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![]() ![]() Langue morte(par Elbaronsaurus)
— Elles n’iront plus en cours ! Voici la seule et unique dĂ©claration pleine de son sens que ma sĹ“ur m’a tendu tout de suite avant la fin de mon rĂ©cit. Il n’y avait pas Ă en dire plus, Ă converser davantage, Ă tourner en rond. Ma sĹ“ur ne tourne pas en rond, elle file sur une ligne bien droite, bien tracĂ©e, sans aspĂ©ritĂ©, sans nid de poule, sans gendarme couchĂ©, une ligne qui n’a de fin que l’inconnu, l’indĂ©cision, le nĂ©ant des choses qui n’auraient pas encore interagi avec elle. Ma sĹ“ur avance avec des Ĺ“illères. Mais, c’est aussi grâce à ça qu’elle a dĂ» pouvoir survivre et protĂ©ger ses rejetons jusque-lĂ . C’est aussi probablement cela qui l’empĂŞche de se dĂ©faire de la situation dans laquelle elle a dĂ©cidĂ© de s’enfermer jusqu’à maintenant. Elle avait choisi sa position, et n’était pas dĂ©cidĂ©e Ă en changer. — Ne crois-tu pas que tu y vas un peu fort. On pourrait en discuter plus longuement non ? — Discuter de quoi ? Tu viens me dire que les dinosaures se sont Ă©chappĂ©s et attaquent des gens. Nous avions couchĂ© les enfants, il fait dĂ©jĂ nuit au dehors et seule une bougie incandescente disposĂ©e entre nous sur la table en bois Ă©claire le centre de la pièce. Elle a tout de mĂŞme pris le soin de me garder un peu Ă manger et de me faire un cafĂ©. Ne reste que la tasse encore fumante devant moi. — Tu as raison, et je comprends que le danger te fasse flipper, c’est normal. Mais, des solutions seront certainement trouvĂ©es. Ça m’étonnerait qu’Emilien dĂ©cide de ne rien faire. Il tient tellement Ă son nouveau monde. Ce modèle Ă©ducatif qui existe ici doit en faire partie. Puis les filles sont contentes d’y aller, ça les sort de… ça ! Mes yeux se promènent dans la pĂ©nombre. — Ça ! Au-moins, elles ont un toit. Ce n’est peut-ĂŞtre pas le cas de tout le monde. — Oui, c’est vrai, tu as pu leur donner un toit, et il serait dommage de le leur retirer. Tu as bien voulu qu’elles aillent avec les autres enfants Ă l’école finalement, ne le leur retire pas non plus. Elles ont besoin de stabilitĂ©, de se raccrocher Ă des choses qui leur rappellent ce qu’elles ont connu avant. Tu imagines, dĂ©jĂ pour nous, c’est compliquĂ©, mais alors, pour des gamins de leur âge, ce doit ĂŞtre l’horreur, un vĂ©ritable bouleversement. Elles n’ont pas la clĂ©, nos clĂ©s de comprĂ©hension, de rĂ©silience. Elles… ils, tous ces enfants, ils doivent s’adapter eux aussi. Ils vont probablement devoir grandir trop vite, laissons-les encore ĂŞtre des enfants quelque temps. Je vois son regard circonspect. Je ne sais pas si je l’ai perdu ou si elle rĂ©flĂ©chie Ă ce que je viens de lui dire. Ses deux billes d’un bleu glacial entourant la flamme dansante sur sa cornĂ©e me fixent quelques secondes, avant qu’elle n’ouvre Ă nouveau la bouche : — Et, tu proposes quoi ? — Laisse-les aller Ă l’école. Je suis quasiment sĂ»r que d’ici demain le programme aura changĂ©. Des dĂ©cisions auront Ă©tĂ© prises et personne n’aura envie de faire prendre des risques aux gamins. Tu paries combien que demain il n’y aura pas de sortie en dehors de l’enceinte du village ? — Je ne parie pas… — T’as raison, moi non plus, j’aime pas ça en vĂ©ritĂ©. — Et si c’est pas le cas ? — Ce sera le cas, tu verras… — Tu crois encore tout mieux savoir que tout le monde, t’as pas changĂ©. Elle se lève et se dirige vers la porte qu’elle ouvre en grand. Un souffle glaçant pĂ©nètre dans la cuisine/pièce Ă vivre. Elle reste postĂ©e devant, semblant scruter l’au-dehors obscur. La grande cascade fait bruisser son chant laconique au loin. — Si tu as