Sur une planète proche, très proche, dans la cour arrière d’un pavillon d’un quartier résidentiel d’Albuquerque, au Nouveau-Mexique, un pilote émérite et apprenti chevalier de l’espace doit se poser en catastrophe au milieu d’une piscine, suite aux dégâts causés à l’aile de son vaisseau. Mais l’engin semble bloqué au milieu de l’eau et, tandis qu’un petit robot en forme de poubelle s’éjecte du vaisseau, le chevalier peste de ne jamais pouvoir sauver ses amis à temps. Dans l’espoir de quitter cette petite planète de merde pour les retrouver, et ainsi rétablir l’équilibre dans l’Univers, un lutin vert particulièrement moche et ridé lui conseille d’utiliser la télékinésie. Plan sage, s’il en est.

LUKE, dépité – Oh non… Le vaisseau ! Nous ne pourrons plus le récupérer !

YODA – Quelle certitude as-tu ? Le lutin soupire. Avec toi, rien n’est jamais possible… N’écoutes-tu pas ce que je dis ?

LUKE, désignant le vaisseau submergé d’eau bleu ciel – Maître, faire bouger des pierres, c’est une chose. Mais ça, c’est complètement différent !

YODA – Non. Pas différent ! Juste différent dans ton esprit ! Tu dois désapprendre tout ce que tu as appris.

Un étrange portail vert fluorescent, semblant fait d’un liquide phosphorescent, s’ouvre au beau milieu de la terrasse, près du lutin.

RICK, sortant du portail – Ouais, écoute le nabot sénile qui invente des mots. C’est clairement la toute première et de loin la MEILLEURE idée que tu puisses trouver pour te sortir de CETTE situation !

R2-D2, bipant à en perdre batterie.

RICK – Ola, ola ! Du calme, boîte de conserve ! Tu sais dans combien de langues, tu viens de m’insulter, là ?

LUKE, surpris – Que… Qui êtes-vous ? Et comment avez-vous pu vous rendre ici sans un module de téléportation, c’est impensable !

RICK, l’air renfrogné – J’suis juste un vieux maître, et j’ai pas besoin de ces vieux modules. Je dois juste m’assurer qu’tu repartes bien de cet endroit en vie. Alors… t-t-tu n’as qu’à faire voler ton bidule et j-je partirai sans rien faire, ça t’va ? On va dire que ça t’va. Allez, roule. ‘Fin… vole.

LUKE, résigné – … Très bien. Je vais… essayer.

YODA, fermement – Non ! N’essaie pas.

RICK – Quoi ?

YODA – Fais-le, ou ne le fais pas. Mais il n’y a pas d’essai.

RICK – Arrêtez-moi si je me trompe, ce qui a assez peu de chances d’arriver, mais c’est pas la pire phrase de vieux croulant que vous auriez pu prononcer pour l’encourager à télékini…

YODA – Tais-toi.

RICK – Très bien…

L’apprenti lève sa main droite droit-devant lui et ferme les yeux pour concentrer son esprit, ses émotions et son corps sur le même point central qu’est son vaisseau.

RICK – Sans vouloir te vexer, gamin, le Reich est plus trop d’actualité. Et je doute donc fortement de la réelle utilité de brandir ton…

YODA, plus fermement – Tais-toi, et observe plutôt !

RICK, semblant vexé – Je vois le genre…

L’eau de la piscine, reflétant un ciel bleu radieux, commence à bouillonner face au bras de l’apprenti tandis que son vaisseau se soulève doucement du fond du bassin carrelé, dans l’enthousiasme bruyant de la poubelle métallique pleine de voyants qui font bip et qui font flash.

RICK, surpris – Waouh ! J’avoue être presque étonné que ce truc fonctionne. J’en connais, des races capables de faire voler des bidules, mais j’en pensais pas les humains capables. C-c-c’est ton vieux lutin vert qui t’a appris ce tour de magie ou… ?

YODA – Sa volonté est forte et, son taux de midi-chloriens, élevé.

RICK – Oh, va te faire foutre.

Alors que l’une des ailes commence à doucement ressortir de l’eau, le visage de l’apprenti se fronce plus ardemment tandis que sa main se crispe à l’extrême, tentant de conserver le peu de concentration dont il peut encore user. Malgré ses efforts, le vaisseau semble de nouveau se plier aux lois de la gravité et replonge intégralement dans le bassin carrelé.

