L'Académie de Lu





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Pour quelques litres de plus...

(par Downforyears)
(Thème : Mélilémots inversé)



Le train siffla deux fois avant de partir en semant son nuage noir. Attiré par le bruit, des dizaines de goules marchèrent lentement vers les rails, avant de rencontrer l’immense clôture électrique qui cernait la ville. Une vingtaine d’étincelles claquèrent, et l’une de cette monstruosité cessa de grogner quelques secondes. Un courant d’air passa, et elle repartit en sens inverse, ayant oublié la source de sa contrariété…


A l’ombre du préau en bois de la gare, Mez soupira. Opportunité était l’une de ces nombreuses villes qui survivaient à l’Ouest de la Faille des Anges, mais que tous semblaient avoir oublié. Une des nombreuses tentatives de conquérir les terres sauvages et de les reprendre des griffes des goules, des gobs et des harpies. L’homme fit un rapide signe de croix, espérant trouver la protection de Dieu, et tourna les talons, sa valise noire à la main.


Le trajet en train avait été si long depuis la cité des Anges. Plus de dix heures à supporter les vibrations, les secousses et les tremblements du wagon. Plus de dix heures à ne pouvoir rien faire d’autre que réfléchir en regardant un paysage désolé, aride, poussiéreux. Gris. Comment si peu de choses avaient-elles pu survivre à la fureur du Diable ?


Pourtant, à mesure que le train parcourait les kilomètres à pleine vitesse, démembrant à l’occasion une goule qui avait eu l’outrecuidance de se mettre sur son divin passage, la verdure avait commencé à apparaitre. Sauvage. Désordonnée. Sèche. Mez avait commencé à songer que, comme de bien nombreuses autres choses, les enseignements prodigués à la Cité des Anges étaient peut-être faux. Au moins en partie.


Le soleil cueillit lourdement le voyageur lorsqu’il sortit de la gare. Son habit noir dénotait avec les murs de bois peints en blanc qui peuplaient la rue principale. Un cheval passa, tirant une charrette blindée en décollant de petits nuages de poussière. Son conducteur, une carabine à la main, parut nerveux en voyant l’homme d’église. Il le salua pourtant d’un geste à son stetson, que Mez lui rendit.


ancien homme d’église, rectifia Mez intérieurement. Son départ de l’Ordre avait été si abrupt qu’il ne s’en remettait toujours pas. Engoncée dans ses vapeurs verdâtres, la Cité des Anges s’était révélée être une vraie poubelle, avec les pires déchets à son sommet. De Questeur aux ordres de Sa Sainteté, Mezechiel était devenu une cible à abattre. Les insinuations de son supérieur avaient été claires. Le huitième Cardinal était sacré, l’accuser des actes qu’il avait commis revenait à être excommunié.


Mez avait fait sa valise dans l’heure et était parti vers l’Ouest. On y cherchait un homme de loi, et il pourrait tout à fait remplir ce rôle.


Le voyageur sortit sa montre à gousset, plissant les yeux sous un reflet du soleil. Le rendez-vous était dans une heure, et il avait besoin de faire quelques emplettes.


— Mon brave, demanda-t-il en interpellant un garçon qui passait par là, saurais-tu où je peux trouver une boutique ?

— Y’en a deux sur la grand’rue. Mais si vous voulez un conseil, allez chez Dom’s. Il vous arnaquera pas trop.

— Pas trop ?

— Bah… chez l’autre, il vous tire le moindre litre en moins d’temps qu’il en faut pour qu’madame la Directrice vous punisse dans son bureau.


La cloche de la vieille église en pierre résonna deux fois, et le garçon s’enfuit en courant, faisant jurer au voyageur qu’il ne l’avait jamais vu. Décidé, Mez se dirigea vers la boutique en question. Bien vite, la chaleur l’assaillit, et il dut boire à sa gourde une rasade d’eau fraiche, sous les yeux envieux d’un mendiant à l’abri d’une tente en toile grise.


— Z’auriez pas un peu d’eau ?

— Mon brave, je vois une fontaine là-bas. Pourquoi n’y allez-vous pas ?

— L’est bien bonne celle-là, pouffa le gueux en toussant grassement.


Perplexe, le voyageur poussa la chaude porte en verre de ‘‘Chez Dom’s’’, et tout en profitant de la fraicheur des lieux, laissa ses yeux s’habituer à la pénombre. Il se retint d’éternuer lorsque son nez ressentit la piqure de l’odeur de vinaigre des lieux. Pour la première fois depuis le début de cette journée, il sentit un sourire naitre sur ses lèvres.


Sur les étals, de la viande séchée côtoyait de nombreuses bouteilles d’alcool fort et des boites de conserve d’un autre âge. Des gâteaux secs et des croquettes étaient disposés en vrac dans des bacs pour qui avait le courage de se servir, et de nombreux paquets de pâtes et de riz se partageaient le reste du rayon.


En face, une multitude d’articles de quincaillerie n’attendaient que le client. Pointes, clous, tournevis, munitions, pelles, pièces de rechange pour armes à feu, couteaux… Tout le nécessaire pour survivre dans la nature parmi les goules étaient là, à disposition de celui qui pourrait en payer le prix, en…


— Bonjour. Que signifie ce ‘‘L’’ sur chacun de vos articles ? demanda Mez à un homme chauve visiblement enrhumé et légèrement crasseux

— Z’êtes pas d’coin, ç’est ça ? C’des lit’.

— Des lithes  ?

— Yep. Des lit’ d’eau. Le paquet d’ciégarettes, quat’lit’. Et vous j’tez les négots d’ciégarettes dans un récipient prévu, pas envie qu’ça foute le feu à la ville. On a pas assez d’eau pour gérer un incendie.

