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Défi de Schrödinger (trois images)
Eskiss
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![]() ![]() This is the final countdown(par Eskiss)« T’es sûr qu’il y a vraiment une porte là -haut ? » Il se retourne avec agacement, ses tresses blondes balayant son dos : « Emma, puisque je te dis que je l’ai vue ! Et c’était une bleue. Alors faut qu’on se dépêche de grimper cette foutue tour. » Puis levant son regard acier vers le ciel « Déjà six heures… les bleues ouvrent à huit heures normalement. Ça devrait le faire » La jeune fille à ses côtés pousse un soupir puis passe une main dans ses boucles rousses : « Fallait vraiment que ça soit en haut de ce genre de… mausolée perdu type enfer vert ? » Il hausse les épaules, réajuste son sac à dos et reprend sa marche, sans attendre de voir si elle le suivait. Il l’entend galoper pour le rejoindre et se calquer sur son rythme. Leurs pas résonnent dans la tour en ruine qui s’élève vers le ciel. Enserrée de mille vrilles grasses qui semblent tout autant saper la structure que la maintenir en équilibre, elle est la réplique parfaite de ses dix sœurs dressées dans la plaine d’où ils sont arrivés la veille. Ils avancent avec précaution, esquivant avec lassitude les multiples trous qui parsèment le chemin. La fatigue pèse sur leurs membres engourdis. Ils ont dû passer la précédente nuit à marcher pour pouvoir traverser à temps. Mais ils ne peuvent pas plus s’arrêter aujourd’hui. Le ciel le leur interdit.
Après deux heures de marche pĂ©nible et de combat contre les vĂ©gĂ©taux qui les laisse ensanglantĂ©s, ils dĂ©bouchent enfin sur le sommet de la tour. Une brise acre les enveloppe. Elle tousse, l’odeur de pourriture est trop forte. Lui se contente de pincer le nez et son regard s’illumine quand il aperçoit la porte. Elle est lĂ , brillant d’une Ă©tincelante lumière bleutĂ©e. D’un bois clair, elle se dresse fièrement, rutilante, ses gonds brillants et son loquet en ivoire Ă©tincelant, seul Ă©lĂ©ment que le temps et la moiteur n’a pas altĂ©rĂ©. Comme si mĂŞme la corruption qui empuante l’endroit n’avait pas su l’atteindre. Emma la voit Ă son tour et ses lèvres s’écartent en un large sourire « Jean, on l’a fait ! T’avais bien raison, une porte bleue ! ». Il ne peut s’empĂŞcher d’esquisser une moue en la voyant si joyeuse. MĂŞme après plusieurs annĂ©es Ă voyager de porte en porte, elle est toujours aussi Ă©merveillĂ©e en les dĂ©couvrant. Lui se sent plutĂ´t soulagĂ©. Ils sont arrivĂ©s Ă temps. Il jette un coup d’œil vers le ciel « Huit heures passĂ©es, je pense qu’on peut y aller. Il nous reste un peu de temps, mais autant prendre de l’avance. » Elle acquiesce et appuie avec dĂ©licatesse sur le loquet. Sans un grincement, la porte s’ouvre, rĂ©vĂ©lant un monde aux couleurs Ă©clatantes. Elle s’y engouffre sans hĂ©sitation, sautant avec agilitĂ© le seuil. Il la suit d’un pas tranquille, se contentant de l’enjamber puis de refermer avec douceur le battant derrière lui. La dĂ©bauche de couleurs vives qui les entoure contraste avec l’univers sombre et Ă©touffant qu’ils viennent de quitter. Pas une colline, pas un arbre, pas un grain n’échappe Ă son arc-en-ciel personnel : vert Ă©meraude, rose bonbon, bleu turquoise, sans aucune logique apparente. « On dirait…. Un gros gâteau colorĂ© ! » s’émerveille Emma. Soudain, elle s’accroupit et ramasse un caillou puis le porte Ă sa bouche. Tente de le mâcher. Et