peur, laisse-les y aller, et suis-les. Personne n’est interdit de suivre les classes. — Tu crois que j’ai le temps, (elle n’a pas dĂ©niĂ© se retourner pour me rĂ©pondre), j’ai du boulot moi. J’ai aussi le p’tit qui me rĂ©clame du temps, il me rĂ©clame beaucoup de temps. — Oui, je sais, je sais. Au pire, moi pour l’instant, on ne va pas dire que je croule sous les charges… — C’est le moins que l’on puisse dire ! RĂ©ponse cinglante. La petite gĂŞne passĂ©e, je reprends : — Bon, en attendant, je peux m’en charger moi. Je peux partir accompagner les filles et rester avec toute la journĂ©e. Elles seront contentes en plus que je passe du temps avec finalement. Tu ne penses pas ? — Probablement… — T’en dis quoi ? — J’en sais rien… — Tu ne nous aide pas lĂ ! — Je ne veux pas risquer de perdre mes enfants pour des histoires ridicules d’école. T’as vu l’état de ce qui nous entoure ? Tu penses vraiment que c’est une prioritĂ© « l’école » ? Elle a marquĂ© ce dernier mot de deux guillemets effectuĂ©s avec les doigts. A nouveau retournĂ©e vers moi, elle se tient toujours au niveau du chambranle. Je sens qu’elle se retient de parler trop fort. Les enfants dorment juste Ă cĂ´tĂ©, et si les filles ne sont pas difficiles Ă rendormir, la tâche s’avère plus compliquĂ©e avec le plus jeune. — Evidemment que c’en est une. Rappelle-toi, la stabilitĂ©, c’est important pour elles, grandir. Puis, l’interaction social, c’est primordial, il leur faut aller avec des enfants de leur âge, il faut qu’ils apprennent, qu’ils s’adaptent Ă ce monde, qu’ils deviennent ceux qui vivront, Ă©volueront, donneront une descendance dans ce monde. Tu ne peux pas faire de tes enfants des ermites, des ĂŞtres sĂ©parĂ©s du reste de l’humanitĂ©. Ce serait nĂ©faste pour eux et Ă©goĂŻste de ta part. Je la sens vaciller sur elle-mĂŞme, son corps semble s’apprĂŞter Ă entrer dans une rage qu’elle aura du mal Ă contenir. — Pardon ! Je suis sans doute violent dans mes propos. Je ne veux pas dire que tu es Ă©goĂŻste… tu ne l’as jamais Ă©tĂ©. Mais avoue quand mĂŞme que l’instruction et le fait qu’elles frĂ©quentent des enfants de leur âge est important, primordial. — Sans doute. Elle prend un air renfrognĂ©. — Et que donc tu ne peux pas les empĂŞcher de vivre aussi bien que possible leur enfance. — Oui. — Puis, leur transmettre tes peurs, ce n’est pas la meilleure chose Ă faire. Attention, je ne dis pas qu’il ne faut pas craindre certains Ă©vènements, qu’il n’y a pas de danger dehors. Elles doivent en avoir conscience, et en plus de toi, je crois que l’école le leur prĂ©cise bien. Mais, elles ne peuvent pas survivre en ayant continuellement peur, peur parce que toi tu flippes trop. — J’y peux rien… — Je sais, t’es une mère, ça fait partie de ton rĂ´le de t’inquiĂ©ter. Mais, inquiète-toi un peu plus en arrière-plan. Ta peur ne doit pas devenir le tube de peinture qui colore leur vie. A cette analogie, elle secoue la tĂŞte. Signe que trop de bons mots lui semblent totalement inutiles, voire surfaits. Elle apprĂ©cie les phrases courtes et directes. Pas d’analogie, de comparaisons ou autres images. Ça ne ressemble plus Ă un tracĂ© droit sinon. — Elles vont partir dès le lever du soleil. T’as intĂ©rĂŞt d’être prĂŞt. Elle me dit ça en s’avançant vers la table, capitulant finalement et se rasseyant. — Je le serai. — Tu ne les perds pas de vue. — T’inquiète pas pour ça. — Tu restes avec elle et si tu vois quoi que ce soit d’anormal, tu pars avec elles. — Mais oui ! Elle me fixe du regard encore un instant. — Bon, je vais me coucher, je suis fatiguĂ©e, (elle se lève), n’oublie pas de faire ta vaisselle et ne te couche pas trop tard. — T’inquiète.
