L'Académie de Lu





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(par Malkym)
(Thème : Histoire alĂ©atoire)



= The Court Jester =


Affalée sur le digne et haut siège de bois et de velours, sa majesté me fixait, une mine désappointée et ennuyée au travers de ses iris gris et vitreux. Un long corridor rouge nous séparait alors, cerné de part et d’autre des murmures hautins et d’yeux déçus. Tous semblaient gênés de ma présence. Tous se contentaient de vider leurs verres en me noyant de remarques et de pics désapprobatrices. Et moi, j’hésitais, immobile, faisais face à la plus haute personnalité de ce royaume que jamais je n’aurai cru un jour avoir à rencontrer. Lui qui, de son estrade, de sa hauteur, de ses terribles pupilles, renvoyait déjà du regard celle qu’il n’avait pas souhaité voir. Pourtant, serrant plus ardemment mon bâton au creux de ma main gantée, je fis un pas.

« Où est Triboulet ? Grogna-t-il à travers sa longue barbe blanchie par le temps.

— … MaĂ®tre Triboulet est gravement malade, hĂ©sitais-je. Il est pris de tremblements, de sueurs, et il ne pourra guère vous honorez de sa prĂ©sence aujourd’hui… Mes excuses, monseigneur.

— Eh bien ! J’ai toujours su que, de grenouille arlequin, le bougre Ă©tait plutĂ´t crapaud ! »

L’auditoire se mit à se tordre de rire à l’unisson, faillant entacher leurs divins habits d’un vin rouge sang et noir d’hypocrisie. Muette et stoïque face à ce plutôt piètre calembour, je fis un nouveau pas en avant sur le tapis rouge orné. Surpris de l’impolitesse dont je fis alors sans doute preuve en osant ne pas imiter les hyènes de l’assistance, sa majesté ouvrit tant sa bouche que ses paupières colériques et gronda de nouveau.

« Tu ne ris pas, rouquine ? Ton maître ne t’a donc pas appris à respecter ton roi ?

— Mais… bien sĂ»r que si, messire ! Or, il m’a aussi chargĂ© de la lourde tâche de le remplacer en ce jour. Il m’incombe donc de la responsabilitĂ© de vous dire que ce jeu de mots, bien que lĂ©gèrement recherchĂ©, n’en restait pas moins exĂ©crable.

— Ah ! Alors tu es ma folle du jour ? J’aime ton franc-parler, Triboulet t’a somme toute parfaitement formĂ©e, jeune fille ! Alors dis-moi, quel est ton nom, rainette ? »

Mon maître m’avait fait répété cette entrée en scène sans relâche depuis des semaines. Mais enfin la réaliser devant les regards exigeants et intransigeants du public le plus difficile du continent était tout autre que de répéter sous les yeux chaleureux du bon Triboulet. Je tirai une sucrerie mielleuse de ma poche et la fit sauter de ma main à ma langue. La douceur me porta courage, les courtisans ne comprirent pas, le roi sourit.

Le pied-droit en arrière, le gauche en appui pour l’élan, la main-gauche flânante et la baguette loin devant… J’entonnais mon sortilège avant d’enfin me mouvoir en trois roues de flammes le long du corridor, m’appuyant tantôt sur ma main, tantôt sur ma baguette flamboyante, tantôt sur mon pied-droit, jamais sur le pied-gauche. Maître Triboulet n’avait cessé de me le répéter ! Le gauche est toujours destiné à mieux que cela. Ne pas fermer les yeux, surtout pas, même sous le masque. J’étais si concentrée, le visage crispé, l’esprit empli de directives, de conseils… Mais je m’exécutai. Parfaitement. Dans un silence impressionné. En un trait de flamme final, sous la barbe blanche de sa majesté, je réceptionnais mon soulier noir à grelot contre le long tapis rouge, tirant mon masque et ma révérence à mon haut roi, devenu muet.

