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Malkym![]() Spectacles![]() ![]() ![]() Parmi Nous...(par Malkym)Le gouvernement peut parfois avoir de drôles d’idées, quand il s’agit de faire avancer la Science. Mais parfois, devant mon miroir, quand je regarde cette immonde combinaison orange et les cornes dépassant diablement de celle-ci, je ne pouvais que croire que certaines de leurs expériences n’avaient pour unique but que l’amusement de mes prétendues collègues de la station de recherche, des milliers de kilomètres en dessous de nous.
Leur dernière expérience à ce jour ? Elle consistait, en effet, à nous envoyer, trois de mes « amis » de l’institut de recherche spatiale et moi-même, dans la nouvelle station orbitale que nous venions de mettre au point autour de l’astre que l’on avait baptisé Su-Gnoma 42, en référence à je-ne-sais quel scientifique dont le nom m’était complètement inconnu.
J’accompagnais alors la seule membre de l’équipage avec laquelle j’avais réussi à faire un tant soit peu ami-amie. Elle portait une combinaison semblable à la mienne, mais dont la couleur était le noir. J’avais eu beau me creuser la tête depuis mon arrivée sur la station, je n’avais toujours pas saisi ce que chacune de ces couleurs était censée représenter. L’étrange robe, semblable à celle d’une déesse mortuaire, que mon amie portait sans arrêt me faisait inlassablement douter sur le sérieux de cette mission.
Alors que nous traversions ensemble les couloirs de la station, une désagréable senteur s’introduit à travers mon filtre aérien pour venir me donner une invisible grimace, masquée de l’imposant casque, à la visière miroir, que nous étions tenus de porter en ces lieux.
« Tu sens ça ? Lançai-je finalement, à peu près certain que ma collègue ait eu la même réaction.
— J’allais te le demander, avoua-t-elle. Tu reconnais cette odeur, toi ?
— Pas vraiment…
— Ça me fait penser… Ă un genre de poulet pas cuit… ou de viande froide…
— J’allais le dire, oui ! Une odeur un peu… sanguinolente ? Tentai-je.
— Exact ! Tu penses que quelqu’un se serait blessé ? Ici ?
— Dans une station aussi sĂ©curisĂ©e ? Improbable !
— On ferait mieux d’aller vĂ©rifier, affirma-t-elle confiante.
— Bien d’accord ! Conclus-je en lui emboĂ®tant le pas. »
Nous courûmes quelques instants, sur les plaques de métal froid qui nous séparaient solidement du vide spatial, pour enfin faire face à la porte du sas de décompression. Il était, en effet, absolument nécessaire de conserver une pression particulièrement élevée dans une partie de notre station, dédiée à l’étude d’espèces végétales rares, ne pouvant s’épanouir que dans ce milieu nettement plus pressurisé. Aussi, ce sas était essentiel pour nous permettre à mes collègues et moi-même de nous y rendre sans immédiatement imploser dans nos combinaisons.
D’un difficilement perceptible mouvement de tête, nous nous mîmes vite d’accord avec ma sombre amie : la cadavérique fragrance n’avait jamais été si proche, et ne pouvait sans conteste que provenir de l’intérieur du sas. Ne sachant que trouver dedans et par prudence, nous prîmes, par un index levé devant nos casques, la décision de ne plus s’échanger de parole avant d’être entrés à l’intérieur. D’une impolitesse sans borne, je lui montrais du doigt le moniteur d’ouverture se trouvant derrière elle.
Elle l’examina attentivement et tapota quelques commandes que je ne pus voir avant de se décaler pour me laisser entrevoir l’écran de contrôle. Je dus me résoudre à grimacer de nouveau en constatant le message « MODE MANUEL VERROUILLÉ », signifiant assez littéralement qu’il n’allait pas être possible d’ouvrir ces portes sans quelques efforts. Dans ce but, nous posâmes tous deux nos mains sur les poignées de forcing et tirâmes le plus fort que nous le pûmes, pour faire glisser les panneaux métalliques le long du sol et enfin nous permettre d’entrer dans le sas.
Après quelques instants d’intenses efforts combinés, les portes cédèrent enfin d’un coup, laissant se répandre, avec plus encore de puissance, cette ignoble odeur à travers les couloirs de la station. Avec une cinglante envie de régurgiter notre pitance, mon amie et moi, nous tenions finalement devant la source de cette putride puanteur, non sans des regards emprunts d’une terrible stupeur.
« Je peux tout vous expliquer ! »
Ce furent les premières paroles qui nous vinrent alors qu’à nos pieds gisait notre ancienne collègue, munie d’une solide combinaison de tissu jaune, transpercée de nombreuses, longues et nettes entailles, laissant écouler un sang rouge vif dans tout le sas, dont les murs avaient été éclaboussés de cette tragédie. Dans ses yeux légèrement blanchis, la vie semblait éteinte depuis une moindre vingtaine de minutes.