LUKE, essoufflé et dépité – Je suis désolé, maître… C’est trop gros… J’y arriverai pas.

YODA – La taille importe peu. Regarde-moi, est-ce par ma taille que tu peux me juger ?

RICK – Le nabot a raison ! T’as pas à être désolé. Tu sais, ce genre de problèmes, ça touche un peu plus d’un homme sur quatre, même de nos jours !

YODA, reprenant tandis qu’une mélodie aux notes d’espoir s’élève doucement – Eh bien, tu ne le dois pas. Car mon alliée est la Force, et c’est, de mes alliés, la plus puissante. La vie l’a créé, l’a fait grandir. Son énergie nous entoure, et nous relie. Nous sommes des êtres illuminés, pas une simple matière brute. Tu dois… sentir la Force autour de toi. Ici. Entre toi, moi, la sève du buisson, le granit des pavés. Partout. Oui… Oui. Elle est même entre… le sol et le vaisseau.

LUKE, s’éloignant de la piscine – … Tu veux l’impossible.

RICK, fixant étrangement le ciel – Pas l’impossible. ‘Faut juste un p’tit coup d’main, et un plutôt rapide, de préférence. J’ai l’impression que le ciel va bientôt… se couvrir.

Le maître aux oreilles pointues s’approche du large bassin en s’appuyant difficilement sur sa canne de bois. Sans un mot, ses yeux se ferment et, dans un calme olympien, il lève une main en direction du vaisseau qui, déjà, s’élève lentement des eaux, sous les yeux ébahis de son élève, se retournant, subjugué.

RICK – Ouais, ouais. C’est très impressionnant. Papy sait faire voler des bidules. Mais moi, j’ai dit rapide.

Il sort une sorte de pistolet muni d’une bonbonne violette fluorescente et fait feu sur l’engin. Une onde lumineuse semble soudain parcourir l’intégralité de ce dernier.

YODA – Mais… Qu’est-ce que tu as fait ?! La Force ! Je n’arrive plus à la ressentir dans le vaisseau !

RICK – Je vous l’ai dit, nabot. Il fallait être plus rapide !

YODA, les yeux rivés sur le haut personnage – Tu es un effronté. Je sens la colère, en toi.

RICK, aggravant son air renfrogné – Bien vu ! Je vois qu’on est pas encore devenu aveugle, mon p’tit vieux. Effectivement, la colère est grande chez moi ! Simplement parce que j’étais tranquillement posé devant un épisode de Breaking Bad, quand Morty est venu chialer à mes pieds en me suppliant de vous faire partir de cette planète pour aller remettre l’équilibre dans votre PUTAIN d’Galaxie !

LUKE – Mais jamais je ne pourrai repartir ! Je n’arrive même pas à soulever mon vaisseau.

RICK, désignant le chemin pavé jusqu’au bassin – Ah oui ? Bah, essaie maintenant, je t’en prie.

Le jeune homme approche de nouveau du bassin, surpris par l’assurance du vieil homme, et pose sa main sur le bout de l’aile de son engin, qui ressortait alors de l’eau. Devant les yeux écarquillés et la bouche bée de la marionnette à grandes oreilles, l’apprenti tire sans la moindre difficulté le vaisseau de l’eau, comme s’il ne pesait rien de plus qu’une plume.

LUKE, levant sans peine son engin au-dessus de sa tête – Tout bonnement incroyable.

Un immense bruit d’explosion se fait entendre dans le ciel, projetant une lumière orange sur la ville.

RICK, lâchant son étrange revolver dans les mains du jeune homme – Hum. Bon. Eh bien voilà. Plus besoin de Force ou de magie. Je vous laisse le pistolet anti-pesanteur et je retourne à mon canapé, ça vous va ?

LUKE – Merci, mais… Attendez quelques instants ! Je dois encore vous…

Sans attendre la fin de sa requête, le vieux scientifique tire d’un autre pistolet, laissant apparaître de nouveau le portail verdâtre précédent. Monotone, il s’y engouffre en sifflotant un air victorieux, disparaissant, tandis qu’une peluche rose, à l’œil manquant et au pelage calciné, plonge dans le bassin bleu.