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![]() ![]() Le renard est dans le poulailler(par Elbaronsaurus)Je venais de passer l’après-midi avec mon neveu. Une semaine après le discours d’Emilien, on ne l’avait plus revu. Je me pose régulièrement la question de savoir comment vit exactement ce mec. Est-il un véritable leader ? Une marionnette ? Un soufflet qui retombe ? Pourquoi se cachait-il ? Je ressassais ces pensées dès que j’avais un moment de solitude. Les rares fois où je n’étais pas sollicité par Thomas, ou son père, ou quand je ne considérais pas qu’il était temps de m’accaparer les enfants de ma sœur. Ma sœur, je la voyais laver le linge... un service qu’elle rendait selon elle. On aurait pu croire que c‘était un moyen comme un autre de ne pas se laisser abattre, mais il apparaissait clairement qu’elle, et d’autres, s’étaient attribués un rang. Pour vrai, je pense qu’ils ont conservé une catégorie sociale dont ils se pensent inéluctablement alloués. Quelque chose chez eux semblait les empêcher de s’intégrer au reste de la population, tous ces gens qui, eux aussi, gardaient quelque part un semblant de vie plus ou moins aisée. Parfois ça paradait. Des gens se faisaient démonstration, apprêtés de la meilleure manière qui leur soit permise, ils arpentaient les jardins, les quelques rues accessibles, les champs, comme temps de nobles jugeant de la pointe de leur menton le travail de ceux qui s’acharnaient à faire de cet endroit un havre de paix. Les différents travaux avaient bon train. En y regardant de plus près, les gens s’afférant aux différentes activités de la communauté, du charpentier au menuisier en passant par la petite aubergiste, ou au responsable de l’accueil des nouveaux arrivants, tous n’étaient pas à cette place par hasard. Tous avaient un niveau d’expertise dans leur domaine. Les aristos de comptoir qui passaient leur temps à ne rien faire n’avaient l’air que d’anciens rentiers bien inutiles dans ce monde trop instable, où la seule qualification qu’ils n’ont jamais eu – faire toujours plus de fric – n’avait plus aucune espèce d’utilité. Ces gens seraient-ils les premiers à disparaitre dans le monde que promet Emilien ? J’ai tout de même réussi à convaincre ma sœur de laisser ses filles partir à l’école. Il y a, comme institut scolaire, des programmes journaliers emmenés par quelques professeurs du monde d’avant qui avaient survécu, ainsi que par un ancien garde champêtre. Terminés les cours ultra théoriques. Tout s’alliait à la pratique. Les problèmes de mathématique se posent au niveau des cours d’eau, les sciences s’apprennent sous les houppiers des grands arbres, l’histoire de France devient un prétexte à l’apprentissage du terrassement, ou du jardinage, l’art plastique devient un moyen de se préparer à construire sa future habitation... Ainsi, en l’espace d’une semaine, mes nièces sont devenues des pro de l’allumage de feu en pleine nature, et presque de parfaites botanistes, capables de savoir reconnaitre certaines plantes salvatrices, ou d’autres bien trop dangereuses. On apprend encore aux enfants à lire et à écrire bien entendu, mais on les prépare surtout à devenir les adultes qui vont vivre dans le monde qui venait de radicalement changer. Les plus vieux suivent des cours de conception d’armes tels des arcs et flèches, des lances, des lassos de cuir, jusqu’aux arbalètes, les raids et regroupements ont aussi eu leur lot de documentations retrouvées devenues utiles, et d’experts survivants, retrouvés, retapés, nourris et enrôlés. L’impression étrange de devoir se préparer à tout moment à une bataille semble gagner les esprits. Aussi, les Hommes qui n’ont pas l’accès à des armes à feu, arborent souvent un long couteau à leur ceinture, ou bien un marteau en plus du burin avec lequel ils travaillent déjà . Pour le moment, il fait bon vivre, même si je n’ai pas l’impression d’avoir encore trouvé ma place dans ce village. J’imagine qu’avec dix ans de restauration derrière moi, j’aurais pu ouvrir un petit dock, histoire d’agrémenter les fins de journée de certains. Encore fallait-il trouver de l’alcool, quoique, ce ne soit pas le plus compliqué avec les différents raids. Le plus complexe, c’aurait été la fabrication de bière artisanale. Il me faut encore y éfléchir.
