Témoignage
(par Eskiss et Rukul)(Thème : DĂ©fi de Faucheuse 2)
La salle est bondée et bruyante. Les gens bavardent entre eux, lançant à intervalle régulier des regards vers l’accusée, assise bien droite dans son box. La trentaine, le mention fièrement relevé, elle regarde droit devant, les yeux dans le vague, comme si ce qui se passait ne la concernait pas. Comme si elle assistait à une réunion des plus ennuyeuses.
Le procureur rentre alors dans son box, tape de son maillet :
“Silence dans la salle, je vous prie. La séance va reprendre.”
Les bavardages se taisent peu Ă peu, laissant la place Ă un silence attentif.
“Bien. La parole est à la défense, qui souhaite présenter un témoin.”
Il adresse un signe Ă un huissier :
“Faites entrer M.Dubois.”
Un petit homme brun rentre, le regard nerveux. Il pose ses mains dont il essaie tant bien que mal de contenir le tremblement sur la barre de son box.
Maître Roux prend alors la parole :
“ Bonjour Monsieur. Vous êtes bien monsieur Eric Dubois, français, employé municipal dans la commune de Martinville ?
— C’est...c’est bien moi.” rĂ©pondit le tĂ©moin en se tordant les mains, mal Ă l’aise.
— Vous jurez sur votre honneur de ne dire que la vĂ©ritĂ© ici ?
— Oui... je le jure.
— Très bien. D’oĂą connaissez vous madame AnaĂŻa Martin ?
— Et bien… je la connais surtout parce que je travaille souvent vers chez M.Potdevin. Je passe le balai sur le trottoir devant sa maison tous les mardi et j’ai dĂ©jĂ vu cette dame en sortir plusieurs fois. Je ne les connais donc pas vraiment, enfin que de vue, mais je me souviens bien d’elle, surtout, parce qu’elle porte toujours une Ă©charpe colorĂ©e très particulière. Ca m’avait attirĂ© l’oeil la première fois que je l’avais vu.
— Et le jour oĂą M. Potdevin a Ă©tĂ© retrouvĂ©, vous n’avez rien remarquĂ© de particulier ?
— Non… j’ai commencĂ© Ă balayer en dĂ©but d’après-midi, comme d’habitude. J’entendais de la musique qui venait de chez M.Potdevin, je crois il faisait du piano. Ca s’est arrĂŞtĂ© et quelques minutes après, j’ai vu la dame sortir de l’immeuble. Je crois c’était vers… 15h, oui c’est ça je me souviens j’étais pressĂ© parce qu’il y avait Federer contre Nadal Ă 16h et j’étais pressĂ© de rentrer chez moi.
— Étrange. Lorsque M. Potdevin a Ă©tĂ© retrouvĂ©, la porte d’entrĂ©e de sa maison Ă©tait fermĂ©e. Et les fenĂŞtres de sa maison, vous souvenez-vous de comment elles Ă©taient lorsque Mme Martin en est sortie ?
— Elles Ă©taient ouvertes, ça j’en suis sĂ»r. On entendait très bien le piano. A chaque fois que je venais elles Ă©taient ouvertes, sauf l’hiver. Et encore, mĂŞme en octobre je me souviens je les avais vu ouvertes.
— Et avez-vous vu Mme Martin fermer la porte Ă clĂ© ?
— Je ne sais pas, je l’ai vu elle Ă©tait dĂ©jĂ dans la rue. Mais j’ai vu la tĂŞte de M.Potdevin par la fenĂŞtre, donc je pense pas qu’elle ait fermĂ©.
— Donc M. Potdevin Ă©tait vivant quand Mme Martin a quittĂ© la maison ?
— Je pense. En tous cas je suis sĂ»r l’avoir vu Ă l’étage. Mais je sais pas s’il allait bien par contre. Et puis je suis parti vers 15h30.
— Merci M. Dubois. Vous voyez M. le juge, M. Potdevin Ă©tait vivant quand Mme Martin a quittĂ© la maison.”
Le témoin sortit du box avec un soulagement visible, s’essuyant le front avec sa manche. Nul doute que la séance lui laisserait un souvenir des plus marquants.
Ce témoin n’aura probablement pas convaincu intégralement les jurés. Pense l’avocat de la défense. J’espère que le procureur n’aura pas des preuves plus solides à m’opposer. Celui qui a tué M. Potdevin était retors, et a parfaitement orienté les preuves vers ma cliente.