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Malkym![]() Spectacles![]() ![]() ![]() Jouer avec le Feu(par Malkym)Certains moments de votre vie ont la facultĂ© de se graver au centre de votre tĂŞte, et de vous hanter chaque jour comme le vieux refrain d’un sonnet perfide. Quand ils reviennent en vous, vous ne pouvez que les subir et fermer les yeux, en priant les uniques pour qu’ils s’effacent enfin une bonne fois pour toutes de votre esprit, et cessent de vous tourmenter. Longtemps, j’ai priĂ©. Longtemps, je me suis, chaque jour, rendu dans les temples de granit pour implorer la misĂ©ricorde des tout-puissants. Longtemps, j’ai portĂ© des montagnes jusqu’aux totems d’Irpra, Mendir et Suptop. Longtemps, j’ai joint mains et gestes pour ĂŞtre entendu. Mais prirent-ils un jour la peine d’écouter mes suppliques, de faire disparaĂ®tre ces souvenirs funestes de mon esprit ? Jamais. Et ainsi, Ă chaque lever de soleil qu’Irpra m’accordait Ă©tait une nouvelle apparition de ce moment, dĂ©chirant, torturant, brĂ»lant et infernal. Tout n’avait pourtant pas commencĂ© ainsi… *** C’était une fin de Mendas des plus communes. Aux abords des quais de la citĂ©, la soirĂ©e Ă©tait d’une douce fraĂ®cheur automnale. Je la contemplais, près de ma fenĂŞtre ouverte, les yeux rivĂ©s sur l’ocĂ©an qui faisait face Ă notre maison. Le bois sec des fondations et de la fenĂŞtre contrastait merveilleusement avec l’air iodĂ© des fragrances marinières, Ă©maillĂ©e de fortes odeurs de rhum, sans doute l’apanage des dĂ©bardeurs. Non loin, près de la rive, j’observais un oiseau, une mĂ©sange me sembla-t-il, rentrer Ă son nid, le bec serti de quelques brindilles, tiges sèches et petits bois. De quoi sans doute Ă©toffer un peu l’abri douillet, oĂą quelques crĂ©atures duveteuses semblaient gazouiller une interminable mĂ©lodie, rĂ©clamant Ă ĂŞtre biberonnĂ©s. Mon père, un homme haut et droit aux traits sĂ©vères, ferma la fenĂŞtre, qui fit paraĂ®tre une Ă©trange lumière violacĂ©e, et tapa du doigt les pages jaunies de son dantesque ouvrage. Un barbant recueil de lois aussi passionnantes que celle concernant le contrĂ´le de l’étiquetage du transport de la viande bovine dans les pays germains, ou encore la double règle des non-dit des combats clandestins dans les ruelles et sous-sol de moins de quarante-deux mètres carrĂ©s. Et, fils d’aristocrate Ă la place enviĂ©e, il Ă©tait Ă©videmment de mon devoir d’en apprendre la moindre page, au mot près, Ă la plus petite virgule visible. C’était d’un ennui tout bonnement mortel. « Allez, Donatien. Cesse un peu de bayer aux corneilles et… — Aux mĂ©sanges, le repris-je distraitement. — … de bayer aux mĂ©sanges, et mets-toi un peu au travail ! — Maman n’a pas encore prĂ©parĂ© le dĂ®ner ? — Non, pas encore, mais ne change pas de… — Oh, s’il-te-plaĂ®t ! Laisse-moi faire Ă manger, Papa ! En plus, tu dis toujours que je serais digne des cuisines du Roi lui-mĂŞme, insistai-je. — Mmmh… mĂ©dita-t-il dans sa maigre barbe. Très bien, très bien ! Lis ce paragraphe— ci, et tu seras libre de mijoter notre festin de ce soir, d’accord ? — Oh merci, Papa ! L’embrassai-je, dĂ©butant une lecture, bien trop hâtive, des quelques lignes ennuyeuses. » SitĂ´t cette bribe d’apprentissage terminĂ©e, je galopai sur le vieux plancher tapissĂ© jusqu’à notre grande table de repas, non loin de notre cheminĂ©e froide. J’y jetai