![]()
![]()
![]()
![]() ![]() Contraintes aléatoires Contraintes à sélectionner soi-même Testeur d'auxiliaire Situations aléatoires (défi de Schrödinger) Textes sans commentaires Générateur de situation/synopsis ![]() Ă€ la manière du western
![]()
Jilano![]() Spectacles![]() ![]() ![]() La maison de Vein Street(par Jilano)“En application de la décision de la cour martiale provisoire et en vertu du décret royal concernant la collaboration avec les séditieux du Nord, Fabian Shawn Cooper…”
Une corde qui se tend, du bois qui claque, un cou qui craque alors que les sabots de Reina frappent le sol avec un rythme que l’habitude m’a appris. Le bourreau a fait du zèle, le hérault a même pas fini de parler.
“...est condamné à mort.”
C’est le troisième type qu’on pend cet après-midi, devant une petite foule venue assister à la mort ridicule de civils étrangers condamnés pour avoir donné à manger à un de leurs cousins. Ou pour avoir entendu parler d’un de leurs frères qui aurait donné à manger à un de ses cousins. A moins que ce ne soit pour être le frère d’un autre qui se serait vu offrir un dîner par un inconnu. Je quitte vite Croware Square pour m’aventurer avec le canasson dans les ruelles d’Inkagh. Les voies pavées sont complètement désertes et le soleil qui tape encore depuis son zénith fait sécher la crasse poussiéreuse que la pluie a vraisemblablement pas lavée depuis un temps certain. Je passe à côté d’un ouvrier qui lève des yeux méfiants alors que ma jument passe à sa gauche avant que la légère brume de suie ne me laisse enfin distinguer l’enseigne rouge de Martha, en face de moi sur une rue plus large dont un regard à ma gauche me rappelle le nom. Vein Street.
Je pénètre enfin dans la cour au portail ouvert, à droite de la façade du pub. Posant pied à terre, je laisse ma monture dans un box, tape mes bottes contre le mur pour en faire tomber la poussière et m’avance vers la porte, discrète, sur un bord de la cour. Trois coups du marteau de la porte plus tard, le battant s’entrouvre pour laisser apparaître une jeune femme. Elle porte de longs cheveux noirs attachés et une robe longue verte, sobre et élégante. Elle réussit à peine à faire passer un regard soucieux par-dessus mon épaule avant de le planter dans mes yeux pour m’adresser la parole.
— Bonjour monsieur… — Bonjour, je cherche Martha. Tu… — Madame doit ĂŞtre dans son bureau. Vous ĂŞtes un client ? — Pas vraiment… PlutĂ´t un ami. — On m’a pas prĂ©venu de l’arrivĂ©e d’un… ami. Attendez-moi Ă l’intĂ©rieur, je reviens.
Elle me laisse entrer avant de refermer la porte, de pousser le verrou et de s’éloigner vers l’escalier. Au moins, elle me fait assez confiance pour me laisser seul. L’aménagement a changé depuis la dernière fois : les murs de brique autrefois nus et sales ont été refaits, de nouveaux meubles, maintenant sans échardes, on remplacés les vieilles planches mal poncées des étagères d’autrefois, des tapis, des chandelles et des lampes à huile donnent désormais à l’endroit une ambiance bien plus sympathique. On dirait que la proprio veut faire grimper la cote de l’endroit.
— Alors fils, on revient rembourser maman ? s’exclame ladite propriĂ©taire depuis l’escalier. — Bonjour Ă toi aussi, Martha. Ouais, je suis lĂ pour te rendre ce que je te dois. — T’en aura mis du temps, Jila, rĂ©plique-t-elle en descendant les dernières marches. Tu sais que je suis pas particulièrement patiente. — Le voyage est long depuis la capitale. — Laquelle ? — Londres. Tiens, lui dis-je en tendant un bout de papier signĂ© de ma main, il est garanti par la directrice. — Tant mieux, j’ai pas trop confiance en tes chèques de vagabond.