« Ô, à vous, mon grand et vieux Roi, l’on m’a nommé Jester, que l’arrogance perdra ! »

Et pour clou du spectacle… la chute. Je trébuchais sur mon pied gauche et me rétamais avec disgrâce sur les bottes de sa majesté, qui se retint de s’effondrer de rire aux sons des grelots remuant de ma tenue bicolore. L’assemblée ne prit pas la peine de cette politesse et s’esclaffait déjà devant l’absurdité de la scène. Il faut dire que je l’avais plutôt travaillé. L’association audacieuse de l’admiration, de l’étonnement, de l’arrogance et de la bêtise. Il fallait en trouver l’équilibre et je crois que les rires moqueurs du public en traduisaient un succès retentissant. Affalé de tout mon long sur le sol, il me semblait que la fierté pouvait tout-de-même se lire sur mon visage jovial, pourtant caché de mes quelques mèches rousses.

« Jester ? Tu… Ah ah… tu t’appelles Jester ? Eh bien, tu as particulièrement bien choisi ta vocation, ma chère ! Et pour ce qui est de cette arrogance… J’espère pour toi qu’elle ne te mènera pas trop loin.

— Je ne m’en fais pas trop pour cela, monseigneur ! RĂ©torquais-je en me relevant. Mais… je ne peux rien vous promettre, conclus-je avec quelques pas de recul tout en masquant de nouveau mon visage rieur.

— Une vraie diablesse ! Me lança-t-il dans un rire gras en mĂŞme temps qu’une pièce d’or Ă  son effigie. VoilĂ  qui fera la joie de ton maĂ®tre.

— J’en suis certaine, monseigneur ! Je vous remercie de votre si grande radinerie.

— Tu ne mĂ©rites pas mieux, pour l’heure, s’assombrit-il soudainement. Mais j’aime vraiment beaucoup ton humour si… piquant. Narre-nous donc une plaisanterie supplĂ©mentaire, je t’en prie. »

Je reconnus en ces mots une claire menace. Jetant un regard autour de moi, je pus m’apercevoir le mouvement de quelques gardes s’approchant à travers la foule. Le bon Donatien Ier était donc exactement tel que mon maître me l’avait décrit. Un vieux crapaud gris et croulant que chatouiller finissait par faire coasser. Il faut croire que la franchise et l’impertinence étaient deux choses bien proscrites dans ce château. S’il y avait bien une chose que je ne supportais pas, c’était de devoir surveiller mes paroles… mais le choix ne m’était plus vraiment donné. Ainsi, reculant en quelques pas agiles, tirant à chaque pas un peu plus une révérence polie, je m’exécutais.

« Une petite dernière ? Qui donc ici possède mille jambes de bois, dix-mille pieds-de-nez, quinze-cents bras croisés, dix-huit-cents mains ensanglantées, mais une seule et unique tête couronnée ? »

Tandis qu’un vaste rire s’élançait de nouveau à travers la salle, laissant tomber une moquée pour un autre, le vieux Donatien tirait une grimace confuse témoignant de son incompréhension. Sa lenteur d’esprit ne me surprit que bien peu, en vérité. Souriant tant devant que derrière mon masque, je tirais mon bâton devant moi et, faisant sonner une dernière fois les grelots de ma couronne, je disparus à travers une épaisse brume colorée. Il me semble que la dernière chose que j’entendis fut sa majesté s’époumoner en une insulte riante. Ainsi, j’avais parfaitement accompli ma tâche. Mon maître en aurait sans doute été fier.

« Tu n’imagines pas la honte dans laquelle tu me plonges, Jester !! Furent pourtant les mots qui résonnèrent à mes oreilles rougies, ce soir-là. »

Je restais muette Ă  ces plaintes, assise piteusement sur mon tabouret de bois.

« Bon sang ! *tousse* Tu n’avais qu’une chose à faire ! M’excuser !! Qu’est-ce qui t’a prise de prendre ma place ?

— …

— RĂ©ponds, Jester ! Quelle idĂ©e t’est passĂ©e par la tĂŞte ?!

