Impulsion
(par Zandra-Chan)(Thème : MĂ©lilĂ©mots 1)
Combien de fois avait-il Ă©tĂ© rĂ©primandĂ© pour cette sale habitude ? Combien de fois lui— mĂŞme s’était demandĂ© pourquoi il le faisait ?
Chaque matin, il prenait une nouvelle cible. Et ce matin, c’était elle.
Malgré ses allées et venues dans la cuisine, il ne pouvait s’empêcher de la fixer. Elle était sur la table, bien droite, à côté du Maître qui prenait calmement son petit-déjeuner. L’envie de s’approcher grandissait en lui, envahissait son esprit jusque dans les moindres recoins. il ferma les yeux, espérant échapper à cette tentation, à surmonter son instinct primaire. Cet instant de concentration fut brisé par les pas lourds d’un gamin dévalant les escaliers.
Selon son circuit habituel, le jeune Maître descendait à son tour – en retard, comme tous les matins ou presque. Avec tout juste un mot pour son paternel, il s’enfonça dans le placard pour y trouver sa pitance matinale favorite : des céréales. Après avoir récupéré une brique de lait dans le réfrigérateur, l’enfant s'assit à table, se plongeant, comme à son habitude, dans le labyrinthe qui ornait le dos de la boîte, le temps d’engloutir son bol. Le paquet de céréales, à l'effigie d’un kangourou anthropomorphisé, le masquait presque intégralement. Si bien qu’il n’y avait plus que le regard ensommeillé du Maître pour le retenir, lui, qui voulait tant l’approcher, elle.
Le Maître avait bien essayé des méthodes radicales pour le retenir – des punitions toujours plus sévères – mais rien n’y faisait. C’était ancré en lui. Il ne pouvait pas lutter. Ce matin-là pas plus que les autres. Le pas lent, comme hypnotisé, il avança vers la table. Elle ne bougeait pas. D’un bond souple, il la rejoignit. Cette fois-ci, comme toutes les autres fois, il avait cédé à son envie, à son instinct destructeur. Comme elle était au centre de la table, il ne pourrait pas la faire tomber. Alors… Cette fois-ci, il n’avait pas le choix : il allait devoir la renverser. Il ne pourrait “que” la renverser.
Un coup de patte plus tard, la bouteille de jus d’orange roulait sur la table, bousculant une tasse à café encore pleine.