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![]() ![]() Dans la diagonale du libre arbitre(par Elbaronsaurus)Nous y voilà alors, à Chantilly. Ville à demi détruite, mais aux habitants toujours debout. Des habitants, ses habitants ? Pas si sûr. Après les quelques instants passés auprès des gardes à l’entrée du parc du château, on nous a invité à suivre un soldat à l’intérieur de l’enceinte. Martin, c’est son nom, jeune caporal sorti victorieux et parmi les moins en souffrance après les attaques qui m’avaient value mes blessures. Chatain, enfin c’est ce que ses quelques millimètres de cheveux laissaient transparaitre, environ un mètre quatre-vingts je dirais, du style addict au sport et aux traits tout juste marqués d’une trop grande gravité pour ses vingt-trois ans, enfin, c’est l’âge que je lui donnais. Bien sûr, il ne nous a pas raconté sa vie. Nous voilà donc à pénétrer à sa suite dans ce décor pharaonique, miraculeusement épargné par les combats, comme si les gens de cette cité s’étaient attachés à protéger ce patrimoine précieux coûte que coûte, stoppant les destructions au niveau de l’arche géante marquant l’entrée de la ville, à tout juste deux cents mètres de notre position. Etrangement, cette pensée laissa un frisson parcourir mon échine, me tirant presque les larmes. Imaginer tant de courage, tant de valeur, c’est bizarre, mais même un mec comme moi, à peu près détaché de tout, ça me touche parfois un peu trop. Dans l’idée, je me suis déjà retrouvé à pleurer devant des reportages montrant des hommes et des femmes défendant des causes humanistes, écologistes, patrimoniales… Je suis une chiffe molle !
— Ça va ? Tu viens pas ? C’était Thomas. Ce petit gars ne m’oublie pas. J’ai l’impression qu’il ne me lâchera plus… — Ah, oh… oui, dĂ©solĂ©, j’étais dans mes pensĂ©es. Je ne m’étais mĂŞme pas rendu compte que j’avais arrĂŞtĂ© tout mouvement afin de regarder l’arche Ă moitiĂ© effondrĂ©e contre l’imposant bâtiment qui la soutenait. — Je crois qu’on devrait suivre le groupe sans trop attendre, t’auras l’occasion de voir tout ça plus tard. Peut-ĂŞtre qu’ils te laisseront y aller. — Ouais, peut-ĂŞtre bien. Allons-y, t’as raison. … et ça m’arrangeait bien, parce que moi non plus.
C’est ainsi que nous avons pu parcourir une partie du parc, longeant les douves encore pleine d’eau… et de carpes. L’herbe autour du large chemin caillouteux avait dû être bien tondue auparavant, mais en quelques semaines et sans entretien, ses têtes folles se balançaient déjà au vent, berçant de leur danse nonchalante et exquise, les cœurs et les yeux de ceux qui s’attardaient à les contempler. Il y avait du monde, du monde partout. Je remarquai que, malgré ce qui avait pu se dérouler ici, les gens étaient vêtus, autant qu’ils l’avaient pu, de manière plutôt propre. Je dirais même, parfois élégante. Cette ville princière tenait à maintenir sa réputation de lieu mondain, depuis le XVIIème siècle. Il faut dire qu’au mois de juin passé, on y courrait encore le prix de Diane, l’une des rencontres hippiques les plus réputée du monde. La ville du Grand Condé et du Duc d’Aumale avait décidé de sauver les apparences et bon nombre d’hommes portaient leurs polo colorés et les femmes arboraient des robes légères aux volutes s’exhibant impunément sous les petites bourrasques du printemps, leurs cheveux parfois dissimulés sous d’extraordinaires chapeaux à plus ou moins large bord. Je me sentais sale à leur côté. Je