le recrache immĂ©diatement. « Pouah ! C’est pas du tout du gâteau ! » Elle plante ses yeux Ă©meraudes dans les siens, y guettant le rire qui la faisait frĂ©mir, le rire d’avant, avant la fuite. Elle n’y trouve qu’une Ă©tincelle qui s’éteint rapidement, remplacĂ©e par son regard soucieux habituel. Avec un soupir, il lui tend la main et l’aide Ă se relever, puis se tourne vers le ciel. « Seulement dix heures pour se tirer d’ici ? Ça se raccourcit. Il y a une semaine on trouvait encore des mondes Ă plus de trente heures. — Mais on en a aussi trouvĂ© un avec plus de soixante heures restantes Ă une Ă©poque oĂą il n’y avait rien de plus de quarante, donc ça peut remonter, non ? Et puis… » Le ton de sa voix s’assombrit : « C’est pas comme si on avait le choix, non ? » Il se contente de presser avec douceur son Ă©paule, puis se dĂ©tourne et fixe l’horizon, Ă la recherche d’un indice pouvant indiquer la prĂ©sence d’une porte. Sans succès. Pas de lumière Ă©tincelante Ă part celle de l’astre sanglant qui illuminait ce monde. Il finit par lâcher avec lassitude : « Allez, en route ».
« Jean ! Une porte ! Là ! » Emma s’élance et sprinte vers une porte d’un noir absolu, incongrue au milieu des collines arc-en-ciel. Il la suit à petite foulées et l’examine avec prudence. Le battant est fendillé et le loquet, rouillé. Rien à voir avec la porte précédente. Et, plus que tout, elle exsude une aura sombre qui le fait frémir. Il fait signe à la jeune femme de reculer : « On peut pas y aller. Tu le sens pas, toi ? C’est un monde fini. » Elle s’écarte de quelques mètres supplémentaires et reserre ses bras contre son torse. « Alors derrière… il n’y a… plus rien ? » Il se contente d’un non de la tête, ne peut s’empêcher de frissonner à nouveau en repensant à la terreur qu’il a éprouvé le jour où ils ont ouvert une porte sur le…Néant. Un vide si absolu qu’il déniait même aux rayons de soleil le droit de le pénétrer. Un froid pénétrant qui les avait fait chanceler, même à l’extérieur de ce monde. Et pourtant, au sein de cet océan ébène, des filaments bleutés flottaient, paresseusement. Préludes à quelque chose d’autre ? A une renaissance ? Il n’avait pas cherché à en savoir plus et avait brutalement claqué la porte. L’expérience les avait laissé transis, allongés sur le sable. Il avait voulu fermer les yeux, oublier, ne plus fuir, abandonner. Un désespoir profond l’avait envahi. A quoi bon ? Mais elle l’avait enlacé, fort, et il avait réussi à trouver dans cette étreinte le courage de se relever. A repartir. Encore. Toujours. « Allez Emma, faut qu’on y aille. On sait pas quand on va en trouver une autre. Faut se dépêcher. »
Ses coups d’œil vers le ciel sont de plus en plus fréquents au fur et à mesure que le temps s’écoule. Rien ne vient briser la monotonie du paysage. Une fois habitués aux couleurs de l’univers qui les abrite, ils en sont venus à maudire ces collines minuscules qui ne font que briser leur rythme et boucher leur vue. A chaque fois qu’il arrive au sommet d’une nouvelle, il fouille l’horizon. A chaque fois, ses espoirs sont déçus. Et l’horloge continue de tourne. « Jean… il reste quarante minutes… t’es sûr que t’es pas aveugle en fin de compte ? » Elle essaie de plaisanter, mais les tremblements de sa voix révèle qu’elle aussi a peur. Si peu de temps. Il accélère le pas, se met à trottiner, cherchant avec désespoir un indice, quelque chose qu’il aurait raté, une touche de couleur différente des autres, là … du rouge ! Un rouge fade, presque délavé « Une porte ! » Elle s’élance et le dépasse à toute vitesse. Il la voit de loin esquisser une petite danse, embrasser le battant. Il se sent soulagé. Une porte rouge, c’est un monde qui a encore plusieurs jours, voire semaines devant lui. Ils vont pouvoir se reposer. Enfin. Soudain un doute l’étreint. Il lève les yeux, sent son cœur s’arrêter. Hurle « EMMA ! Ouvre-la porte ! Rentre ! »
