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Zandra-Chan![]() Spectacles![]() ![]() ![]() Fuite Ă l'aveugle(par Zandra-Chan)La derniĂšre fois que jâai voulu fuir par les sous-sols, je suis passĂ©e par les Ă©gouts. Et dĂ©jĂ Ă lâĂ©poque, jâai trouvĂ© que câĂ©tait la pire idĂ©e du siĂšcle â mon nez et mon estomac sâen souviennent encore. Mais câĂ©tait en pleine journĂ©e ; le soleil filtrait assez Ă travers les plaques pour que je puisse au moins me diriger. Le seul rĂ©el obstacle avait Ă©tĂ© lâodeur.
Ă peine quinze mĂštres aprĂšs lâentrĂ©e de cette antique station de mĂ©tro en rĂ©novation, je nây vois dĂ©jĂ plus rien, la lune nâĂ©clairant que trop peu Ă travers les nuages. Je devrais courir pour sauver ma peau, pour assurer ma survie⊠Câest tout juste si jâarrive Ă avoir une allure de marche normale. Ne pas ralentir. Je serre les dents. Jâaurais jamais dĂ» passer par lĂ . JâhĂ©site Ă faire demi-tour. Les hurlements derriĂšre moi â bien trop proches Ă mon goĂ»t â mâobligent Ă fendre les toiles dâaraignĂ©es pour descendre presque quatre Ă quatre les marches de lâescalier mĂ©canique Ă lâarrĂȘt, aidĂ©e uniquement de la rambarde. Ne pas ralentir ! Je manque par deux fois de me casser la figure. Et sâils pouvaient me trouver Ă lâodeur ? LâidĂ©e mĂȘme me fait frissonner ; je ne vais pas mâarrĂȘter pour la vĂ©rifier.
La gorge nouĂ©e par lâangoisse, je continue dâavancer en longeant le mur poussiĂ©reux au carrelage inĂ©gal. Pourvu que ceux qui se sont Ă©croulĂ©s ici restent⊠âmortsâ⊠Mon pied cogne plusieurs fois contre des masses âmollesâ que je prĂ©fĂšre ne pas identifier. Tant que ça nâessaie pas de me bouffer, ça me va.
Une Ă©ternitĂ© sâĂ©coule avant que ma vue ne sâadapte. Enfin⊠âsâadapterâ est un bien grand mot. Je distingue des volumes dans lâombre plus que je ne vois rĂ©ellement, mais ça me suffit pour progresser. JâĂ©vite ainsi de buter bĂȘtement sur une des bornes â dĂ©verrouillĂ©es, heureusement pour moi â qui marquent l'accĂšs aux quais. Suivant le souffle dâair, je descends sur les voies. Je me fige un instant. Ce que jâespĂšre nâĂȘtre que des souris courent en tous sens Ă mes pieds. Gardant appui sur le quai, jâavance prudemment. Je ne perçois que des nuances de gris sombre, mais jâai lâimpression que le sol se meut Ă chacun de mes pas.
Le puissant courant dâair â qui semble prendre un malin plaisir Ă souffler dans mon dos trempĂ© de sueur â me porte les cris de lâextĂ©rieur. On jurerait quâils sont toujours aussi prĂšs. Les voix des AmĂ©liorĂ©s sont devenues atroces : un improbable mĂ©lange entre une alarme incendie, un crissement mĂ©tallique et le hurlement de dĂ©tresse d'un humain qu'on Ă©gorge. C'en est presque douloureux Ă Ă©couter.
Je ne vois plus rien. Je perçois vaguement les rails pas loin de moi, mais seule ma prise sur le mur me permet dâavancer. Le bruit sourd des pattes des rongeurs Ă mes pieds a cessĂ©. Ăa fait combien de temps que je suis lĂ -dedans ? Dix minutes ? Vingt ? Une heure ? Pas la moindre idĂ©e. Le temps lui-mĂȘme semble sâĂȘtre dissout dans ce noir opaque. MalgrĂ© ça, mon cĆur continue de battre la chamade. Je nâarrive pas Ă savoir : est-ce que les cris rĂ©sonnent toujours, ou est-ce que câest moi qui crois les entendre ?
Je marque un temps dâarrĂȘt, surprise par un contact froid autour de ma botte. Trop occupĂ©e Ă essayer de discerner les voix, je nâai pas notĂ© le bruit dâeau masquĂ© par le sifflement du vent. De la flotte ? JâhĂ©site. Je ne sais pas si câest une simple flaque ou si ça sâenfonce plus loin. Jâavance de quelques pas. Lâodeur dâeau croupie, jusquâici balayĂ©e par le souffle dâair, m'agresse les sens. Il y a de la mousse sur le mur aussi. Une mousse visqueuse. Je prĂ©fĂšre ne pas me poser de questions. Il nây a pas de raisons pour que le tunnel plonge soudain vers les entrailles de la Terre. Le niveau doit ĂȘtre approximativement le mĂȘme partout. Un peu de courage ! Je prie pour avoir raison en continuant de progresser.
Le sifflement et lâappel dâair se faisant plus intenses, je comprends vite que le passage sâĂ©trĂ©cit devant moi. Je ne tarde dâailleurs pas Ă buter contre des pierres ici et lĂ avant dâĂȘtre arrĂȘtĂ©e par un mur de rochers. Le souffle sâĂ©loigne sur ma droite. Il doit y avoir un passage au centre du tunnel. Je pousse un long soupir. Jâai retrouvĂ© un peu de mon calme et, avec, ma luciditĂ©. Pourquoi est-ce que jâsuis allĂ©e si loin ? Jâaurais dĂ» attendre juste au pied des bornes⊠Y a pas de raison pour quâils aient dĂ©veloppĂ© un odorat de chien, tout Ă coup. Ils ne mâauraient jamais trouvĂ©e dans ces tĂ©nĂšbres. JâhĂ©site Ă faire demi-tour. Maintenant que je suis lĂ , autant aller jusquâau bout, non ?
Je cesse soudain tout mouvement. Il y a eu un bruit. Un bruit dâeau. Jâen suis presque sĂ»re. Je tends lâoreille, mais impossible de discerner quoi que ce soit avec le sifflement du vent. Il pourrait y avoir nâimporte qui â ou nâimporte quoi â dans mon dos, lĂ , Ă quelques mĂštres, que je nâen saurais rien. Ce nâĂ©tait peut-ĂȘtre quâun caillou tombant du plafond, mais une angoisse indicible me serre la poitrine.
LĂąchant le mur moussu pour longer lâĂ©boulement, je me prĂ©cipite vers lâouverture indiquĂ©e par le courant dâair. PaniquĂ©e, je palpe la pierre pour identifier le chemin. Le passage est Ă©troit. Il me faut retirer mon sac et me mettre de profil pour lâemprunter. Sans prendre le temps de mâinquiĂ©ter de ce quâil pourrait y avoir de lâautre cĂŽtĂ©, je franchis la muraille aussi vite que possible. Une fois de lâautre cĂŽtĂ©, je mâĂ©loigne rapidement du trou. Ma main nâa pas quittĂ© la roche. Jâai lâimpression de sentir mon cĆur pulser jusquâau bout de mes doigts. Je crois que jâai la main en sang. Je nâai pas la moindre envie dâattendre pour mâassurer que personne ne me suis. Fuyant un potentiel danger, je progresse dans les tĂ©nĂšbres avec un appel dâair pour seul guide.
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