« Que s’est-il passé, ici ? Criai-je à notre dernier collègue, dont la tenue verte, et le casque floralement décoré, laissait transparaître la gêne.
— Attendez, attendez ! Je sais ce que vous pensez ! Mais je vous jure que je viens de la trouver comme ça !
— Ah oui ? Alors pourquoi est-elle allongĂ©e et baigne dans son propre sang, alors ?! Lança mon amie. — Écoutez… Je suis arrivĂ© dans le sas, il y a moins de deux minutes. J’étais dans la serre pour noter les caractĂ©ristiques Ă©volutives du dremmelin quand j’ai senti une odeur bizarre. Ça me paraissait ĂŞtre une odeur de sang, alors j’ai accouru.
— La serre est juste Ă cĂ´tĂ©, derrière le sas, pas vrai ? Mais tu dis avoir accouru. Pourtant, ses yeux indiquent que sa mort est plus proche du bon quart-d’heure que des courtes deux minutes, rĂ©torquai-je immĂ©diatement.
— C’est vrai… mais j’étais perdu dans mes plantes ! Je notais les rĂ©sultats et je n’ai pas immĂ©diatement saisi la nature de cette odeur. Alors, j’ai mis un peu plus de temps Ă m’en rendre compte et Ă m’en inquiĂ©ter.
— …
— Et puis, soyons rationnel, qui aurait pu vouloir la tuer ?
— Ordinateur, interpellai-je le vaisseau avec une Ă©trange intuition. Combien y a-t-il d’êtres humains vivants dans cette station ?
— Trois ĂŞtres humains sont actuellement vivants dans l’enceinte de la Station Su-Gnom 42, rĂ©pondit clairement la voix robotique.
— … Tu pensais vraiment que l’un de nous serait un alien dĂ©guisé ? S’enquit le vert.
— Quoi qu’il en soit, ce n’est pas le cas, conclut la noire.
— Ordinateur. Combien y a-t-il d’êtres vivants Ă l’intĂ©rieur de ce sas ?
— Non…Tu ne songes tout-de-mĂŞme pas Ă un…
— Quatre ĂŞtres vivants sont actuellement Ă l’intĂ©rieur de ce sas.
— Un parasite, finis-je sa phrase. Sans doute montĂ© Ă bord via l’une de nos plantes.
— Ça paraĂ®t logique, oui. Si c’est un ver neurax, il pourrait facilement prendre le contrĂ´le de l’un de nous sans avoir besoin de tuer, ajouta ma sombre amie.
— D’accord, je veux bien envisager cette possibilitĂ©. Mais nous ne sommes plus que trois Ă bord et les vers neurax font perdre toute conscience Ă leurs hĂ´tes, en rĂ©cupĂ©rant tout de leurs esprits, mĂ©moire comme connaissances. Vous savez ce que ça signifie, n’est-ce pas ?
— Je crois bien, oui. Il y a un imposteur parmi nous, conclus-je finalement en faisant un pas en arrière pour me sĂ©parer de mes supposĂ©s collaborateurs. »
Les portes s’étaient refermées derrière nous pendant notre recherche. Et pas question de les rouvrir. À partir de cet instant, ce qui n’était qu’un séjour de recherche spatiale se changea en une chasse à la sorcière. Nous connaissions tous trois le temps de reproduction du ver neurax. Il était donc absolument impossible que deux de nous aient été contaminés. De plus, son action sur l’esprit étant immédiate, il allait de soi que celui qui en était l’hôte était déjà au courant sans analyse. Cependant… une analyse aurait immédiatement prouvé qui le portait en son crâne. Je me lançai donc, cette idée en tête :
« C’est forcément l’un de nous trois et, même si ça n’aura sans doute aucun impact à vos yeux, je sais que ce n’est pas moi. C’est donc nécessairement l’un de vous deux, pas vrai ?
— Mmmh… Ça me paraĂ®t logi…Quoi ? Attends, non ! Non, pas du tout, mĂŞme ! Tu ne peux pas affirmer que ce n’est pas toi comme ça ! Affirma le vert en pointant fixement ma visière miroir du doigt.
— C’est vrai, l’assurai-je. Plus qu’à tous utiliser le scanner pour le prouver, alors ! »
À ces mots, mon amie supposée et le vert suspect s’échangèrent des reflets gênés. Évidemment, tout le monde avait déjà eu cette idée. Le scanner d’analyse était bien-sûr la source la plus fiable pour connaître les secrets corporels de quelqu’un. Et il sembla alors évident que ces deux-là avaient quelque chose à cacher de plus qu’un parasite. Il ne me fallut pas longtemps pour comprendre ce qui liait ces deux êtres de chair. Rien de moins que cette dernière, et sans doute il y a moins de quelques heures, ce qui ne laissait toujours que moins de doute sur cette gêne qui semblait les parcourir tous deux.
