Fascination
(par Eskiss)(Thème : DĂ©fi d'Elinor)
Le premier jour ça n’avait été qu’un coup d’œil.
Le second, pas une heure ne passant sans que mes yeux s’attardent sur elle.
Le troisième jour, je ne pouvais plus en détacher mon regard.
Non content d’habiter mes pensées le jour, elle ne tarda pas à envahir mes nuits, hantées par sa longue tresse brune, ses grands yeux noirs, sa robe de tulle légère. Son sourire rêveur sur ses lèvres carmin. La grâce de ses jambes, l’élégante courbe de sa nuque, de son épaule. Ses mains fines, qu’elle tendait vers le ciel. Son ruban bleu, rehaussant la couleur de sa chevelure. Tout en elle m’enchantait et m’émouvait à la fois.
Je voyais mes vingt-trois camarades en ricaner quand il me surprenait à regarder dans la direction du palais, se moquant que je puisse la préférer à la soubrette blonde aux yeux clairs qui l’accompagnait, mais je les ignorais. Et puis, ce n’est pas comme si j’espérais quelque chose, c’était une bien trop grande dame pour moi, belle, bien installée alors que je n’étais qu’un misérable éclopé. Et ma vaillance ou mon sourire ne pouvaient rien contre la dure réalité. Alors plutôt que souffrir un rejet, je me contentais de l’observer au loin, la laissant m’habiter chaque jour un peu plus.
Mon cœur brulait et je me décidais alors ; je ne pouvais me contenter de l’admirer il fallait que j’aille à sa rencontre. Mais alors que je prenais mon courage à deux mains, une vilaine créature surgit comme un démon sorti de sa boîte « Je t’ai vu, petit être, tu l’observes matin et soir… gare ! Cela pourrait te faire souffrir, que ton regard cesse de s’égarer ! Retourne donc avec tes camarades, cela vaut mieux »
Mais je fis la sourde oreille, ma décision était prise et qu’est-ce qu’une voix pour un cœur embrasé ?
Alors la créature rentra dans sa tanière, en lâchant un dernier avertissement : « Attends jusqu’à demain et tu verras ! »
L’aube pointait déjà , il était trop tard pour l’aborder mais je me promis que demain, demain je lui parlerai. Quoique qu’il en coutât, je le devais. Au diable les petites voix sournoises qui me promettaient souffrance et chagrin, au diable la prudence : sous son regard j’étais invincible et pour elle j’étais prêt à tout.
Presque à tout. Car face à la bourrasque qui m’emporta je ne pus rien faire et, dans un hurlement muet, je tombais.