Une rencontre de septembre
(par Downforyears)(Thème : DĂ©fi d'Ellumyne)
[ /!\ Attention, ce texte peut être considéré comme " gore " par des personnes sensibles, en raison d'une description violente >
Tant de bips résonnent contre les murs vert pâle et blanc de la pièce. Les oscilloscopes font échos à ses cris. Dans les couloirs blancs, une femme traine un meuble à roulettes comme une remorque.
Au centre, sous les projecteurs, dans la chaleur de l’été, une femme, écartelée. Je lui tiens la main, qu’elle me broie en retour. Cette décision nous appartenait, à tous les deux. Je regrette tellement qu’elle en souffre, je souhaiterais en prendre autant que possible, mais je ne peux pas. Je vois son souffle coupé, ses mâchoires serrées prêtes à déchausser ses dents. Je vois ses côtes tendues sous sa peau, sa cage thoracique déformée, comme prête à se déchirer de l’intérieur. Son bas-ventre ondule, parcouru de spasmes, comme si un extra-terrestre cherchait à en sortir. Je n’aperçois que la douleur dans ses iris, j’imagine le pire. Je ne veux pas tout perdre, pas aujourd’hui.
Elle crie si fort, j’en pleurerais presque. Chaque cri arraché à sa gorge me perce le cœur, me liquéfie les entrailles, ruine mes convictions. Je ne peux pas pleurer, je dois rester ferme, comme une pierre, comme un roc. Je me réfugie derrière l’once de courage qu’il me reste pour ne pas ajouter ma peur à la sienne. Je ne dois pas laisser ma peur prendre l’ascendant sur nous. Je l’encourage de paroles inutiles, déblatère ce que je peux comme mots de réconfort. Elle souffre depuis bien trop longtemps. La fin arrive, je le sais, elle le sait. Comme une délivrance, après cette torture.
Un dernier cri, et je sens l’odeur de la merde et de l’urine. L’homme qui nous accompagne tente de blaguer comme un humoriste flâneur, mais bien vite, nous nous apercevons que le calvaire se prolonge. L’angoisse n’en finit plus de monter, pourquoi n’en finit-elle pas de monter ?
Cette chose… Cette créature… Mélange de glaise grise parsemée de glaires vertes et bleues. Cette créature, inerte comme la mort. Je me mets à paniquer. Cette chose vient de sortir du ventre de ma femme en la déchirant, et alors que nous devrions souffler de soulagement, l’angoisse ne fait qu’empirer. L’homme arrache cet être hideux, coupe son lien avec ma femme, l’emporte dans une pièce attenante comme on emporterait un secret honteux. Je n’en peux plus, je sanglote.
Son cri résonne dans tout le bâtiment. L’homme m’invite à venir la voir. A regret, je quitte ma femme. Je soupire de soulagement devant cet être allongé sous une lampe. Je tente de sauvegarder chaque seconde dans ma mémoire, dans mon esprit, dans mon âme. Je soupire de soulagement devant cette petite créature si bizarre devant moi. Elle ressemble à un gobelin ou à un alien, possède mes cheveux je crois.
Cette créature que certains trouveraient hideuse, car réellement hideuse. Ce monstre que certains retrouveraient repoussant, car vraiment repoussant. Cette glaise objectivement laide. Ceux que certains considèrent comme des parasites, des virus, souvent en rigolant, parfois avec sérieux.
Une larme de bonheur coule sur ma joue. Je la trouve magnifique.
Ma fierté. Ma fille.