Approchez
(par Jilano)(Thème : MĂ©lilĂ©mots inversĂ©)
Approchez, cher client, approchez.
Approchez, vagabond affamé, explorez mon paquetage, découvrez mes merveilles, observez ce que j’ai à proposer. Mes réserves sont infinies, mes produits sans égaux.
Approchez, âme errante dans ces abîmes désertiques, je vous déballe mon sac. Admirez ces affreux poignards, cette poussière splendide, cette crasse millénaire, ces urnes funéraires, cette hotte sans fond, ces pierre fuligineuses. Approchez, faites votre offre, demandez toujours. Qu’est-ce que vous prendrez, cette fois ? plume de séraphin ? corne de démon ? sable des Enfers ? Peut-être voulez vous quelque chose de plus sentimental… cendres d’espoir ? rêve brisé ? idylle mourante ? À moins que vous ne souhaitiez retrouver du sang du Sauveur ?
Peut-être, alors, discuterons-nous. Peut-être, après moults échanges, conviendrons-nous d’un prix juste… mais juste pour qui ?
Ou bien, peut-être, en bon imbécile que vous êtes, vous vous en irez, après que je vous aie roulé dans la crasse infernale, la bourse vide et l’esprit pas beaucoup moins. Ne vous inquiétez pas, votre pécule sera de bon usage, mais aussitôt que vous quitterez ces lieux, je m’efforcerai d’oublier votre sale gueule en espérant que vous reviendrez enrichir le Gros Sémreh, il a besoin de quelques-uns de vos vitaux écus pour se faire tailler les cornes.
Qu’est-ce que vous dites ? Avec votre voix de cadavre, je vous comprends pas. Comment ça « un peu d’eau » ? J’ai pas de ça dans mes affaires !
Mais dites-moi, voyageur, que cherchez-vous ? Non, pas d’eau ! Comprenez : quelle est votre quête ? Laissez-moi vous raconter une petite histoire, voyageur. Comment ça, qu’est-ce que je fais ? Je m’éclaircis-la voix, je vous prie de vous taire.
Nous sommes dans les tréfonds de…
Ah ! Là , vous parlez ma langue, oui j’ai à boire et je me ferais un plaisir de partager ma vodka avec vous. À crédit.
Cessez donc cette comédie, vous un homme, non ? Avez-vous juste couvert mon habit de dégueulis ? Mais vous n’avez-donc aucun savoir-vivre, espèce de petite merde ! J’avais juste fait tisser cette tunique avec des cheveux de… Enfin, peu importe. Bon, par contre, votre malaise, c’était mignon, mais maintenant faut vous relever. S’il vous plaît.
Bon, ce n’est pas tout ça, monsieur, mais ça fait dix minutes que vous pioncez dans votre vomi et moi j’ai un stock à écouler. Je vous laisse la facture pour le verre. Adieu, voyageur, et bon séjour en enfer.