Elle cesse de danser, le regarde avec surprise, lève à son tour la tête, pousse un cri et, empoignant le loquet, ouvre la porte. Derrière, des tertres parsemés d’une herbe bleue, quelques arbres rachitiques. Il court à son tour, pestant contre son sac, s’époumonant : « Emma ! Vas-y ! M’attends pas ! Je te rejoins ! » Elle hésite, les pieds sur le seuil, il croise son regard. Terrifié. Hésitant. Cinquante mètres. Ses poumons brûlants, son cœur battant à en exploser ses côtes. Quarante mètres. Sa respiration affolée, ses oreilles qui bourdonnent. Trente mètre. Un gong qui résonne. Il comprend. Vingt mètres. Il hurle à nouveau « EMMA ! ». La voit s’engouffrer dans la porte, le supplier du regard. L’entend crier à s’en déchirer les cordes vocales, scander son nom. Encore. Et encore. Vingt mètres. Dix mètres. Le dernier coup de gong. Et, dans un claquement sinistre, la porte qui se referme. Il s’écroule au sol. Incapable de le croire. Deux ans de fuite ininterrompue. Pour ça. Pour rater une porte à quelques secondes. Et abandonner Emma. Il se sent vide. N’a plus la force de pleurer. Alors il se relève, époussète son pantalon, et, sans un regard pour son sac gisant au sol, se dirige vers la colline la plus proche.
Allongé sur le sol, il laisse son regard s’imprégner du ciel vermeil de ce monde qui a signé sa perte. Emma. Seule, perdue dans un autre monde. Elle survivra. Elle a le matériel, la connaissance. Elle retrouvera la sortie un jour. Peut-être qu’elle réussira enfin à rencontrer des fuyards, comme eux ? Impossible qu’ils aient été les seuls à s’échapper si longtemps. Il ne veut pas le croire. Il ne reste plus qu’une minute. Là -haut l’immense horloge dorée dont les aiguilles ont sonné son glas est toujours là . Elle les a accompagnés depuis le début de leur périple. Le décompte s’affiche en lettre argentées au-dessus. Cinquante secondes. Tout avait commencé par ce compte à rebours, apparu par surprise un jour. Il leur donnait alors deux mois. Ils avaient compris qu’il fallait fuir. Quarante secondes. De porte en porte, de monde en monde, il avait diminué. Ils avaient repéré des traces de vie, aperçu des cabanes vidées de leurs habitants. Ils n’étaient donc pas les seuls en exode. Trente seconde. Avec un rictus, il observe le petit lapin blanc à redingote qui trône à côté de l’horloge. Il a ajusté son costume et sort une baguette de sa poche. Vingt secondes. Il l’agite soudain à la manière d’un chef d’orchestre et dans un bruit déchirant, la terre explose. Un nuage coloré s’éleva paresseusement vers le ciel, bientôt rejoint par de multiples panaches similaires, ocre, roses, émeraudes, d’immenses sacs de couleurs qui se jettent à l’assaut du firmament au fur et à mesure que le grondement s’intensifie, si fort qu’il se recroqueville et se bouche les oreilles.
Dix Le voyage était si beau. Neuf. Encore un peu. Huit. S’il vous plait Sept. Pourquoi ? Six. Pourquoi moi ? Cinq. J’ai peur. Quatre. A l’aide. Trois. Emma. Deux. Emma. Un. EMMA ! |