de fusil, les balles explosives creusant des trous de la taille d’un poing dans la chair des démons tentant de s’interposer. Quelques coups de crosses suffirent à repousser les humains qui tentaient de s’accrocher à eux. Elle coupa son micro externe, lassée de leurs supplications. Tous voulaient retourner à leur corps, leur vie tranquille. Mais peu étaient les élus – enfin surtout peu étaient ceux qui pouvaient se le permettre. Le point vert s’accentua, grossit, jusqu’à cerner une silhouette, celle d’un petit homme bedonnant qui afficha une grimace en les voyant s’approcher. Rodolphe lui fit signe : « Boris Ivanov ? » L’homme hocha la tête. Le capitaine leva le poing et Sofia sortit du rang avec une petite boîte. Elle tourna quelques boutons, s’approcha de leur client. Dans un sifflement, celui-ci se volatilisa, aspiré par la boîte.
« On a le client, on dégage ! » Ils repartirent en sens inverse, courant à travers la foule, n’hésitant pas à écraser les humains se mettant sur leur passage. Après tout, ils étaient destinés à souffrir, alors ce n’est là qu’avancer leur supplice éternel. « On est suivi, y’a une meute derrière nous, capitaine. » Tanya se retourna. Un groupe de cerbères aux yeux rougeoyant les poursuivaient, la crête osseuse déchirant leur dos ondulant au rythme de leur course effrénée. « Tanya, grenade, on va s’en débarrasser d’un coup. » Elle acquiesça, leva le bras et actionna son lance grenade. Une dizaine d’entre elles jaillirent de son arme et retombèrent sur les démons, explosant sans un bruit. Les jambes de leurs poursuivants se brisèrent nets, leurs corps suivants en bouts épars. -273 degrés, pour une bête à la température thermique supérieur à cent degrés, aucune n’y résistait. Elle lâcha quelques rafales sur les têtes qui la regardaient encore par bonne mesure et rejoignit son escouade.
Les abords du portail étaient calmes, quelques corps tentaient tant bien que mal de se régénérer à proximité et Piotr s’amusait à tirer sur des harpies qui volaient haut dans le ciel. En apercevant Rodolphe, il s’arrêta de suite. Sans un regard, le capitaine s’engouffra dans le portail et ils le suivirent un par un. Ils ressortirent dans la salle de contrôle encore fumants et transpirants, du sang maculant leurs armures. Un technicien se précipita vers eux, récupérant la boîte contenant Boris Ivanov. Tanya soupira en s’étirant et en se dirigeant vers l’armurerie. Pour lui une nouvelle vie allait commencer, dans un nouveau corps cultivé dans une cuve en attente d’un accident de ce genre. Pour elle, la journée se poursuivrait, rythmée par les incursions au royaume des Morts. Elle entendit les membres de son équipe se lancer des piques, l’histoire de l’étoile de mer faisant rapidement le tour et c’est finalement Lena qui eut le dernier mot : « Pfff... je vous jure, quelle journée infernale. ».
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