quelques nuages de farine avant d’aller chercher le faisan salĂ© que mon père avait laissĂ© Ă la cave, une semaine auparavant. Je le rĂ©cupĂ©rai dans un gros tonneau de sel, quand mes narines furent intriguĂ©es par la forte odeur d’alcool qui Ă©manait de quelques draps au centre de la pièce. Papa ne se laissait pourtant que bien rarement tentĂ© par la boisson, mais je supposai que c’était sans doute lĂ le cadeau d’un de ses amis haut placĂ©s, que l’on recevait de temps Ă autre, et m’en retournai Ă ma cuisine. Je roulai la viande salĂ©e dans la poudre blanchâtre et fis glisser avec adresse la cruche d’huile dans mes mains pour en asperger un plat, laissant par mĂ©garde quelques filets gras imbiber le plancher sec. Rien de bien grave sans doute, j’espĂ©rais alors simplement que Maman ne me tirerai pas les oreilles pour cette maladresse. Mais c’est quand on parle du loup qu’il accoure, et ainsi, ma mère et ma sĹ“ur rentrèrent en trombe dans la maison. Elles revenaient d’un petit tour en ville, et Maman posa un pain croustillant sur la table de bois farineuse. Jester courut de derrière ses jupons jusqu’à moi et failli me faire basculer de mon tabouret en me secouant en tous sens pour que je l’écoute. « Dona’, Dona’, Dona’, Dona’, Donaaa’ !! Me rĂ©pĂ©ta-t-elle Ă tue-tĂŞte. — Quoi, quoi, quoi, quoi, quoooi ? — Regarde ce que j’ai trouvĂ© avec Maman en marchant près des quais ! — Oooh… Mais c’est une très jolie Ă©toile de mer, ça ! Tu sais qu’on dit que c’est le puissant Suptop lui-mĂŞme qui les dĂ©tacherait du ciel pour nous les offrir ? Lui contai-je en approchant le plat huilĂ© de la cheminĂ©e. — Ne lui raconte pas ce genre d’idioties, Donatien, me demanda ma mère. — Quoi ? Les histoires et les lĂ©gendes doivent bien ĂŞtre transmises quand-mĂŞme, souris-je en tentant d’allumer le bois, humidifiĂ© par je-ne-sais-quoi. — Elles n’ont plus lieu d’être, contredit mon père. Les Ă©toiles de mer sont des animaux marins, Jester. Rien Ă voir avec les Ă©toiles des cieux, qui sont chacune un lien Ă©troit liant un ĂŞtre humain aux divins par la foi que l’on leur porte. — Dans ce cas, puissent les divins m’aider Ă allumer ce fichu petit bois... » Et pour une fois dans ma vie, sans doute la seule, les uniques semblèrent m’écouter. Une Ă©tincelle jaillit de mes allumettes, tomba sur le bois qui s’embrasa immĂ©diatement d’un puissant feu, presque surnaturel ! Les flammes me jaillirent au visage, me brĂ»lèrent et fondirent toute la partie gauche du crâne. Avec un hurlement, le plat d’huile dĂ©sormais bouillant m’échappa des mains et le liquide gras s’embrasa au sol, dĂ©vorant le plancher, le trouant jusqu’à laisser entrevoir la cave ! Ma mère prit immĂ©diatement Jester dans ses bras et fonça jusqu’à la porte d’entrĂ©e pour tenter de fuir notre maison, devenue un vĂ©ritable four. Pourtant, elle eut beau pousser, frapper, hurler Ă la porte de bois, celle-ci ne bougea pas d’un pouce, bloquĂ©e de l’extĂ©rieur par qui ou quoi ! Mon père s’empara de mes Ă©paules pour me conduire jusqu’à la fenĂŞtre, les dents serrĂ©es en voyant le visage dĂ©figurĂ©, calcinĂ© et fondu de son hĂ©ritage. D’un puissant coup de coude, il s’attaqua au verre des carreaux qui sembla alors absolument incassable. Ă€ chaque coup qu’il tenta de lui porter, une onde violette longea notre fenĂŞtre qui s’embua, tant la chaleur de la maison Ă©tait insoutenable ! De la magie ! BientĂ´t, les flammes se rĂ©pandirent partout dans la pièce, dĂ©truisant bibliothèques, tables, chaises et poutres de bois, lĂ©chant trop vite les murs, les grimpant en fragilisant la structure de notre nid en dĂ©composition. Le bois craqua de toute part dans les murs, au plafond, les poutres de ce dernier se fracassèrent au sol, transperçant le plancher, emplissant notre cave de dĂ©bris, de braises ardentes ! Mon père entrevit alors la pile de draps imbibĂ©s d’alcool, sous le sol. Ses yeux s’écarquillèrent et, ce n’est qu’à ce moment que je le compris… PiĂ©gĂ©s. Nous avions Ă©tĂ© piĂ©gĂ©s dans notre propre demeure ! Le feu ne cessa de corrompre le bois, qui Ă©tait autant de façons pour lui de se nourrir, de s’amplifier. Une poutre craquante se dĂ©logea du plafond au-dessus de ma mère ! Dans les hurlements communs de toute la famille, implorant Ă pleins poumons noircis l’aide d’un Ă©ventuel miracle, Maman jeta Jester Ă travers la pièce alors que le bois consumĂ© s’effondra sur elle, dans plus de cris de douleur. Je la vis se consumer, hurlant sa torture et son intense souffrance, voyant ses vĂŞtements disparaĂ®tre en fumĂ©e, sa peau se rougir en fondant de sa chair ! Mon visage Ă moitiĂ© consumĂ© fut pris Ă son tour de cris traumatisĂ©s, implorant mon père d’aller aider ma mère agonisante dans les dĂ©bris ardents. Il me regarda, les larmes aux yeux, Jester entre ses bras… Il nous serra tous deux contre lui, dĂ©muni, assiĂ©gĂ©, alors que les cris de ma mère ne se firent plus entendre dans les craquements infinis de notre nid. Notre maison tombait en lambeaux, devenue un vĂ©ritable brasier dĂ©composé ! Une planche embrasĂ©e se dĂ©tacha de nouveau du plafond et sombra dans la cave oĂą elle vint frapper de plein fouet les draps mouillĂ©s. Une colonne de flamme tout bonnement titanesque s’en Ă©leva en rĂ©pandant une forte odeur de rhum dans la pièce, qui vint se mĂŞler aux miasmes de chairs calcinĂ©es et de charbons ardents ! Ă€ cette odeur alcoolisĂ©e, mon père Ă©carquilla de nouveau ses yeux avec un air de dĂ©solation. Il savait pertinemment ce qui Ă©tait sur le point d’arriver. Il s’agenouilla près de nous, dos au brasier et nous protĂ©gea de son corps en pleurant toutes ses larmes, ne cessant de nous dire Ă quel point il nous aimait. Enfin, les vapeurs d’alcool s’embrasèrent, Ă©teignant dans le souffle de son explosion nos derniers et vains espoirs de vie, en dĂ©composant tous les murs contre lesquels Jester et moi fĂ»mes plaquĂ©s, voyant notre père disparaĂ®tre dans cette dernière envolĂ©e, rĂ©duit Ă l’état de poussière par la toute-puissance des flammes ! Ma sĹ“ur et moi fĂ»mes projetĂ©s Ă travers les quais, les dĂ©bris de notre maison fumant devant nos yeux mouillĂ©s et rĂŞvant Ă un cauchemar. Je restai au sol, bouche bĂ©e, simplement incapable de faire faillir le moindre son de ma gorge, les larmes glissant inlassablement Ă mes joues, s’écoulant sur les pavĂ©s des quais. Puis une pensĂ©e s’empara de mon esprit. Jester ! Qu’était-il advenu de Jester ?! Je me relevais Ă la hâte pour m’enquĂ©rir de son Ă©tat. Partout sur le quai, impossible de la retrouver ! Regardant tout autour de moi, je crus enfin l’apercevoir. Le souffle l’avait projetĂ©e plus loin, entres les dĂ©bris fumants dans l’eau salĂ©e. Ce cauchemar, malgrĂ© toutes mes espĂ©rances, n’était donc pas encore terminé ! Sans