pense que nous nous sentions tous sales, marchant comme les brigands d’une confrérie de pirates s’étant fait coincée en pleine mer des Caraïbes par l’équipage d’un galion espagnole ou d’un navire de la Royale Navy. A regarder Thomas déambuler devant moi au milieu de la troupe, l’air amusé, les yeux écarquillés devant ce décor totalement absurde au regard de la situation, je l’imaginais sur le pont de notre bateau voguant sur les eaux ensoleillés des mers américaines. S’il avait été pirate, il aurait été mutin. Nous sommes vites arrivés sur le promontoire qu’est la terrasse du Connétable, face à l’accès au château lui-même. La grille toujours levée – je ne suis pas certain qu’elle ait été fermée depuis bien longtemps –, gargouilles et autres statues nous accueillant de leurs mains perdues et de leurs yeux vides, leur pierre grise se laissant déjà envahir par un bataillon de lierres. Le Connétable lui, enfin sa statue, restait perchée sur sa stèle, semblant s’avancer fièrement sur son cheval afin de pénétrer dans l’enceinte de l’édifice. Les plans d’eau du jardin étaient toujours là , mais les fontaines et jets d’eau s’étaient tues. De là , nous avons pu entendre des coups de marteaux et de burins, ou des bruits de scie, des pierres et du bois qui se fend, s’entrechoque, se laisse poser et des hommes qui hurlaient des ordres, et d’autres qui y répondaient en cœur. Derrière les derniers arbres de la forêt que nous avions longé, une agitation foisonnante faisait ouvrage. Le bois clairsemé à cette endroit nous laissant voir les édifices qui se dressaient déjà devant ceux encore en cours de construction. Comment ne les avions-nous pas entendu plus tôt ? La ville renaissait de ses cendres. Vraiment pas croyables les gens d’ici.
— Cette ville n’est pas tombĂ©e, pas encore ! Tonna Martin. Emilien compte en faire le centre d’un nouveau monde. Un centre vivant, culturel, influent, bon. Il a lancĂ© plusieurs appelles, vous devez le savoir maintenant. Il s’attend Ă ce que ce qui reste des gouvernements des pays voisins tentent de le joindre, ou de nous rejoindre. Certains sont dĂ©jĂ ici. Des tractations ont commencĂ©, mais elles risquent de prendre pas mal de temps. Il Ă©tait convaincu le bougre. Et moi, j’avalais ses paroles. Je crois qu’il aurait pu dire n’importe quoi, je l’aurais Ă©coutĂ© de la mĂŞme manière. Il faut que je me calme ! — Des tractations pour ? Interrogea Éric. — Pour ce qu’il appelle « Le nouveau monde ». Celui que nous avons connu est tombĂ©, il faut bien en construire un nouveau. — Quel genre de monde veut-il… — Le meilleur qui puisse ĂŞtre monsieur, le coupa Martin sur un ton plus doux, mais tout aussi affirmĂ©.
Nous avons fini par accéder au château. Dans mes souvenirs, il avait été l’un des endroits majeurs en ce qui concerne l’exposition de toiles datant des différentes monarchies et des derniers empires français. Désormais, il avait été vidé de ses tableaux, de ses objets de valeur, même la grande table de la galerie des Cerfs avait laissé place à des fauteuils rudimentaires, défilant en rang d’oignon tout le long de l’immense pièce mal éclairée. Seuls subsistaient, à ce que je pouvais en voir, les quelques trophées de chasses empaillés et exhibés là depuis des siècles et les candélabres. J’étais convaincu, sans y avoir mis les pieds, que la grande bibliothèque du Duc avait été vidée elle aussi. Qu’aurais pensé Stéphane Bern de tout ça… Est-il encore vivant lui d’ailleurs ?
