L'Académie de Lu





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Défi images 4 (chouette, tableau, Lune)


K3nt-307

(par Downforyears)
(Thème : DĂ©fi images 4 (chouette, tableau, Lune))



C’était encore l’un de ces soirs oĂą les techniciens du climat de la station avaient dĂ©cidĂ© qu’il pleuvrait sans discontinuer pour Ă©vacuer les dĂ©chets de la station. Un soir oĂą des centaines de parapluies multicolores formaient un parterre de fleurs aussi bigarrĂ© qu’un trip aux drogues de synthèses qu’aimaient prendre les organiques. Un soir Ă  siroter mon verre de whuit— sky en Ă©coutant le jazz de Sili-4 et Brando, Ă  repousser pour la septième fois de la semaine les mises Ă  jour qui voudraient forcer mes processeurs…


Mon instinct (un calculateur de probabilité troisième génération) ne cessait pourtant de me saturer de notifications. Les chances de ne pas finir ce verre étaient bien trop élevées pour que je puisse réellement me mettre en veille.


Alors que la vieille chaine hi-fi vintage passait au morceau suivant, trois coups résonnèrent contre la vitre de la porte de mon bureau. Alors que je m’apprêtais à faire la sourde oreille (donc couper mes capteurs de son), une voix faible, aigue et tremblante, activa mes routines informatiques. Satanée programmation…


— Monsieur K3nt ? Je suis bien chez le dĂ©tective K3nt-307 ?

— A moins que vous ne sachiez pas lire ce qui est Ă©crit devant vous, sur la vitre, oui, vous y ĂŞtes.

— Je… Quoi ? Peu importe. Monsieur K3nt-307,

— Juste K3nt, coupai-je en me levant, agacĂ©.

— Pardon, monsieur Juste K3nt… Je… J’ai besoin de vous. De vos services.


Je déposai mon verre sur mon bureau, et allai ouvrir la porte.


La cliente qui se tenait devant moi, car assurément elle était déjà une cliente, était pas mal pour une humaine, malgré sa cinquantaine d’année passée. Ses cheveux blonds et bouclés lâchés sur ses épaules n’avaient aucun mal à cacher deuxtrois rides qui embellissaient son visage à faire fondre la plupart de ceux de son espèce. Ses yeux bleus se posaient sur tous les recoins de mon bureau dans un mélange de crainte et d’espoir. Son manteau de fourrure synthétique taille moyenne mouillé par la pluie puait le parfum bon marché et ses bottines en cuir ne tiendraient pas jusqu’à la fin des soldes. Des dizaines de mesures et de paramètres se calquèrent sur mon champ de vision et je créais un nouveau dossier dans ma mémoire. Encore un, qui s’entasserait surement avec le reste dans mon disque dur une fois cette affaire terminée…


— Installez-vous, je vous prie. Vous ĂŞtes madame ?

— Lydia de Vito. Peut-ĂŞtre me connaissez-vous, j’étais une danseuse de revue cĂ©lèbre sur Lupa-3…

— Non, je ne vous connais pas, la coupai-je d’une voix sèche et mĂ©tallique. Et lorsque nous en aurons fini, je vous oublierai surement. DiscrĂ©tion, et cætera, et cætera… Que vous arrive-t-il pour que vous veniez faire appel Ă  mes services Ă  une heure aussi tardive ?

— Je… hĂ©sita-t-elle. C’est… C’est mon fils, Daniel. Il est introuvable depuis dix jours. J’ai peur qu’il lui soit arrivĂ© quelque chose. D’habitude, il m’appelle tous les deux jours, il m’envoie un selfie toutes les semaines, il… Je n’ai plus de nouvelles de lui ! Et avec ces affaires sordides, je suis sur qu’il lui est arrivĂ© quelque chose !

— Ces affaires sordides ?

— Cette nouvelle mafia, ces nouvelles drogues, l’insĂ©curitĂ©, les Ă©trangers, les androĂŻdes victimes de bugs- oh, mĂŞme si je suis sĂ»re que vous ĂŞtes tout Ă  fait respectable, monsieur K3nt - le chĂ´mage de masse, ce virus aussi dangereux qu’en 2069… Faites quelque chose, retrouvez-le avant qu’il ne soit trop tard !


Je me massai les tempes métalliques autant pour encaisser son flot de paroles que pour ne pas la jeter dehors immédiatement, et déguisai un long soupir en sursaut de ventilation. Encore une folle qui croyait tout ce que racontaient les journaux pour se faire vendre… Son gamin était surement au casino du coin, à un bandit manchot en espérant aligner les 7.


