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Schrödinger![]() Spectacles![]() Chroniques de Léonia
![]() ![]() Sans regrets(par Schrödinger)15 ans. 15 ans pour en arriver lĂ . 15 ans de corruption, d'intrigues, de manipulations, d'alliances. 15 ans de crimes, aussi, souillant mon âme au-delĂ de tout espoir de salvation. Mais peu m'importe. Ce qui est fait, est fait. C'Ă©tait nĂ©cessaire. Le pays pĂ©riclitait, la faute Ă ce roi trop mou, trop arrogant, bouffi de l'importance de sa lignĂ©e. Ce roi qui ne s'intĂ©ressait qu'Ă son prestige, Ă son avenir. Ce roi Ă l'esprit faible, incapable de prendre les dĂ©cisions qui s'imposent. Ce roi qui prĂ©fĂ©rait ignorer le jugement Ă©clairĂ© de son plus vieux conseiller. Ce roi qui avait pris sa fille unique Ă son père, pour ne pas la sauver, pour l'oublier dans les bras d'une autre. Le royaume pĂ©riclite, c'est un fait. Je ne suis pas Ă©tranger Ă cette situation dĂ©sastreuse, c'est un autre fait. Un fait irrĂ©futable. Les dignitaires qui m'ont accompagnĂ© dans mon entreprise ne semble pourtant pas s'en rendre compte. Trop centrĂ©s sur leur profit, ils ne se rendent pas compte que leur utilitĂ© touche Ă son terme. Sa MajestĂ© est sur ses dernières rĂ©serves. Un dernier choc, et son cĹ“ur lâchera. Le trĂ´ne sera ensuite libre. Quelques mois et une rĂ©vision des lois de successions de plus, et ma prĂ©cieuse petite-fille pourra y siĂ©ger, et entreprendre de redresser la barre de ce navire en perdition… Oui, tout se profile comme je l'avais imaginĂ©. Une quinte de toux attire mon attention sur la silhouette agenouillĂ©e au pied des marches depuis plusieurs minutes maintenant. TĂŞte basse, le prince tente de contenir ses expectorations, en pure perte. Ses soubresauts dĂ©voilent les marbrures maladives qui parsèment sa peau. Bien. Ă€ ce stade, plus rien ne peut le sauver. Dans quelques mois, tout sera terminĂ©. Comme souvent depuis peu, j'envisage un instant de faire preuve de merci et de lui permettre de profiter de repas sains pour ce dernier sursis, mais quelque chose me retient. La force de l'habitude, je suppose… Sa MajestĂ© quant Ă elle ne semble pas entendre son unique hĂ©ritier s'Ă©trangler Ă ses pieds. Les yeux dans le vague, il marmonne tout bas un charabia abscons, conversant avec ce que lui seul peut voir. Ces hyènes de notables se pressent autour de lui tandis que je reste Ă l'Ă©cart, profitant de son Ă©tat second pour grappiller quelque faveurs oubliĂ©e dans l'instant. Leur harcèlement constant, naguère fort utile pour embrouiller l'esprit de ce balourd de souverain, vrille dĂ©sormais mes tympans, mais je les laisse faire Ă leur guise; leur soutien m'est encore essentiel, par malheur. Il est cependant grand temps d'abrĂ©ger la sĂ©ance; si important soit-il d'Ă©tancher la soif d'humiliation de ma mĂ©nagerie caquetante, il me faut dès Ă prĂ©sent m'employer Ă redresser ce pays mis Ă mal par ma dĂ©cennie d'intrigues. Je n'ai pas de temps Ă consacrer Ă ces futilitĂ©s. L'extrĂ©mitĂ© de mon sceptre s'abat sèchement, rĂ©duisant l'assemblĂ©e au silence, et ma carcasse fatiguĂ©e se met en branle, droit vers mon gâteux roitelet. D'un coup de pied discret, je rejette la chevelure d'argent du souverain qui s'amasse tout autour du trĂ´ne en paquets sales. Trop longs, trop Ă©pais, trop nĂ©gligĂ©s. Mais la vieille carne est intransigeante: jamais un descendant de la maison de Leonia ne verra sa coiffure accourcie. Pff. Une autre tradition absurde Ă abolir… — Le prince Regall est arrivĂ© Votre Altesse… chuchotĂ©-je Ă son oreille, enfin parvenu au trĂ´ne. Une lueur tremblotante apparaĂ®t dans son regard hagard. Il se redresse, baisse les yeux vers la silhouette de son fils, semble reprendre du poil de la bĂŞte. Les notables s'Ă©gaillent comme une volĂ©e de vautours, prĂŞts Ă revenir Ă la charge en un temps plus favorable. Seuls restent près du trĂ´ne ma propre personne, en ma qualitĂ© de Chancelier, et mon soutien le plus prĂ©cieux; Commandant de la Garde PrĂ©torienne, GĂ©nĂ©ral de nos armĂ©es, le stoĂŻque colosse se dresse Ă gauche de notre roi, silencieux come Ă son habitude. D'une voix encore Ă©tonnamment forte, sĂ©vère, Sa MajestĂ© toise son unique enfant d'un regard ombrageux: — Tard. Tu es bien tard. Faire attendre ton roi… Ne t'ai-je donc pas appris la courtoisie, mon garçon? (Son regard se fait plus doux, mais aussi plus distant, plus embrumĂ©.) Aaah, pourquoi n'es-tu pas plus comme ton frère… Le prince tressaille, comme piquĂ© au vif par un trait ardent. Je peux voir un petit sourire en coin sur le visage de quelques ministres sans importance. Seul le gĂ©nĂ©ral a la dĂ©cence de fermer les yeux, sans nul doute pris d'un accès de remords. Peu importe. Il a trop Ă y gagner, il est trop impliquĂ© pour me trahir. Pour ma part, je me contente de couver le jeune homme d'un regard froid, sans pitiĂ© ni triomphe. Cela fait des annĂ©es que culpabilitĂ© comme sentiment de revanche accomplie ne me traversent plus Ă sa vue. Tandis que son paternel se perd dans les ineptes mĂ©andre de sa dĂ©mence, tantĂ´t strict, sĂ©vère, exigeant, tantĂ´t Ă©mu, prĂ©venant, affectueux, sans se rendre compte qu'il ne parle plus Ă personne dans la salle, le regard du prince croise le mien pour la première fois depuis bien longtemps. Le vernis de maĂ®trise se craquelle le temps d'un regard venimeux, empli de haine et de rancĹ“ur. Je soutiens ce regard, sans broncher, sans me dĂ©rober. Ce crime pèsera bien lourd sur mon âme, plus que tout autre, je le sais, et je l'accepte. Il n'y a pas de regrets Ă avoir. Pas de salvation pour moi, pas de pardon possible. Mais pas de doute non plus. La Maison Leonia doit tomber. Si lĂ est le prix Ă payer, je l'accepte. Sans regrets. Cette histoire fait partie d'un tout plus grand !
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