La pierre perdue
(par heyv)(Thème : Du point de vue du mĂ©chant)
Je n'arrivais pas Ă dormir.
Cela faisait des heures que je me retournais dans mon lit en revoyant sans cesse ces quelques instants d'horreur.
Et cela durait depuis des semaines.
Pour la millième fois, je portai la main à mon cou, et pour la millième fois je serrai mon poing sur de l'air, ne trouvant pas la chaîne qui devrait y être.
Je l'avais perdue durant l'accident.
Le fait que j'avais également frôlé la mort ce jour-là n'avait aucune importance à côté de la perte de mon Anatare, emportée par le courant. Je ne pensais pas que le manque serait aussi cruel.
Je me tournai sur le dos, les yeux grands ouverts dans le noir.
J'étais pourtant retourné tous les jours au bord de la rivière, scrutant le moindre carré de terrain à la recherche de l'éclat familier.
J'étais même retourné dans l'eau malgré la peur que cela m’inspirait.
En vain.
Elle avait dû être amenée par le courant de l'autre côté du cours d'eau.
Mais oui !
Je me redressai soudain sur mon lit.
Pourquoi n'y avais-je pas pensé plus tôt ? C'était évident.
Le courant l'avait amenée de l'autre côté de la frontière et ces nains sournois l'avaient trouvée.
Bien sûr, ils ne devaient pas connaître la valeur de cette pierre, donc soit l'un d'eux l'avait gardée comme simple bijou (cette idée me fit mal au cœur), soit elle avait été amenée à leur chef.
Je me levai sans tarder commençai à m'habiller.
Je devais partir immédiatement, il me faudrait déjà plusieurs jours pour me rendre dans leur capitale sous le désert.
Sans prendre le temps de prévenir qui que ce soit, je sellai mon cheval et partit, ne laissant qu'un bout de papier sur lequel j'avais griffonné que je reviendrai quelques jours plus tard.
J'avais déjà parcouru une bonne distance quand le soleil se leva, et je décidai de m'arrêter dans la fraîcheur d'une grotte à la base de la falaise que je longeais pour dormir un peu.
Le sommeil vint plus facilement. J'avais une piste, un but. Et cela m'avait apaisé.
***
Je ne m’arrêtai quasiment pas les deux nuits suivantes, et je failli tuer mon cheval sous moi tant je le poussai, mais finalement, le surlendemain dans la soirée, j'arrivai enfin à la porte des voleurs.
Je mis pieds à terre, dans un état de stress et d’appréhension comme je n’en avais jamais connu avant. Et si ce n’était pas eux ? Quelle autre piste pourrais-je suivre ?
Mais je n’eus pas le temps de m’attarder sur ces réflexions, j’arrivai devant les grands battants de bois sombres qui filtraient les entrées dans la ville troglodyte.
Les deux soldats en faction me laissèrent descendre dans la ville, mais comme je n’étais pas de leur race je dus supporter une escorte. Ils s'arrêtèrent devant une auberge et me firent signe d'entrer.
Je paniquai presque en comprenant qu’ils s’attendaient à ce que je passe la nuit dans cet établissement. Je n’arriverai pas à supporter une nuit de plus sans presque dormir, c’était tout simplement impossible. Aussi je protestai, sur le point de faire un scandale :
— Non, vous ne comprenez pas. Je dois voir votre roi immĂ©diatement. C'est une affaire extrĂŞmement urgente, et je n'ai pas chevauchĂ© trois jours presque sans interruption pour perdre une nuit complète Ă attendre.
— Messire le roi se repose. Mais soyez assurĂ© qu'il vous recevra demain Ă la première heure. Me rĂ©pondit fermement un des soldats, mĂ©fiant.
Je soupirai et repris, sur un ton qui se voulait plus calme :
— Soldat, c'est une question de vie ou mort. Je ne peux pas attendre jusqu'Ă demain. Je vous assure que ce ne sera pas long mais s'il vous plaĂ®t laissez-moi voir votre roi ce soir.
Ils refusèrent à nouveau, me parlant comme si j’étais un enfant. Ce genre de comportements avait le don de m’horripiler, et j’étais particulièrement sur les nerfs à l’approche de mon but, mais je m’astreignis au calme. Après quelques minutes de négociation, ils acceptèrent de m’accompagner au palais. Ils avaient fini par comprendre qu’avec ou sans eux je m’y rendrai ce soir pour obtenir une audience avec leur souverain.
Rasséréné, je les suivis sans plus protester.