Elle finit part disparaitre derrière la porte de sa chambre. Pièce qu’elle partage avec son fils. Je reste seul sur la chaise, accueillant quelques gorgées bienvenues de café encore chaud, alors que l’air du dehors vient chatouiller gentiment mes orteils. Ma sœur a laissé la porte ouverte. La tasse à la main, je me dirige vers l’ouverture et profite de l’air du soir. Les pépiements des chauves-souris résonnent entre les murs des petits baraquements, alors que l’eau s’écoule doucement non loin devant moi. Je réfléchis à la présence des dinosaures non loin de notre secteur. Survilliers-Fosses, c’est à moins de vingt kilomètres. Donc, autant dire que c’est la porte à côté. Le problème avec les animaux, c’est qu’ils ne répondent à aucune loi qu’on aurait envie de leur fixer. Si des dinosaures sont à deux dizaines de kilomètres de notre point, ils pourraient débarquer ici dans deux jours, comme dans deux mois, ou encore, jamais. D’ailleurs, si tous les animaux du parc se sont échappés, où sont les ptérosaures ? On aurait déjà dû en voir voler. Difficile de les rater. Même pour de petites espèces. Rien de comparable n’existe à notre époque. Probable que les grands spécimens piscivores se soient directement dirigés vers les côtes, préférant la Normandie, la Bretagne ou les côtes Landaises à nos forêts et schémas urbains du Nord. Les petits insectivores sont sûrement partis dans des zones boisées laissées à l’abandon, ou encore dans les corps de ferme où bon nombre d’animaux doivent être morts et ont pu attirer toutes les ribambelles d’insectes nécrophages qui se succèdent au fur et à mesure de la décomposition des cadavres. Je n’ose imaginer pour les milliers/millions de personnes mortes et n’ayant pu recevoir de sépulture. Eux aussi doivent avoir leur lot d’arthropodes, de mammifères et autres reptiles sur le dos. Si des ptérosaures spécialisés dans la chasse aux animaux terrestres bien vivants se sont également échappés. Il est à estimé que nous soyons chanceux que personne n’en ait croisé. Ceci-dit, il est peu plausible que des humains en pleine forme se fassent attaquer par des animaux volant de quelques kilos. La seule espèce qu’il aurait fallu surveiller, ç’aurait été Hatzegopteryx. Ce truc fait la taille d’une girafe et possède un bec long comme un humain est grand. Il était prévu que le parc en ait. Etaient-ils déjà présents avant l’ouverture ? Se sont-ils échappés ? sont-ils vivants ? Passeront-ils par ici ? On verra. Je me demande si dans l’instruction qu’on donne aux enfants, on leur parle des différentes nouvelles espèces qu’ils pourraient être susceptibles de croiser. Pas uniquement les dinosaures, mais des animaux qui sans la présence de l’Homme vont avoir l’opportunité d’étendre leur aire de répartition. On a bien croisé un loup sur la route pour Chantilly. Qui sait, peut-être que d’ici quelques années on aura des chevaux devenus plus « sauvages » des bisons d’Europe, des ours… sans parler des myriades d’espèces d’oiseaux qui vont se refaire une santé, les papillons quasi en voie d’extinction qui vont à nouveau pulluler, et tant d’autres. Observant le cours d’eau défiler paisiblement en avant de la maisonnette, la lumière de la lune se découpant dans les vaguelettes, je me prends à penser à ce qui allait changer dans l’éducation des enfants. Notamment la langue. Que va devenir notre langue ? Modifiée ? Avalée par d’autres ? Mixée avec ? Va-t-elle totalement disparaitre ? Que parleront les enfants dans cent, deux-cents, mille ans ? Quand on sait que le latin est une langue qui s’est diffusée en Méditerranée au profit d’un peuple apposant le sceau de sa dominance, avant de petit à petit se diluer, s’associer, se transformer en une multitudes d’autres langues phonétiquement et sémantiquement plus ou moins proches, que restera-t-il de notre pauvre français ? Il serait fou et présomptueux