Nous venions donc de nous promener avec mon neveu. Nous avions traversé le domaine, jusqu’à la grille qui nous sépare de la route pavée qui mène aux anciennes grandes écuries ; ma sœur refusant que je l’emmène plus loin. Nous avions joué au ballon, tandis que la journée battait son plein, le bruit des travaux s’ajoutant aux chants des oiseaux, au clapotis de l’eau, aux arbres grinçants sous le vent et aux différents bavardages des promeneurs. Les quelques heures passées ensemble m’ont autorisé à lui inculquer le terme « tonton », et... j’y suis parvenu, il sait le dire désormais, et il sait qu’il parle de moi en disant cela. Voilà , je suis tonton. Enfin, dans sa bouche d’enfant de trois ans, ça donne plutôt « concon ». Mais je prends quand même. C’est ma petite fierté. Des hennissements de chevaux avaient attiré notre attention. Un ballet durant plusieurs heures de petites troupes venant apparemment faire leur rapport aux soldats qui attendaient à l’entrée du domaine. Les hommes montant les fiers destriers dont les sabots raclaient bruyamment le sol, étaient pour la plupart vêtu de tenues de camouflage, comme celles que portaient les chasseurs de la région, des jeans, de grosses chaussures ou des bottes. Chacun portait un fusil en bandoulière. J’entendis quelqu’un dire qu’il s’agissait des garnisons qui surveillaient les environs, depuis les points stratégiques qu’avait évoqué Emilien. D’anciennes cohortes de chasseurs qui apportaient leur contribution de cette manière. Quelques flics aussi. J’ai remarqué que certains de ces guetteurs étaient assez jeunes, dix ou douze ans tout au plus. Toujours accompagnés d’adultes.
Il est à présent temps de partir. Je dois ramener le petit avant que le soleil ne disparaissent complètement. A présent, il était déjà bien bas dans le ciel, prêt à s’évaporer derrière la cime des arbres et les toits des bâtisses fantômes. L’atmosphère azure se teinte de rose, d’orange flamboyant et à l’est, le bleu marine prend déjà en épaisseur. L’ombre commence à gagner le magnifique damier que composent les pavés déjà conquis par les plantes ligneuses. Une mosaïque de vert, un tapis léger, transperce entre les pierres taillées. Toute la splendeur de ce dessin se dévoilait en plein soleil, donnant un caractère pompéien à la ville désertée. Je prends mon neveu dans les bras ; il commence à être lourd. Je m’avance jusqu’au large chemin caillouteux menant à la grande terrasse. Le pied droit atteignant les premiers graviers, un hennissement s’élève dans l’air. Différent des autres, il semble transmettre l’affolement du cheval dont les sabots semblent vouloir fracasser le goudron au loin. Déboulant au niveau du rond-point qui surplombe le domaine par la voie sud-est, l’animal auburn écumant abat de ses larges enjambées le bitume craquelant, puis les pavés, un homme sur son dos. Le voyant foncer sur les soldats qui se regroupent au niveau de l’accueil, j’en profite pour me faufiler derrière l’une des guérites. Piqué par la curiosité, j’attends, en tendant l’oreille. Mon neveu reste calme, il semble prêt à s’endormir. Tant mieux, connaissant ses problèmes cognitifs, un rien pourrait le contrarier et lui faire piquer une crise de colère. Je sens sa tête basculer contre mon épaule. Je le loge du mieux que je peux, lui faisant reposer sa petite frimousse contre la couverture qui lui sert de doudou. Je m’approche de l’accueil tout en restant dissimulé derrière le mur. Le cheval souffle fortement à plusieurs reprises. Sa respiration résonne à tout rompre. Il est épuisé. Son cavalier descend, tenant les rênes de l’animal. L’homme, de taille moyenne, brun, typé latino tremble de tout son corps en faisant quelques pas vers les militaires.
