Des emplettes pas comme les autres
(par Korokoro)(Thème : MĂ©lilĂ©mots inversĂ©)
C’était un matin comme les autres pour ce boulanger du nord de la France. Se lever tôt, faire le pain, préparer la boutique. Puis ouvrir, servir les clients, comme d’habitude. Mais ce n’était pas un matin comme les autres pour l’homme qui venait d’entrer, aux alentours de onze heure ; et cela cesserait très bientôt d’être un matin normal pour le commerçant également. L’homme était habillé de ce qu’on pourrait qualifier de costard du pauvre : un t-shirt blanc, une veste, des chaussures et un jean noir, et un chapeau de feutre, également noir. Il avait des lunettes à l’ancienne et une mallette vieillotte. Il s’approcha du comptoir et salua le boulanger.
— Greetings, monsieur.
— Euh, heu, bonjour Ă vous aussi, balbutia ce dernier, visiblement peu Ă l’aise avec l’anglais. Qu’est-ce que ce sera ?
— Deux pains aux chocolat, shopkeeper.
Son locuteur se retourna pour préparer la commande, et marmonna, tandis qu’il fourrait les pâtisseries dans un sac, « Qu’est ce qu’il me baragouine, le british, je suis pas un chauve qui pleure … »
Il se retourna avec un grand sourire vers son client, et continua son manège du parfait petit boulanger.
— Avec ceci ?
— Le magasin, please, rĂ©pondu celui-ci sans une once d’hĂ©sitation.
Le cerveau du propriétaire des lieux mis quelques secondes à traiter l’incongrue demande, avant de scruter minutieusement le visage de l’étrange personnage à la recherche de signes indiquant l’humour. Rien.
— Sir ? l’interpella l’individu d’un accent anglais de plus en plus prononcĂ© au fil de la discussion.
— Je suis dĂ©solĂ©, monsieur, mais mon magasin n’est pas à –
Avant qu’il ait le temps de terminer sa phrase, l’individu avait sortit un pistolet qu’il braquait droit sur son interlocuteur.
— Oh, yes it is !
— Je – je ne – j-j-je –
— Calm toi ! assĂ©na-t-il. Mes boss et moi, on veut ce building. Et on est prĂŞts Ă pay Ă peu près n’importe quel price. Dis nous just combien tu en veux.
— U-u-un m-m-milliard ? hasarda le dĂ©sormais otage, blanc comme un linge.
— Too cher ! cria l’homme, un sourire carnassier sur le visage.
Il tira alors à quelques millimètres du commerçant, déchirant sa chemise et entaillant son bras. La balle vint se planter dans le mur de céramique autrefois blanche, et désormais rouge du sang de l’homme qui venait de s’effondrer.
— Un million ! cria-t-il, dĂ©sespĂ©rĂ©.
— A bit trop cher … susurra l’homme en plissant les yeux.
Les yeux de l’homme au sol se remplirent d’une terreur sourde et de nombreuses larmes l’empêchant de voir la mort arriver. Mais contre tout attente, l’assaillant déclara simplement « J’accepte. » avant de jeter sa mallette au visage de l’homme, qui cassa le nez du pauvre bougre et s’ouvrit à l’impact en laissant tomber nombre de billets sur le sol ensanglanté.
Il prit alors ses deux pains au chocolat sur le comptoir, et sortit de la boutique en lâchant quelques pièces et un « au revoir ». Après s’être éloigné de quelques rues, il sortit son téléphone et appela ses patrons. Des hommes en noir arriveraient quelques minutes plus tard pour nettoyer l’ancien commerce et faire partir le propriétaire précédent.
Ce jour là , la mafia britannique avait installé son premier avant-poste en France.