Deux traits brisent l’eau de la Grande Mer. Deux traits fendent l’air des îles de l’Ouest. Deux traits sifflent en frôlant la surface turquoise des eaux glacées entre Undvik et Spikeroog. Deux furies rencontrent une horde de mille-tonnerres bondissant à la surface des flots, volent parmi eux. De sa selle, un des garçons pousse un cri de joie, se redresse de sa position allongée, plonge avec son partenaire sous l’aile d’un des monstres marins, ils glissent sur la surface, puis à force de battements d’ailes ils remontent. L’autre dragon, éclatant de blancheur, grimpe avec lui les airs.

Let the wind carry us, to the clouds hurry up, alright.

We can travel so far: as your eyes can see.

Ils se perdent dans les nuages, jaillissent des brumes puis replongent. En instant ils se redressent, percent Ă  nouveau les nuages et, au sommet de leur ascension, retombent sur le dos vers les flots laiteux pour remonter encore dans une large courbe.

We go where no one goes.

We slow for no one.

Get out of our way!

Pieds vers le zénith, tête vers les vagues, quatre camarades embrassent le vent froid du large de Skellige. Sur la première bête, blanc éclatant, vole un homme au masque de chouette blanc. La capuche de son manteau gris emportée par le vent, on aperçoit ses tresses blanches et son teint sombre. Sur la seconde, noir nuit, un jeune homme en noir couvre son visage d’un masque hérissé d’une crête d’épines qui laisse entrevoir sa peau pâle et sa chevelure brune portée par le vent. Entre deux cauchemars monstrueux, l’homme en noir stabilise d’un coup de talon la prothèse de voile sur la queue de son compagnon à écailles et se redresse pour s’adresser à l’autre cavalier.

— Alors, ça vous dit de rĂ©essayer ?

— Tu veux vraiment remettre ça ?

Le dragon noir lâche un grognement maugréant, son analogue claire jette un œil inquiet vers le haut. Une main du dragonnier blanc tente de la rassurer.

— Vous inquiĂ©tez pas, ça va bien se passer !

— C’est pas moi qu’il faut convaincre, c’est elle, lance Ekko en posant sa main sur le front de son amie.

La fend-tempête jette un regard de consentement mou à Harold, qui déjà détache son harnais. En face, son camarade a déjà fait de même.

— PrĂŞts ?

— Il n’attend pas la rĂ©ponse et, glissant de leurs selles, les deux amis s’abandonnent au ciel.

Awake in the sky. We’ll break up so high, alright.

Deux cris extasiés percent le vent alors que les dragonniers piquent vers le bas, suivis de près par les deux dragons.

— Let’s make it our own, let’s savour it.

Tournant les uns autour des autres, ils fendent un dernier nuage pour qu’enfin, au fond d’un puits blanc, apparaissent le vert des flots. D’un geste, Ekko se saisit de sa planche dans son dos et la jette sous ses pieds tandis qu’Harold déploie les ailes de son armure. Leur chute s’interrompt brusquement en frôlant les nuages. Tandis qu’Harold stabilise son assiette, son compagnon ancre solidement ses pieds et ploie les genoux pour maintenir sa position sur l’appareil.

We go where no one goes.

We slow for no one.

Get out of our way!

— Incroyable ! hurle Harold.

Ils nagent dans les nuages, ne s’arrêteraient pour rien. Quatre compagnons volent sur Skellige, leur vole va de l’Île des Brumes à Ard Skellig, le feu des dragons repousse d’un courant chaud les planeurs vers le ciel lorsque leur course retombe vers la mer. Alors qu’ils traversent un mur de brume, leur apparaît un rocher, une terrasse, une tour entière de Kaer Trolde.

— Merde ! s’écrie Ekko depuis sa planche.

— Vraiment pas incroyable !

Harold se retourne vers le dragon noir.

— Mon grand !

Krokmou ouvre la gueule, un éclair pourpre éclate, un fracas de pierre retentit, la planche d’Ekko rencontre le merlon de la terrasse, le furie nocturne saisit son cavalier entre ses ailes et tous trois sont précipités sur un cèdre qui, ployant sous la force de leur chute, les fait tomber à son pied. Un instant plus tard, Éclair fend la canopée et pose ses pattes blanches sur une branche de conifère ; la dragonne blanche seule des quatre peut voler par elle-même. Au loin, les dernières pierres arrachées à la tour de la citadelle finissent leur chute dans le fjord.

We slow for no one.

We go where no one...

We slow for no one,

We go where no one goes,

We go where no one goes.

— Vous allez bien, mon garçon ? demande une voix depuis les bois.

— Ouais… Ça va aller, rĂ©pond Ekko. Je me suis juste… foulĂ© la cheville. Vous… vous ĂŞtes la jarl Cerys ?

— C’est… juste Cerys Ă  prĂ©sent.