— Ils sont là ! lâche-t-il soudain, presque en hurlant. — Parlez moins fort. Lui intime le haut gradé que nous avions rencontré à notre arrivée, appuyant son propos d’un geste de la main. Qu’est-ce qui est là ? — Les dinosaures, ils sont là . On a... été attaqué au niveau de Survilliers-Fosses. — Vous êtes de la patrouille mobile ! — Oui... c’est ça... c’est... Il est essoufflé. Reprenant sa respiration, il continue son discours. — C’est... c’était horrible, un vrai carnage, toute ma troupe y est passée... — Prenez votre temps, restez calme et expliquez-nous. — Oui ! Nous étions arrêtés pour la nuit, ma troupe et moi, au niveau de l’ancienne gare. On avait installé notre camp, tout était calme, comme toutes les autres nuits. Nous étions cinq, nous les tournants, on se divise toujours en petit groupe pour couvrir de grandes surfaces... c’est comme ça qu’il a été décidé qu’on fonctionne... — Oui, nous savons bien cela. — Enfin... on s’est installé pour dormir, on s’était régalé avec deux gros lapins qu’on avait eu le jour même. Nous avions effectué une longue route, et jusque-là , rien à signaler, le calme absolu. A part quelques chiens errants qu’on arrive à faire fuir facilement et des chats bien trop agressifs, rien qui ne sorte de l’ordinaire. Mais vous voyez, la nuit, même dans les zones urbaines, on entend la vie, les chouettes, les insectes, les rats qui couinent ou qui grattent, tous ces trucs qui vivent quand nous on dort. (Il s’arrête un instant), Je ne sais pas depuis combien de temps je dormais... mais, un truc étrange m’a réveillé. J’ai eu du mal à ouvrir les yeux, mais quand je me suis rendu compte... je me suis levé en sursaut. Pas un bruit, rien, pas un son, aucun animal. Juste le bruit du vent, c’est tout. Je me suis dit qu’un truc clochait. Vous savez, j’ai déjà regardé des documentaires, et il parait que le silence dans la nature, c’est jamais bon signe. Ça veut dire que les animaux se taisent et s’ils se taisent c’est pour pas se faire remarquer... Il reprend à nouveau son souffle. Les soldats restent suspendus à ses lèvres. — J’ai réveillé mes compagnons en leur demandant de rester silencieux et de prendre leurs armes. Ils ont pas compris au début, j’ai dû leur expliquer. Putain, ils pigeaient pas, ils ont été trop long. Je leur ai dit que c’était calme, bien trop... et que c’était pas normal. Mais voilà , j’ai dû prendre genre une minute, ou deux, pas plus. J’ai juste eu le temps de leur dire que... si on n’entendait pas les animaux, c’est qu’ils se cachaient des prédateurs. Mais quels prédateurs y a ici à part nous à la base ? Enfin je veux dire, quels gros prédateurs... de ceux qui font taire des forêts, ou des villes entières ? On n’a pas pensé aux dino, on n’a pas eu le temps. Au début, je me suis dit qu’il devait y avoir une bande de chiens, ou un truc du genre, un animal échappé d’un oo... il fallait donc qu’on soit prêt à se défendre... mais c’est venu d’un coup, à peine debout qu’on était déjà mort. Les chevaux se sont affolés d’un coup. On n’a pas eu le temps de voir venir. On les avait attaché légèrement, pour pas trop les entraver, ils vont jamais loin s’ils veulent brouter. Ils se sont enfuits en nous passant presque dessus et c’est là que c’est arrivé. J’avais mon fusil, mais j’ai pas pu tirer... un cheval m’a foncé dessus et j’ai été projeté contre un mur. J’ai été à moitié assommé, mais j’ai tout vu. Le ciel était dégagé, la lune m’a permis de voir mes compagnons se faire déchiqueter par deux gros animaux bipèdes. Des trucs monstrueux... putain, je peux pas oublier les hurlements, les os qui craquent, la chair qui se déchire. Y avait des giclés de sang partout. Mais amis sont devenus des pantins, des poupées de chiffon qu’on peut découdre facilement. L’horreur, et moi, j’pouvais pas bouger, j’étais tétanisé... J’me suis pissé dessus putain de merde et je les ai laissé se faire bouffer, devant moi. J’suis un fils de pute merde... — Non, non. Vous n’y pouviez rien. Le gradé garde le silence quelques instant voyant l’homme se mettre à pleurer. Celui-ci finit par littéralement s’écrouler sur ses genoux. Je vois alors un des soldats prendre une chaise et deux de ses compagnons aider le gradé à asseoir le latino. Je devrais peut-être être empathique, avoir de la compassion pour lui et ses défunts compagnons... non, j’ai uniquement ma curiosité et ce furieux côté voyeur qui prennent le dessus sur toute autre émotion, les balayant tel un raz-de-marée auquel rien ne peut échapper. Le gradé s’accroupi devant l’homme sanglotant.
