En marche
(par Downforyears)(Thème : Mélilémots 4)
— Mes chers frères et sÅ“urs, aujourd’hui, nous sommes en marche ! Oui, nous marchons ! Nous gambadons, même ! Car ils sont partout ! Ils sont dans nos sous-bois ! Ils sont dans nos campagnes ! Ils sont dans nos sous-campagnes et dans les potagers ! Armés de leurs panaches de feu, de flammes ! Mais nous résisterons ! Nous repousserons ces avaleurs de glands jusque dans leurs cimes, jusque dans leurs pins à coups de pain dans les joues et les bajoues pour les faire marcher à la baguette. Car c’est notre glorieux projet, et…
Le Grand Lapinovitch se gratta l’oreille puis frappa trois fois le sol avec sa patte droite, agacé. Qui lui avait pondu un discours aussi décousu ? Aussi confus ? Aussi…
— Rabbitsnov ! C’est vous qui m’avez écrit ce discours aussi amphigourique ?
— Amphi... quoi ?
— C’est bien trop compliqué pour nos soldats ! Et c’est illisible ! On dirait que vous l’avez écrit avec une carotte périmée, c’est à n’y rien comprendre ! Comment voulez-vous motiver les troupes avec ce… ce torchon ?
— Grand Lapinovitch, j’ai pourtant suivi vos ordres... Vous m’avez demandé un discours patriotique, qui exalterait la résistance de notre fière armée opiniâtre, et qui haranguerait les foules contre l’envahisseur venu de la forêt.
— Oui, mais je ne sais pas si nos soldats comprendront l’allusion aux écureuils ! Et cette histoire de pain, de baguette, tout ça… Non, il me faut un discours plus simple ! Et puis c’est quoi ce symbole-là  ?
— Une esperluette, Grand Lapinovitch… Cela a la même signification que ‘‘et’’, et cela permet d’économiser du papier, et…
— Je veux un discours simple ! Efficace ! Clair à lire et à déclamer ! s’empourpra le dirigeant. ET PAS D’ESPERLUETTE, OU JE VOUS ENVOIE AU GOULASH ! PIRE, JE VOUS TRANSFORME EN CIVET !
L’attaché du Grand Lapinovitch détalla les oreilles plaquées contre sa tête. Le grand dirigeant se fit la réflexion que, décidément, il n’était pas aidé dans sa lourde tâche. Depuis le palais présidentiel du sommet du cabanon de jardin, il admira la vue sur le grand potager entretenu par les escla… les fiers ouvriers de la République Populaire de Lapinovie. Deux coups de pattes pressés attirèrent son attention.
Garennine, son général des armées. Un soldat expérimenté, qui le respectait et ne le prenait pas pour un lapereau de six semaines.
— J’espère que les nouvelles sont bonnes, général.
— Oui, Grand Lapinovitch. La production du potager n’a jamais été aussi efficace. Dès demain, nous disposerons des cinquante lance-carottes, des quatre-vingt lance-salades et des cent-soixante lance-roquettes que vous aviez exigé. L’assaut contre la République des Ecureuils sera un succès. Ils choiront de leurs arbres sans avoir le temps de nous bombarder de leurs glands.
— J’espère bien… J’espère bien… Cela fait trop longtemps qu’ils nous narguent avec leur queue en panache.
— Oui, c’est indéniable. Je suis heureux qu’un vrai Lapin se soit enfin mis à cette tâche. A ce projet…
— Oui Garennine… Parce que c’est notre projet…
Lapinovitch sera les pattes et gronda entre ses moustaches. Bientôt, les Ecureuils allaient payer l’affront qu’ils avaient osé commettre, tant d’années auparavant…