La reconstruction de l’Académie était toujours en cours. J’aidais du mieux que je pouvais, utilisant mon carnet pour invoquer des exosquelettes de chantier lorsque le besoin s’en faisait ressentir. Les journées de travail et les soirs d’écriture s’enchainaient à un rythme effréné. C’était pendant ces journées de labeur que j’avais rencontré mes nouveaux camarades, tous aussi singuliers que les autres. Sourne, le dragon au sweat rouge, Gaïa la chuchoteuse, Jilano Alhuin le chevalier, que tous surnommaient JilA.

Je m’étais beaucoup attaché à ce dernier, et malgré nos aspects différents, je persistais à penser que nous nous ressemblions beaucoup. Notre humour que nombre de camarades qualifiaient de lamentable cachait en réalité une volonté de bien faire et d’aider du mieux ceux qui nous étaient chers.

Ce jour-là, nous venions de dégager une partie des décombres de l’Académie. Nous avions entassé les graviers et les pierres jusqu’à former un immense tas minéral, que nous nous étions amusés à appeler le Mont de Malade. Une cloche sonna, annonçant la fin de la journée de travail. Le soleil allait se coucher dans environ une heure.

— On aura fait du beau boulot aujourd’hui, constata JilA.

— Quand on travaille à la ‘‘chêne’’, répondis-je, ça va vite. Une bière, ça te branche ?

— Faut que je travaille sur ma feuille. Bon bourgeons-nous de là, histoire de ne pas être les derniers à manger.

Méconnaissant encore les lieux, je suivis JilA à travers le campement de fortune qui servait de refuge après l’explosion de l’Académie. Nous discutions en alternant les calembours lorsqu’une élève plus jeune que nous soupira. Elinor, notre déléguée, apprentie de la Faucheuse, qui nous regardait d’un air exaspéré.

— Vous me désolez. Je n’arrive même pas à déterminer lequel d’entre vous à l’humour le plus pourri.

— C’est JilA, affirma un élève.

— Non, je dirais plutôt Down, soupira une autre de nos camarades.

Je regardai JilA d’un air faussement sérieux.

— On est deux à faire de l’humour pourri, gamin, lançai-je d’un air faussement sérieux. Ça en fait un de trop dans cette Académie.

— Quand tu veux, papy. Et où tu veux, me répondit-il en cueillant une herbe sèche pour la mâchonner.

— Le Mont de Malade, maintenant.

Je me dirigeai vers le lieu où nous venions de passer la journée. Je sortis mon carnet, et écrivais quelques lignes. Un long manteau de cuir me descendant jusqu’à mi-mollet et un stetson me recouvrirent. Un holster contenant un colt gravé de l’inscription ‘‘MdR’’ se matérialisa au niveau de ma hanche droite. L’emoji ‘‘facepalm’’ fut gravée dans le dos de mon manteau nouvellement acquis. Je me hissais sur un petit tas de gravats et de béton.

Face à moi, JilA se hissa sur un tas de briques. Il dégaina son épée, et fit mine de se concentrer.

Le soleil couchant illuminait la place. Le Mont de Malade se teinta de couleurs vives, chaudes. Un buisson passa entre nous deux, poussé par un vent chaud. Je le savais, je n’aurais le droit qu’à un coup. Pour bien le connaitre, je savais que les jeux de mots de JilA pouvaient être fatals. Comme un bazooka. Comme les miens.

Je regardai le chevalier, préparant ma punchline.

— Prêt pour ton facepalm, gamin ?

— Sors moi ton plus grand LOL, papy.

— Faut faire vite alors ! Sinon la directrice va venir et nous hurler de ne pas aggravier la situation.

Le coup partit de mon colt. La fumée forma un smiley ‘‘Rofl’’ et la balle à blanc (dans la discussion) jaillit en direction du casque du chevalier.

JilA intercepta le projectile avec son épée. Le choc de la lame contre la balle tinta comme un pouffement de rire.

— Tu as essayé papi, mais t’as pas réussi. En même temps, je vais pas te jeter la pierre, conclut-il en me jetant une pierre. On ne m’a pas fa-ciment.

— Stop ! nous ordonna une voix glaçante.

La Directrice arriva en marchant calmement. Malgré son apparence de biscuit, Lu inspirait la crainte et le respect.

— Vous me cessez ces âneries tout de suite. On n’a pas besoin de blessés pendant la reconstruction. Et pour la peine, vous me ferez double défi la semaine prochaine. Si vous voulez faire un duel de calembours (que je trouve douteux), vous attendrez la prochaine représentation au théâtre.

— Mais… commençai-je alors que JilA me faisait signe de ne pas répondre.

— Ne me forcez pas à vous infliger le supplice du Biscuit. Oust.

Je déguerpis en compagnie du chevalier, comme deux bandits fuyant le shérif.

— C’est quoi le supplice du Biscuit ? demandai-je.

— On ne sait pas, mais même les durs à cuire n’y résistent pas.

— On va pas en faire tout un four quand même ?

— Désolé, mais je ne tiens pas à me faire cuisiner par la directrice.

— C’est si chaud que ça ?

— Au moins 220 degrés. Le plus haut degré qu’on a c’est le second. On est pas équipés…

Je regardais les étoiles, couché sur l’herbe. JilA et moi avions tellement enchainé les jeux de mots pourris que la directrice, prévenue par la déléguée et nos camarades à bout, nous avait envoyé dormir à la belle étoile.

Chacun à l’opposé de l’Académie.