aucune hĂ©sitation, je plongeai dans l’eau, rosĂ©e par les flammes des dĂ©bris. Le sel me crispa les nerfs, pĂ©nĂ©trant ma peau meurtrie, mon visage dĂ©composĂ©, mais je ne faiblis pas et nageai Ă en perdre haleine jusqu’à ma sĹ“ur immobile. Elle ne semblait pas blessĂ©e, mais restait inconsciente. Je la tirai jusque sur une plage non loin, usant de mes derniers efforts pour la placer sur le sable, loin de l’eau et des dĂ©bris. Je la saisis par les Ă©paules, la secouant pour tenter de lui refaire prendre connaissance, de m’assurer de son Ă©tat. « Jester ! Jester, rĂ©veille-toi, s’il-te-plaĂ®t ! Lui rĂ©pĂ©tai-je en gardant l’espoir de sa vitalitĂ©. — … — Jester ! Allez, rĂ©veille-toi ! RĂ©veille-toi, rĂ©veille-toi ! S’il-te-plaĂ®t… J’ai besoin de toi, petite sĹ“ur. — … — J’ai besoin de toi, m’écroulai-je contre elle alors que l’espĂ©rance se faisait de plus en plus rare. — … — Jester… » Immobile, Ă©teinte, elle fut soudainement prise d’un spasme et se mise Ă tousser encore et encore, ravivant ironique la flamme au fond de mes yeux. Je la pris par le bras pour l’aider Ă se redresser, la serrai entres les miens pour lui permettre de recracher ce qui entravait sa gorge. Enfin, quelques morceaux de bois noircis se dĂ©gagèrent de ses poumons et elle reprit pleinement conscience. « D-Dona’, peina-t-elle entre deux toussotements. OĂą est Papa ? » Mon regard se porta sur le brasier de la rue voisine, autour duquel une Ă©paisse foule s’attroupait dĂ©jĂ pour tenter d’en Ă©touffer les flammes. Je suivis la fumĂ©e noirâtre des yeux, montante jusqu’aux cieux qui se teintaient d’un sombre bleu nuit, constellĂ© d’étoiles. Je crois que deux d’entre-elles manquaient cruellement Ă l’appel, ce soir… Les lèvres tremblantes, embuĂ© de larmes, je lui rĂ©pondis. « Je suis dĂ©solĂ©, Jester. Je crois que Papa est… hum… que Suptop lui a accordĂ© une place près de lui. — Il n-n’est plus avec nous ? GĂ©mit-elle. — Non. Il a quittĂ© la citĂ©, petite sĹ“ur. Il a rejoint Papy, Mamie… Maman, tremblai-je Ă ses mots. Il ne manquera jamais plus de rien, et les uniques lui ont donnĂ© une place Ă cĂ´tĂ© d’eux. — Mais… qu’est-ce q-qu’on va d-devenir mainte… s’interrompit-elle pour tousser. — On vivra tous les deux, ne t’en fais pas. Avec de la chance, l’oncle Jorrin pourra nous hĂ©berger un peu. — Avec s-son gros chien qui b-bave ? — Lui-mĂŞme, souris-je pour tenter de la rassurer. — … Dona’, j’ai f-froid… grelotta-t-elle en se serrant contre moi. — Repose-toi, Jester, lui conseillai-je en voyant quelques voisins accourir vers nous. Essaie de dormir un peu, je veillerai sur toi. » Le vieux monsieur Bripan s’approcha de nous et nous couvrit tous deux d’une couverture de laine en nous ramenant vers les quais. Les panaches de fumĂ©e s’élevaient encore et toujours vers le ciel, ne cessant de s’assombrir, quittant bientĂ´t son orange de soirĂ©e pour ne plus se teindre que de noir charbon. *** Le feu, les cris, les odeurs, la mort… Ce soir lointain me hante encore, chaque jour qu’Irpra m’offre. J’aurai beau tout faire pour l’oublier, prier tout mon saoul, supplier ce moment de s’effacer Ă jamais de moi, au fond, je ne suis plus certain de le vouloir. Car j’ai appris une grande leçon, dans l’Enfer que fut ce piège. Ma petite sĹ“ur restera Ă jamais l’unique chose qui comptera Ă mes yeux. FIN.
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