« Le scanner… est cassé, tenta le vert.
— Cassé ? Comment ça ? M’enquis-je.
— J’ai dĂ» analyser un bout de dremmelin, tout-Ă -l’heure. Un peu de jus s’en est Ă©coulĂ©, et est tombĂ© jusque dans les systèmes. Ils sont complètement grillĂ©s et il va falloir les remplacer Ă notre retour.
— … C’est tout de mĂŞme une sacrĂ©e coĂŻncidence, tu ne trouves pas ? Insistai-je toujours. Le scanner cassĂ©, pile quelques minutes avant qu’on ne retrouve la victime d’un parasite cĂ©rĂ©brale. Ce parasite a quand-mĂŞme une chance folle, tu ne crois pas ?
— C’est fou, c’est vrai. Mais… pas impossible ! RĂ©torqua ma sombre amie. Tu te souviens bien quand le système de refroidissement du rĂ©frigĂ©rateur est tombĂ© en panne juste quand nous Ă©tudions le dĂ©sert de Toussec-34 et ses 70 °C constants, non ?
— Tu n’as pas tort. Mais de toute façon… ça ne peut ĂŞtre que lui, le meurtrier. Je t’accompagne dans les couloirs depuis tout-Ă -l’heure !
— C’est… Merde, c’est vrai, soupira-t-elle. DĂ©solĂ©e… dĂ©solĂ©e pour nous. Mais il a raison, affirma mon alliĂ©e au vert avec une voix dĂ©pitĂ©e.
— Non… Non ! C’est pas moi ! Tu ne peux pas croire une chose pareille ! Attends, attends… juste… Je rĂ©flĂ©chis, d’accord ? Je rĂ©flĂ©chis. Je… je…
— Laisse tomber. C’est fini. Je suis dĂ©solĂ© qu’on doive en arriver lĂ . »
Sans plus de mots, je me dirigeais vers le panneau de contrôle du sas pour retourner à la pression originale de la partie majeure de la station orbitale. Il ne servait plus à rien de retourner dans la serre, désormais. Surtout si le scanner avait été, selon les dires du suspect verdâtre, bêtement détruit. Il n’y avait plus qu’à reconduire notre criminel parasité jusqu’à la station d’éjection, en prenant garde à ne ce qu’il ne tente rien durant le trajet. Mais alors que je le prenais par le bras de sa combinaison, il releva la tête et plongea son reflet dans le mien.
« Attendez ! Lança-t-il finalement.
— ArrĂŞte d’essayer ! Le ver est inextricable et tu es dĂ©jĂ mort, lui affirmai-je. Il n’y a plus qu’à se dĂ©barrasser de toi et faire notre rapport Ă l’Institut !
— Certainement pas ! Alors, dis-moi, depuis combien de temps accompagnais-tu ta chère amie avant de trouver le corps ?
— Je… Je ne sais pas exactement… Qu’est-ce que ça peut bien faire, de toute façon ? Lui lançai-je en le poussant contre le mur tandis qu’il se dĂ©battait.
— Une dizaine de minutes, pas plus, rĂ©pondit mon amie Ă ma place.
— Le corps Ă©tait pourtant lĂ depuis au moins un quart-d’heure ! Dis-moi, oĂą Ă©tais-tu avant d’accompagner cette amie ?
— Je… J’étais seul au compteur Ă©lectrique pour rĂ©parer les lampes de l’aile Ouest ! Maintenant, arrĂŞte d’essayer de nous retourner le cerveau ! Sans te reproduire pour te fixer Ă nos tĂŞtes, ça ne fonctionnera pas aussi facilement ! Criai-je en frappant la crĂ©ature contre le mur mĂ©tallique qui se plia dĂ©jĂ sous le coup avant de poser ma main au cou de sa combinaison pour l’empĂŞcher de fuir. — Argh ! Lâche-moi ! Je sais que c’est toi ! »
Pris de colère envers ce fou, qui comptait nous faire croire qu’il n’était pas coupable, je commençais à frapper son casque contre la paroi, dans le but de l’assommer et nous permettre de l’éjecter sans peine. Il tenta pourtant de se débattre et frappa mon ventre de ses genoux. Mais rien n’y fit. Je n’allais pas lâcher notre suspect comme ça ! Aussi frappai-je encore et toujours plus fort contre la paroi de sas, qui se plia un peu plus à chacun de mes coups.