— Comment avez-vous pu vous en échapper ? Les yeux rougis, l’homme relève la tête, ravalant sa salive, et sans doute un bon paquet de morve. — Je... j’ai profité du fait que les animaux ne m’avaient pas remarqué. Je me suis mis à quatre pattes et j’ai longé le mur en restant dans le noir. Ils étaient en train de bouffer, et moi je cherchais à m’échapper, en les entendant se nourrir de mes amis. Putain, ses bruits, tous ces bruits dégueulasses... je les entendais même gronder en dévorant, comme s’ils étaient content de leur festin... putain de lâche que je suis, j’aurais dû prendre le fusil et leur mettre une balle en pleine tête. J’ai laissé le fusil là -bas, je ne pensais qu’à m’enfuir, loin... j’ai réussi à gagner les anciennes voies ferrées et je suis passé de l’autre côté. Je jure devant Dieu que c’est compliqué de passer des barrières sans faire un bruit. Je me suis éloigné le plus possible. J’ai dû marcher jusqu’au petit matin. J’ai trouvé un bâtiment ouvert, et je m’y suis assoupi quelques heures. C’est un cheval qui m’a réveillé. Il était devant en train de brouter. C’était l’un des nôtres. C’est comme ça que j’ai pu rentrer jusqu’ici. J’ai retrouvé le chemin et je suis parti au galop. Va lui falloir du repos au cheval. — D’accord. Désolé pour vos amis... Quel est votre prénom ? — Dany. — Dany, nous tâcherons d’aller récupérer les corps. Il va vous falloir du repos, nous vous guiderons à l’infirmerie et ne vous inquiétez pas pour le cheval. Avant que le gradé ne puisse se relever complètement et donner ses ordres au reste de la troupe. L’homme l’agrippe par le col. — Y avait un gosse ! Beugle-t-il. Y avait un putain de gosse avec nous. Treize ans, vous vous rendez-compte, treize, et dévoré de la plus effroyable des manières. Je ne pourrai jamais oublier ses hurlements. J’espère que vous n’aurez jamais l’occasion de savoir ce que c’est que d’entendre un gosse mourir sous des crocs, d’entendre ses cris déformés par la douleur, le sang qui l’étouffe alors qu’il ne peut se retenir d’hurler alors que ses os craques et que ses organes se déversent... Il n’arrive pas à aller plus loin. Relâchant son emprise, il s’effondre sur le sol. Tous se précipitent sur lui, un brancard est amené. Le gradé donne enfin ses prérogatives. Emilien va être prévenu de la situation. Il me faut rentrer, la nuit tombe. Je pose les yeux sur mon neveu dormant, et seulement maintenant, un large frisson me remonte des lombaires jusqu’à la nuque. Je dois informer ma sÅ“ur, sans déclencher une panique générale. Cette histoire fait partie d'un tout plus grand ! |