— Madame de Vito, je vais retrouver votre fils, mais j’ai besoin d’informations. OĂą Ă©tait-il la dernière fois qu’il vous a parlé ?

— La dernière chose qu’il m’a envoyĂ©, c’était cette photo.


Mes capteurs photographièrent l’écran de son smartphone et une réplique s’afficha sur le côté de mon champ de vision. Son fils, souriant benoîtement dans l’entrée d’un bâtiment. Un hall au carrelage parcouru de carrés blancs et noirs imbriqués, d’immenses colonnes rouges dans le style classique, un canapé r0c0c0 rouge… Des dizaines de tableaux aux murs, dont l’un qui représentait un œil dans un style impressionniste. De vieilles lampes et deux balcons de chaque côté. Un point d’exclamation, suivi du chiffre un, s’afficha soudainement dans le coin supérieur gauche de ma vue. Je connaissais cet endroit, un vieil hôtel des bas-quartiers de Néovidia. Le Schrod.


— Madame de Vito, je vais essayer de faire de mon mieux pour retrouver votre fils. Cependant, mes services ne sont pas gratuits. Mille deux-cents crĂ©dits, payables en une ou plusieurs fois.

— Vos services… ne sont pas donnĂ©s, c’est certain. Mais tant que vous retrouvez mon petit Dany en vie, je suis prĂŞte Ă  faire ce sacrifice financier. Retrouvez-le, et je vous paierai cette somme.


La paperasse administrative prit moins de temps que je le craignais, et alors que Madame de Vito venait de sortir de mon bureau, je m’autorisai même à finir mon verre. Le whuit-sky finit de me décrasser les circuits, et je pris mon imperméable noir et ma canne. Un chapeau de chez Septime-&-Lorod, aux bords modifiables, compléta l’ensemble… Avec un peu de chance, l’affaire serait finie dans les deux heures…


Après douze minutes et trente-six secondes passées dans un taxi miteux, je payai le chauffeur six crédits et quelques, et sortis de l’habitacle. Un grésillement désagréable m’informa que mon chapeau S&L dysfonctionnait, et alors que j’entrai dans le Schrod, les bords se mirent à se désagréger en de fines volutes de nano-fibres. Je me refusai cependant à le jeter, préférant m’assurer que j’étais au bon endroit.


Les tableaux, les colonnes, le canapé, les lampes… Tout était là, même si depuis ma venue, le propriétaire avait fait ajouter un piano à l’entrée. Un automate, ressemblant comme deux gouttes d’eau à une vraie chouette effraie aux ailes d’un gris métallique, jouait une mélodie simple, presque inquiétante. Neuf notes répétées en rythme… Était-elle buguée ?


Je m’approchai doucement de la réception, occupée par une Silécienne à la peau bleu pâle, plutôt mignonne. Son crâne chauve laissait apparaitre treize petites cornes disposées en un V parfait, et ses yeux presque blancs parcouraient des liasses de documents. Derrière elle, un panneau à clous accueillait les nombreuses petites clés des chambres encore disponibles. Huit d’entre elles manquaient à l’appel. Huit clients ?


— Bonjour, comment puis-je vous aider ?

— Bonsoir, rĂ©pondit-je en calquant les informations du dossier sur ma vue. Je cherche un homme, la vingtaine, cheveux noirs, assez grand. Un dĂ©nommĂ© Daniel.

— Monsieur…

— K3nt.

— Monsieur K3nt, je suis dĂ©solĂ©e, je ne peux vous donner ce genre d’informations confidentielles. Vous comprendrez que notre Ă©tablissement se veut discret avec les affaires de nos clients. Je vous prierai donc de bien vouloir partir.


Je jurai intérieurement, puis feignit un malaise robotique.


— J’ai… Je suis dĂ©solĂ©, madame, j’ai… un problème de fuite sur certains circuits. Auriez-vous des toilettes que je peux utiliser ? J’aimerais Ă©viter de tacher le marbre de votre superbe entrĂ©e. Je partirai ensuite, promis.

— Couloir de gauche, porte numĂ©ro Une.

— Merci beaucoup.


Je me dirigeai prestement vers les toilettes, puis une fois hors de la vue de la réceptionniste, bifurquai vers les escaliers de service. Huit chambres occupées, huit chambres à vérifier. A commencer par la numéro onze.