— C’est curieux, vous ne prenez pas les oboles ? C’est pourtant la monnaie officielle, et…

— J’vais vous dire. Ici, les oboles, ça marche pas. C’t’une monnaie du gouvernement, mais l’gouvernement, il vient jamais jusqu’là. Ecoutez, ça fait longtemps qu’il nous a laissé. L’obole, sa monnaie officielle, c’est un coup monté pour faire monter… Faire monter les prix, pardi ! A’chaaaa !

— A vos souhaits. Mais si je n’ai pas de litres pour acquérir ce dont j’ai besoin, comment puis-je payer ?

— On accepte plein de monnaies, on accepte même le troc si vous voulez, lui expliqua le commerçant. Les lit’, le plomb, la binouze… Quoiqu’vous ayez, on peut s’arranger. Il vous faut quoi ?

— Douze balles de colt, de l’eau, et quelque chose à manger.

— Ça f’ra seize litres.

— Seize litres d’eau ? Mais il me faudrait une cariole pour tout transporter !

— J’comprends bien, mais c’est l’prix. Dites… Z’êtes un homme d’église, non ?

— Et ?

— Je vous fais l’tout si vous m’dispensez d’messe le prochain dimanche. Vous pourriez m’faire ça ? Tous les dimanches, à dix heures, bon dieu c’que j’en ai marre. J’en ai marre d’chander les bonnes prières.

— Vous en avez marre de chander ?

— Bah, les prières. Les cantiques, tout ç’fatra… J’en ai marre d’chander, quoi. Un Noter Paster, un Ava Marié… J’en ai marre… Bon, z’êtes d’accord ?

— Je vous fais ça sur un papier, mais ça ne sera valable que pour le prochain dimanche.

— C’est déjà pas mal. Z’êtes un bon gars. J’vous prépare vos articles. Faites gaffe qu’ça s’envole pas.

— Comment ça ?

— Bah, c’est bientôt le vent d’heure…

— Le vent d’heure ?

— Bah oui. Tous les jours, ent’ deux heures et deux heures et d’mi, il y a un vent qui s’lève, à arracher les goules de leurs terriers. C’est le vent d’heure. Bref, faites gaffe.

— Tenez, voici votre dispense.

— Et voici vos articles. Merci de vot’ passage chez Dom’s. Dites, vous v’nez y faire quoi dans not’ trou paumé ?

— Je suis le nouveau shérif.

— Oh… Et bien… Passez chez l’croquard. Conseil d’ami…

— Le croquard ?

— Le croq’-mort… L’dernier sherif, l’a pas fait long feu. A peine arrivé qu’on l’a enterré sur l’Mont Malade. J’espère que vous tiendrez plus longtemps. Z’êtes bien sympathique.


Mezechiel sortit du magasin, ses articles dans un sac en toile. Il était temps de rencontrer le maire de cette ville…














Sourne

Je n'ai pas décroché une seule fois du texte ( ce qui est... assez rare... ) tellement il était captivant ! Avec une ref à l'Académie plutôt bien placée, mais surtout... tu en as pas marre chander de jouer avec les règles comme tu le fais avec les mots ? xD Sinon, l'accent du boutiquier et le contexte du jeu de mot le rend crédible et amusant x) Et le mélange de genre entre western et plutôt fantasy je dirais est audacieux... à voir l'évolution de Mezechiel ^^ ( à ne pas confondre avec Mezeliel ? Ou j'ai pas tout suivi... )


Le 17/01/2022 à 21:52:00



Zyphea

pour '' pour quelques litres de plus". Un texte super cool, qu'on dévore jusqu'au bout sans décrocher, j'ai vraiment adoré, il y a de bonnes descriptions, on s'imagine vraiment bien le décor. Bravo pour ce texte super chouette et merci pour ce partage^^


Le 19/01/2022 à 09:22:00



Malkym

(Pour quelques litres de plus) Un texte... bien pensé ^^
J'aime beaucoup le simple fait que la monnaie de cette ville ne soit finalement pas cette du gouvernement, mais juste... de l'eau. DES LITRES d'eau ! C'est à la fois ingénieux et... en même temps, je me demande comment cette ville n'est pas devenue complètement déserte en quelques semaines x)
Les façons de parler incompréhensibles du vieux marchand sont aussi un bon ressort comique.
Bien que j'avoue que la référence à notre Directrice me semble un peu forcée. Ca peut fonctionner pour des personnages qui en ont beaucoup vu, où qui savent que l'Académie existe... mais le voir sortir de la bouche de ce garçon sans semblable rapport avec l'univers et faisant plus office de figurant qu'autre chose... mmmh... ça fait bizarre. Ce n'en est pas moins marrant, mais ça fait quand-même bizarre. Et ça pose plein de questions ! Ce garçon était-il important ? Ce garçon était-il un Académicien ?! L'ACADEMIE ET LES FRASQUES DE LU' SONT-ELLES CONNUES A TRAVERS TOUS LES UNIVERS ?!! J'AI BESOIN DE SAVOOOOIIIIIIR !!!
Bref, un texte amusant, avec une superbe ambiance et des personnages fort cools, c'est très bion :smileycool:


Le 19/01/2022 à 12:05:00



Awoken

j'ai bien aimé ton texte, il est bien écrit et agréable à lire. c'est un monde post-apo? Bravo!


Le 20/01/2022 à 21:17:00



JilanoAlhuin

J'ai trouvé ton texte très chouette. Comme... d'habitude, tes personnages et tes décors sont super bien décrits et bien mis en scène. De plus, tu as fait pas mal de référence très sympathiques et bien placées, qui ne donnent pas l'impression d'être forcée (le bureau de la directrice et le mont malade, par exemple). C'est un super texte !


Le 24/01/2022 à 01:38:00

















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