— A partir d’ici, c’est simple, entonna Martin. Vous vous installez dans les fauteuils, s’il n’y en a pas assez pour tous vous accueillir, vous patientez dans l’entrĂ©e et vous vous assiĂ©rez chacun votre tour au fur et Ă mesure que les autres sont appelĂ©s. Des infirmières vous feront passer une petite sĂ©rie de test afin de dĂ©terminer votre Ă©tat de santĂ©. Il est important pour nous de vous avoir en bonne santĂ© et d’éviter tout Ă©ventuelle suspicion Ă©pidĂ©mique. MĂŞme si la pandĂ©mie semble terminĂ©e, nous ne sommes jamais Ă l’abris d’un rebond, le passĂ© nous l’a dĂ©jĂ dĂ©montrĂ©. Après cela, vous serez tous conduit dans un lieu qui deviendra, au moins le temps qu’il faut, votre nouveau foyer…
Tous installés après le long monologue de Martin, nous sommes passés comme il l’avait dit, chacun notre tour auprès des infirmières, vérifiant caries, maladie de peau, sous nutrition, blessures. On m’a pesé, fait me plier, déshabillé, palpé, observé sous toutes les coutures, jusqu’à me prélever un peu de muqueuse afin de détecter une éventuelle trace du virus M. Ce satané virus qui portait la lettre M comme « Mort ». Ça semble incongru, mais c’est bien là la véritable origine de cette lettre qui affuble la dénomination vernaculaire de ce microbe. On l’avait surnommé M car il tuait, il tuait énormément, violemment, sournoisement. Il est une souche de grippe A, de ce que j’avais eu le temps d’apprendre aux infos au moment où le virus commençait à éclater en Europe. Son véritable nom était HtN3. Au milieu de cette petite pièce sous forme d’infirmerie improvisée, les rudiments de médecine y étaient appliqués dans une ambiance arriérée, usant d’un matériel de fortune et sans flonflon électronique. La seule exception était faite pour la détection du virus, il semblait sinon que l’électricité, même ici, n’avait plus tellement cours.
— Comment procĂ©dez-vous pour le test ? Lui avais-je demandĂ©. — Comme avant la catastrophe. — Il y avait de quoi analyser Ă Chantilly ? — Non, mais il y avait tout ce qu’il fallait dans un laboratoire Ă St-Maur-des-FossĂ©s. On nous les a amenĂ©. — On vous les a amenĂ© ! — Oui, les appelles d’Emilien nous ont Ă©tĂ© bĂ©nĂ©fiques. Quelques semaines après que tout ce soit finalement calmĂ©, des scientifiques et techniciens sont venus avec tout ce qu’il fallait, nous avons toutes les machines nĂ©cessaires ici. — Vous ne vous ĂŞtes pas prĂ©occupĂ© du virus avant ça ? J’veux dire, de notre cĂ´tĂ©, je crois que nous avons fini par ne presque plus y penser. — Je sais bien, au dĂ©part nous avons d’abord pensĂ© comme tout le monde je suppose, Ă retrouver des abris, des proches, des vivres. Nous avons eu de la chance de ne pas retrouver de symptĂ´mes dus au virus Ă ce moment-lĂ . Les conditions sanitaires n’étant pas optimales, il aurait Ă©tĂ© simple pour qu’il rĂ©apparaisse et tue Ă nouveau. — Il est venu et est reparti assez vite. — Il a eu le temps de faire son « travail », c’est un virus avec un très fort impact pathologique, le genre qui arrive comme une bombe, fait des dĂ©gâts très vite et repart se cacher quelque part. — Tout le monde a Ă©tĂ© testĂ© ? — Tout le monde jusqu’à maintenant oui, les diffĂ©rents raids menĂ©s dans certaines villes cibles nous ont permis de rĂ©cupĂ©rer pas mal de matĂ©riel. Mais, il est certain que nous arriverons Ă cours Ă un moment. Sans approvisionnement provenant des usines les fabriquant, nous ne pourrons plus continuer encore longtemps. — Et ensuite ? — Ensuite, il faudra espĂ©rer que le virus reste oĂą il est. Il y eut un silence. — J’avais une sĹ“ur ici… et ses enfants, Ludivine Ollivier, ça vous dit quelque chose ? — Comme ça non, dĂ©solĂ©. Je ne suis pas la seule Ă m’occuper des tests. Il me faudrait fouiller les fiches. Si vous le souhaitez, je pourrai vĂ©rifier après que je me sois occupĂ© de votre groupe, mais je ne pourrai vous dire quoi que ce soit avant demain je pense. — Je prends.