Alors que je m’apprêtais à frapper doucement à la porte de la chambre, mes capteurs perçurent des gémissements. De la douleur ? Mon intuition calcula les probabilités à plein régime, et je fis la seule chose acceptable si je ne voulais pas risquer de revenir vers madame de Vito avec de mauvaises nouvelles.


J’enfonçai la porte…


Et fermai les yeux pour essayer d’effacer de ma mémoire ce que mes capteurs avaient eu le temps d’imprimer. Je remplaçai la photo que j’avais eu le temps d’enregistrer par la première image qui me vint. Le tableau d’une lune rousse surplombant une chute d’eau, comme si elle saignait d’un flot ocre et doré.


— Qui ĂŞtes-vous ??? me hurla une AndroĂŻde en me jetant un vase que j’encaissai sans douleur.

— Je suis dĂ©solĂ©, chĂ©rie, je pensais que cet hĂ´tel Ă©tait vraiment discret ! s’excusa l’homme qui occupait le mĂŞme lit qu’elle.

— Monsieur de Vito ?

— Qui ĂŞtes-vous ? hurla Ă  nouveau l’AndroĂŻde.

— DĂ©tective K3nt-307. Monsieur de Vito, votre mère s’inquiète pour vous.

— Zut ! Elle ne peut pas me laisser tranquille deux semaines, celle-là ? Je peux tout vous expliquer !

— ChĂ©ri, ça devient ridicule ! Tu m’avais promis que tu lui en avais parlĂ© pour qu’elle nous laisse tranquilles.

— Mon mail est peut-ĂŞtre passĂ© dans les indĂ©sirables ?

— Tu as informĂ© ta mère par mail ? PAR MAIL ? Pas surprenant qu’elle ne se soit pas montrĂ©e Ă  notre mariage ! NOTRE MARIAGE !

— Tu sais bien qu’elle se mĂ©fie de tout ce qui sort de l’ordinaire !

— De… C’en est assez ! Si tu n’as pas le courage de parler de nous deux directement Ă  ta mère, alors ce n’est mĂŞme pas la peine de continuer ! Tu peux oublier notre union ! Remets les choses en ordre avec elle, Daniel, ou c’en est fini !


Je laissai l’Androïde se ruer en furie vers la salle de bain, et me tournai vers Daniel.


— Vous m’expliquez ?

— Ma mère tolère peu de choses, et mon union avec 6-Ri-L… Je sais qu’elle ne l’acceptera pas. Mais j’avais envie de faire ma vie avec elle. Et maintenant…

— Maintenant, vous allez lui dire la vĂ©ritĂ© en personne. Votre mère s’inquiète et m’a payĂ© pour vous trouver. Si vous voulez mon conseil, il y a plus de chances que cela se termine bien si vous lui expliquez tout.

— Et si elle ne l’accepte pas ? Oh, je le sais. Elle ne l’acceptera pas ! Elle me dĂ©shĂ©ritera ! Et c’est ma mamounette qui me finance encore un peu, et…

— Quoi ? hurla 6-Ri-L depuis la salle de bain. Alors en plus de ne pas avoir de… de… de rĂ©servoirs, tu va ĂŞtre pauvre si je reste avec toi ! Bravo, Daniel, notre mariage n’aura pas durĂ© treize jours ! Fiche le camp, et retourne chez ta carte-mère ! Je ne veux plus te capter !


Un sourcil mécanique levé, j’observai Daniel de Vito partir piteusement…


— Je n’arrive pas Ă  croire que j’ai pu me laisser embobiner par ce mec, feula 6-Ri-L en allumant une vapoteuse, contrariĂ©e. Dites… j’ai pas vraiment le temps, lĂ , je pense que je vais rentrer chez moi pour essayer d’effacer ce gus de mon disque dur. Mais… demain je suis libre.


6-Ri-L s’approcha de moi, et ses mains métalliques frôlèrent mes plaques pectorales. Ses capteurs, l’agencement de ses parties mécaniques forgées et frappées avec soin… un grésillement satura mes données quelques instants alors qu’une étincelle claquait entre nous deux. Je jurai intérieurement, en sachant que je n’allais pas couper à la mise à jour…


— Vous, moi, demain, ronronnèrent les doux haut-parleurs de 6-Ri-L… Ça vous dit, un cinq— Ă -sept ?














Awoken

Ton texte est très chouette, j'ai beaucoup aimé le coup du "whuit-ski". Bravo!


Le 01/01/2023 à 22:22:00

















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