Dans la bouche de Martha O’Brien, « vagabond » est plus ou moins synonyme de « artiste ». Une jeune femme à la jupe et aux cheveux courts descend l’escalier derrière l’imposante silhouette de la patronne, se faisant la plus petite possible, mais pas assez.
— Ton maquillage est imparfait, Lauren.
Son ton n’appelle à aucune réponse : la fille tourne aussitôt les talons.
— En tout cas c’est bien que tu aies pensĂ© Ă moi, fiston. Si tu veux rester pour la nuit… — Non, non merci, ça ira. Je prĂ©fère encore trouver une auberge plus… sage que la tienne. — Tu sais pas ce que tu manques… — …et c’est aussi bien comme ça. Adieu, Martha, j’espère ne plus jamais avoir Ă te filer de chèque. — On se reverra dans tous les cas, pas besoin de se dire adieu… — Dans le doute…
Un cri de rage vient de retentir dans le pub. Un second suit, de douleur lui. Je me précipite sans attendre l’approbation de Martha vers la porte que je sais mener au bar et l’enfonce d’un coup d’épaule sans plus de cérémonie. Mon regard est attiré par les gémissement d’une des filles en tenue légère : c’est le quatrième coup de poing que lui aligne ce colosse chauve au chapeau melon. Un de ses camarades vient de terminer un vieux client d’un coup de pied dans les burnes et le barman, un jeune qui a dû remplacer l’ancien Math, est aux prises avec un troisième gros bras. J’entends un nez qui se pète et le vieux qui se tord de souffrance par terre sans savoir comment réagir avant de voir le chapeau melon déchirer les vêtements de la prostituée.
— Quand faut y aller… que je me marmonne Ă moi-mĂŞme.
Je dégaine, tire un coup en l’air. Immédiatement, un autre claquement retentit et je me jette contre le comptoir. La fille a cessé de beugler ; pas moyen de savoir si c’est une bonne ou une mauvaise nouvelle. J’entends qu’une table et les verres qu’elle portait ont été renversés avant que je me permette de jeter un coup d’œil pour voir un client tomber, frappé de plein fouet par deux des trois balles tirées par le type au chapeau melon. Contre toute attente, le barman a maîtrisé son adversaire qu’il tient désormais en bouclier humain en tentant de fuir le champ de bataille. Le bouclier s’est pris une balle, d’ailleurs. Et je crois que le chapeau melon m’a choisi comme adversaire, au vu de la balle qui fait péter la bouteille de whisky, irlandais évidemment, à côté de moi qu’il vient de tirer. Du sang vient rejoindre la collection de taches d’alcool sur sa chemise avant qu’il ne s’effondre. Un flingue au barillet vide frappe le sol en tombant alors que le cogneur de couilles ramasse le revolver du chapeau melon et se jette à terre pour se planquer entre la table renversée et le corps de son pote. Je passe par-dessus le comptoir avant de tirer deux coups dans sa direction pour couvrir ma course pour renverser la table la plus proche de la sortie, à trois pas de la porte. De là , je vois la vitrine derrière l’ennemi voler en éclat après deux balles de son arme. Je tente de l’abattre alors qu’il sort par sa porte improvisée, mais mon tir touche pas et il sort de mon champ de vision. Je m’élance dans la rue pour l’avoir dans sa fuite, tirant une nouvelle cartouche vers la vitrine pour couvrir ma poursuite. Après un dérapage contrôlé, je me retrouve face à lui, canon droit vers son visage éclaboussé de sang. Il pointe aussi son arme sur moi.
Mais il se passe rien. Les cliquetis misérables de nos armes vides sont les seuls bruits qui me parviennent. L’autre a déjà son couteau en main, il s’élance vers moi, un dernier coup de feu retentit et l’autre termine sa charge dans la poussière à peine le premier pas fait. Martha, de l’autre côté du cadavre, abaisse son fusil.
— Je sais pas si je dois te remercier ou te demander rĂ©paration pour le bordel que ça a foutu.
|