Je regarde une dernière fois la salle, et le corps qu’y s’y trouve. Puissant, musclé, presque bestial. Je passe le sac de toile par-dessus mon épaule. Il contient la tête de celui que je viens de tuer. Un estoc en plein cœur. J’ai tranché sa tête pour avoir une preuve à donner au roi.

Je quitte donc cette pièce, et me retrouve devant trois couloirs.

— Prenez Ă  droite, m’indique une voix qui vient du ciel.

Je lève la tĂŞte. Qui aurait pensĂ© que ces murs soient si hauts. A plusieurs mètres au-dessus de moi, je vois le ciel bleu. Je dĂ©cide de faire confiance Ă  la voix et prend le couloir de droite. Comment tout ça a commencĂ© dĂ©jĂ  ? Tu iras, tu le tueras, et tu mettras fin aux sacrifices auxquels nous devons nous plier tous les neufs ans… Encore une connerie de mythe et de roi qui a besoin d’un hĂ©ros…

— A la prochaine intersection, prenez Ă  gauche.

Bon, on va pas se mentir, je suis rusé, j’ai du charme, j’ai du bagout, et j’ai trop ramené ma grande bouche. J’ai fanfaronné, prétendant que je pouvais trouver le gardien de cet endroit, le tuer et ramener sa tête. Sauf qu’étant donné qu’il y a pas de carte de cet endroit labyrinthique, j’ai du user de mes muscles et de mon sourire pour séduire celle qui me permettrait de sortir vainqueur de cette épreuve.

— Au rond-point, prenez la troisième sortie sur la droite.

— Bordel, c’est quoi un rond-point ???

J’avance, et me retrouve dans une salle circulaire. Différents couloirs partent en étoile depuis la pièce, et une petite statue trône au centre d’un large disque d’airain. C’est surement le rond-point. Je suis les indications de la voix mystérieuse.

J’en Ă©tait oĂą dans mon histoire ? J’ai dĂ» user de mon charme, pour sĂ©duire la fille du roi, afin qu’elle me trouve une solution. Et j’en suis lĂ , Ă  devoir Ă©couter les indications d’une voix venue du ciel, qui me dit oĂą aller. Le Guidage du Prince dans le Sanctuaire, ça ferait un bon titre de pièce de théâtre, tiens… Et puis ce timbre de voix, par HĂ©ra, j’en peux plus !!! Faites-la taire ! Pourquoi elle s’énerve tout Ă  coup ?

— Oh !!! Faites demi-tour dès que possible et prenez la première Ă  gauche !

Je fulmine. Mais je suis bien obligé de suivre ses indications pour sortir de là. Enfin, j’arrive au bout de ce calvaire. Je monte un long, très long escalier en colimaçon. Lorsque j’arrive essoufflé au sommet de la falaise dominant le Labyrinthe, Ariane, la fille de Minos, se tient devant un cône de bronze dans lequel elle n’a cessé de crier depuis des heures pour m’orienter.

— Bordel, vous ĂŞtes pas capable de m’écouter plus de dix minutes. C’est parce que je suis une femme ? Je suis sur que c’est parce que je suis une femme. ForcĂ©ment, je suis une femme, donc je sais pas lire une carte, je sais pas te guider, j’ai un mauvais sens de l’orientation…

J’embrasse la princesse, plus pour la faire taire que par amour. Je sens ses muscles se détendre, elle tombe presque dans mes bras.

— Je persiste Ă  penser que me fournir un fil aurait Ă©tĂ© plus simple, Ariane.

— Oui, mais cela n’aurait pas Ă©tĂ© un vrai travail d’équipe. Tapez m’en cinq !

— La prochaine fois que ça nous arrive, on fait la technique du fil, rĂ©ponds-je en lui tapant la main.

— Oui, c’est sĂ»r, comme ça on pourra vivre l’aventure ensemble. Si vous saviez ce que j’en ai marre de tisser, tisser, tisser… Bon, on va voir mon pèrevous lui montrez la tĂŞte, il arrĂŞte de sacrifier des AthĂ©niens tous les neufs ans, on se marie la semaine prochaine avec la liste des huit-cents invitĂ©s que j’ai eu le temps de faire pendant que MĂ´ssieur rĂŞvassait, et on se barre de lĂ . J’en ai marre de mon père, putain, si vous saviez…

Je soupire et tente d’ignorer le flot de paroles qu’elle déblatère. A la première escale qu’on fait sur une île, je la lourde.