La prise en charge du groupe avait pris plusieurs heures. Et ce n’est qu’à la nuit tombée que nous avons pu nous retrouver au complet dans la cours d’enceinte. Traversant à nouveau la terrasse du Connétable à la lueur des bougies que certains tenaient, nous rejoignions la nouvelle ville en construction. Passant les quelques arbres, nous atterrissions très rapidement sur la place terreuse, dévoilant quelques hauts bâtiments achevés faits de pierres et de bois. Séparés au mieux dans différentes chambres d’une des bâtisses, sur un étage entier, à grand renfort de mouvement de lits d’une pièce à l’autre en fonction des affinités, nous avons pu passer la nuit, profiter de bains chauds et d’une nourriture calorique. En attendant les résultats de nos tests, il nous avait été formellement interdit de quitter notre étage. J’ai bien vu deux femmes passer derrière nous à grand renfort de désinfectant et d’eau de javel. Ça sentait la piscine jusque dans la chambre où je devais dormir avec Éric, Thomas et quelques autres. Un soldat gardait l’accès à notre couloir. Malgré tout, après ces différents traitement qui nous avaient été accordés, je m’étais senti comme purifié, enfin propre. Lavé de tous ces efforts depuis que nous étions partis de notre village. L’esprit soulagé, au-moins pour la nuit qui venait. Satisfait d’avoir atteint notre but sans heurt, nous avons chanté. Ça faisait bien longtemps que je n’avais pas donné de la voix, et il me semble que mes cordes vocales n’ont pas voulu suivre les notes comme je l’aurais souhaité. A vrai dire, je savais que je n’avais jamais été un chanteur, j’ai juste la voix qui porte. Ça pouvait avoir ses avantages.
J’ouvre les yeux. Il fait jour dans la pièce et, me levant rapidement sur mon séant, je me rends compte que tout le monde dort encore. Le concert de cloisons nasales bat son plein, alors que la vie dehors bruisse déjà à travers la fenêtre close. Il fait chaud. Le besoin de respirer me prenant, je me lève aussi délicatement que mon état matinal me le permet et je me dirige vers les battants qui se trouvent juste à côté de ma couche. J’ai besoin d’engloutir, d’humer le vent, de le sentir sur mon visage. J’ouvre la fenêtre qui grince légèrement, je vérifie que personne ne se réveille. Non, ça dort profondément. Je passe la tête et, les yeux clos, je prends une grande inspiration. J’ai la vie qui traverse mes bronches d’un souffle printanier et glacé, activant les pulsations de mon cœur, la chimie de mes cellules et les sensations sur ma peau. Rouvrant les yeux, je me retrouve face à la parcelle de forêt qui a échappé aux grands travaux, un voile de brume s’élevant presque jusqu’à la cime des arbres. Le soleil s’élevant dans la pâleur de l’aurore s’achevant. Les rayons jaune orangé viennent percer le voile, le déchirant par endroit, l’effaçant complètement à d’autres. Ça cancane un peu plus loin, sur ma droite. Je me penche un peu plus. Un groupe de colverts s’affolent en courant maladroitement, se dandinant comme des gauches, leur palmes se trainant dans la terre parsemées de petits cailloux ocres. Ils traversent les arbres, et disparaissent. Je souris niaisement, mais pour une fois, m’en rendant compte, je me laisse faire. Puis, je vois débarquer un retardataire, enfin une, une cane. La petite femelle brunâtre tente de se dépêcher de rejoindre les autres, lançant des regards craintifs derrière elle. Puis battant des ailes, elle finit par décoller et bondir jusqu’à l’entrée de la forêt brisée. Lâchant un dernier « coin » colérique, elle disparait. C’est alors que je vois arriver à grand renfort de rires, un petit garçon. Un petit blondinet accourant derrière l’animal, l’appelant en babillant, « cana..cana…cana… ». Il ne doit pas avoir plus de trois ans. Puis, il fait volte-face. Attend-il quelqu’un ? Sa petite figure se tourne alors dans ma direction et me lâche un grand sourire empli de ses dents de lait et de malice. Mon cœur rate un battement… Cette histoire fait partie d'un tout plus grand !
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