de penser que les langues sont immuables. C’est tout le contraire, elles évoluent. Elles ont leurs propres lois, leurs propres phénomènes évolutifs, et au fil des siècles des mots apparaissent et disparaissent, comme les taxons sur l’arbre d’évolution du vivant qui voient se multiplier les espèces qui les composent, les voient régresser, ou totalement disparaitre, laissant des places vacantes, permettant à d’autres de faire leur place. Qui de nos jours se souvient de mots tels qu’amentifère, cénotaphe, écornifler, linéature ou encore phénakistiscope. Tant de mots dont je me rappelle parce que ma mémoire me le permet, mais qui devenus si désuets qu’ils sont désormais rendus au rang de l’inutilité notoire, empêchant ainsi leur consommation, leur transmission et donc leur persistance. Un métier qui s’éteint, une activité sportive posée au porte de l’oubli, des ethnies qui disparaissent ou se rajoutent à un peuple, un matériel rendu inutile et voilà , les mots nous échappent, disparaissent et ne sont plus reconnus dans leur postérité que dans les textes anciens, les meilleurs dictionnaires et les esprits croupissants des académiciens, quand il y en avait encore. Faudra-t-il peut-être que je repère les mots qui vont disparaitre, que je les annotes, que je reprenne leur définition et que je les rende à mon tour immortels. Une chose est certaine, dans quelques générations, personne ne parlera plus comme aujourd’hui.
Un feulement, le bruit d’un tissu qui se froisse attire mon attention. Mon esprit s’éloigne de sa réflexion et mon regard cherche dans l’obscurité. Il est là , devant moi. Enfin, à plusieurs mètres. Marchant tranquillement le long de la berge. Anima. Dans sa grande toge, ses cheveux se balançant nonchalamment en le suivant. Il ne semble pas m’avoir vu, et je n’ai pas dans l’idée de me faire remarquer. Il continue son chemin, imperturbable. Moi je tiens ma tasse, sans oser l’approcher de mes lèvres, de peur d’attirer son attention. Je ne crains pas spécialement ce type, si tant est qu’on puisse lui attribuer le sobriquet « type ». J’ai juste pour le moment bien d’autres préoccupations. Mais si je peux, un jour, je lui parlerai. Il m’intrigue, ou ça m’intrigue. Je ne sais pas comment le qualifier, « il » comme si c’était un Homme, ou « ça », comme si c’était un être non humain, une chose vivante inconnue, mais d’une intelligence malgré tout plus que certaine. Il se pourrait même que les êtres comme lui soient bien plus intelligents que nous humains. Même si la définition de l’intelligence reste quelque chose d’assez hasardeux, soumise à des qualificatifs et des idées purement humaines. On dira qu’Anima est un être auquel ont pourrait confronter notre forme d’intelligence, tant ce dont il a pu nous montrer se rapproche de nous. Si l’on enlève l’apparition « magique » et tout le mystère qui entoure son être. Si je devait trouver plus étrange qu’Anima lui-même, ce serait l’indifférence totale de la population face à son existence. Je n’ai entendu aucun ragots, pas une discussion fortuite, pas un murmure, rien qui n’indiquerait une forme d’inquiétude, ou de stupeur. Passée la surprise de sa présentation, les gens semblent rapidement être passé à autre chose. Trop d’extraordinaires ces derniers temps ? Des gens bercés à la science-fiction ou au fantastique ? On a bien su faire revivre les dinosaures, alors un humanoïde capable d’apparaitre et disparaitre à volonté, pourquoi pas. C’est là que je comprends. Je comprends que derrière les visages illuminés, parfois souriant, laissant entendre qu’ils sont chanceux d’être encore en vie, d’avoir échappé au virus et aux batailles. Derrière les rires et les conversations enjouées, se cache un manque cruel d’émerveillement. Trop de tout, et la flamme de l’imaginaire s’asphyxie. Ce monde est devenu cynique. Cette histoire fait partie d'un tout plus grand ! |