« Quand je suis passée dans la salle des caméras, tout-à -l’heure, réfléchit mon amie en retrait, c’est une combinaison jaune, que j’ai vu dans le secteur électrique…
— Aaaarg… Évi… demment, tenta-t-il de prononcer, Ă©touffĂ©, alors que les coups rĂ©pĂ©tĂ©s brisaient dĂ©jĂ la visière de son casque. Elle les… a dĂ©jà … rĂ©parééééé… ahhh…
— Tais-toi ! Lui criai-je de nouveau pour cesser de l’embrouiller.
— Ahhhhh…
— TAIS-TOIÂ !!
— Hhhhh… »
Enfin, un dernier coup acheva de tordre le métal de la paroi, dont la surface s’ouvrit d’un coup alors que je lâchais son cou, faisant passer la tête du suspect à travers l’ouverture et la boucha avec plus de hurlements, la pression compressant inexorablement l’intérieur de son casque. Il n’était pas difficile de déduire ce qui arrivait alors à sa tête, à l’intérieur. Comprimée vers le sommet de son casque, elle dut sans doute s’arracher de sa gorge pour se détruire et s’échapper en une sanglante bouillie par sa visière brisée.
Nous nous tenions devant son corps mouvant, dont la tête restait de l’autre côté de la paroi. Il ne cessait de se mouvoir et de tirer pour tenter de s’extirper, en vain, bougeant tête et bras, se contorsionnant pour nous supplier de le libérer. Je n’en fis rien et reculais simplement de quelques pas. Mon amie accourut aussitôt pour tenter de le tirer sa tête de son trou, mais rien n’y fit et, alors qu’elle essayait désespérément, le corps perdit finalement toute énergie et ses membres retombèrent finalement, sans vie. Si cet homme avait bien été l’hôte de ce parasite, il n’y avait aucun doute qu’il ne l’était plus.
« Il… il est mort ! Tu l’as tué !
— Bien-sĂ»r que je l’ai tué ! Il Ă©tait clairement sur le point de te retourner le cerveau !
— Tu as tué… mon amant !
— Ce n’était plus ton cher amant, ton doux et tendre ! Ce n’était plus qu’un sale parasite qui l’a certainement contaminĂ© alors qu’il coupait ses dremmelin, dans la serre.
— Tu… l’as tué…
— Oui. J’ai tuĂ© le parasite qui avait sans doute pour projet de se reproduire Ă l’intĂ©rieur de ta tĂŞte… peut-ĂŞtre mĂŞme ailleurs, apparemment ! Je nous ai sauvĂ© la peau Ă tous les deux ! Tu ferais mieux de me remercier, plutĂ´t que de geindre ! …Ce n’était plus lui, tu comprends ? Ce n’était plus… celui que tu as aimĂ©. Je… Je suis dĂ©solĂ©. Je devais le faire, c’est tout. »
Elle s’effondra au sol, près des corps de ses deux anciens collègues, dont la vie avait décidément quitté les membres. J’entendis son sanglot raisonner dans son casque et vins m’asseoir à ses côtés pour tenter de lui faire comprendre et lui redonner espoir, lui certifiant que c’était notre devoir, que si nous l’avions ramené à la station, nous aurions sans doute causer des milliers de morts en s’infiltrant à travers l’humanité ! Je tentais de la convaincre que c’était le mieux à faire. Enfin, elle porta ses mains à son casque pour s’en défaire, dévoilant son joli visage d’ange, aux cheveux d’un noir profond, plus que sa combinaison ou sa robe ne l’étaient, et au regard tristement embué. Les larmes ne cessaient de couler à ses joues en un flot infini s’étendant dans son cou. Je l’imitai pour enfin quitter ce casque orange ridicule. Je savais ce que j’avais fait. Je n’avais pas eu d’autres choix… Je me blottis contre elle pour la réconforter.
« … Si tu avais été au compteur électrique… tu l’aurais croisée dans la salle des compteurs. »
Un sifflement sinistre vint chuinter à ses oreilles, sans qu’elle ne semble y prêter grande attention.
« Tu as dit que tu y étais seul… Mais tu n’aurais pas pu y être seul ! »
En tournant finalement sa tête dans ma direction, elle fut prise d’une insoutenable terreur et se mit à hurler à l’aide, constatant sans doute les yeux noirs du blondinet se tenant devant elle, tandis que je glissais sur son épaule à toute vitesse avant de me jeter à son cou, plantant bien vite mes crochets dans ses veines. Elle hurla toujours, tirant sur mes épines dorsales, mais rien n’y fit. Mon pantin s’articula une dernière fois :
« Cesse de crier… Un peu de dignité ! Tu sais comment cela se termine. »
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