— Sa majestĂ© avait demandĂ© son Fou… Je n’allais pas le mĂ©contenter, me dĂ©fendis-je faiblement.

— Bah tiens… Donatien se serait simplement passĂ© de moi en râlant et l’histoire se serait arrĂŞtĂ©e là !

— … mais il a Ă©tĂ© diverti ! Ils l’ont tous Ă©té ! N’ai-je pas accompli mon devoir ?

— Tu n’es qu’une apprentie, tu n’as aucun droit de te prĂ©senter Ă  la Cour. Et qu’est-ce qui te dit qu’il a bien pu apprĂ©cier ta prestation ? Ce ne sont tous que des hypocrites, lĂ -bas, tu le sais !

— Il m’a donnĂ© ça. »

Soulevant mon bonnet cornu, je fis rouler la pièce étincelante jusque dans ma main. Maître Triboulet parut troublé. Il s’en empara d’un coup et la fourra dans sa poche avec empressement. Puis, dans un soupir lassé, il vint s’appuyer des deux poings à son bureau et hocha la tête, mécontent, en observant le soleil se coucher derrière les murs de la cité, à travers la fenêtre qui lui faisait face.

« … Le médecin est passé, peu avant ton… ton entrée en scène. Ses conclusions n’étaient pas des plus encourageantes et…

— … et ? Insistais-je inquiĂ©tĂ©e.

— Je vais devoir quitter la Cour pendant quelques semaines, Jester. Le mal qui m’a atteint est un peu plus grave que je ne le craignais et il nĂ©cessite l’aide des alchimistes des Monts Bleus. Et je crains que tu ne doives me remplacer de nouveau pendant quelque temps. Ah, avec la pagaille que tu as mise aujourd’hui, tu pars avec une sacrĂ©e flèche dans le pied, crois-moi !

— Je… je vois. Merci de cet honneur, MaĂ®tre ! Je ne sais pas vraiment si j’en ai l’étoffe, mais…

— Ta leçon est terminĂ©e, m’interrompit-il sèchement. Rentre chez toi, Jester. Ton frère doit t’attendre. »

Sans plus un mot, je tirai mon bonnet pour saluer mon maître de mes grelots et quittai la pièce. Malgré cette mauvaise nouvelle, une grande opportunité allait sous peu s’offrir à moi, et je n’hésiterai pas à en profiter ! Mon inquiétude à l’égard de Maître Triboulet se dissipait déjà à la pensée excitante de devenir la nouvelle Bouffonne de la Cour ! Ce soir, on put apercevoir sautiller dans les rues la joyeuse Jester !


FIN.














Downforyears

ça fait plaisir de te lire de nouveau, et j'ai senti le plaisir que tu as pris à l'écrire.
Le personnage principal est très réussi, et je me suis demandé si le masque était un vrai ou son expression .
Le croquis que tu en as fait sur mur-d-expression est aussi très réussi.


Le 15/10/2021 à 08:12:00



Sourne

bah bravo Malkym, avec tout le rouge que t'as foutu partout, j'ai été OBLIGE de tout lire xD Je plaisante, bref. J'ai bien bien aimé ton nouveau texte, avec ce nouveau perso ! les défauts, heu les défauts... il y a un accord foireux. Je crois xD


Le 15/10/2021 à 15:45:00



Awoken

pour "the court Jester". Jester est un personnage intéressant et tout cet univers a énormément de potentielle, j’espère que tu feras d'autres textes avec.


Le 15/10/2021 à 19:06:00



JilanoAlhuin

"The court Jester" : Pour un retour, quel retour! Ce nouveau personnage et cette histoire que tu nous présentes sont superbes, et je suis curieux de savoir si tu vas suivre avec ! La finesse et la ruse de Jester ainsi que ses pics envers sa majesté sont tout simplement superbes, et le tout est joué superbement bien, encore plus avec les descriptions que tu nous accordes, qui sont simples, mais légères et qui n'ont pas besoin de plus pour la scène. Un très bon texte !


Le 03/11/2021 à 01:55:00

















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