À la prêtresse de mon cœur, à celle qui me donne foi et amour, à Fohana

Aujourd'hui, une opportunité immanquable s'est présentée à moi ! Te souviens-tu de notre rencontre ? C'était un chaud jour de Zenimes, il y a plusieurs printemps de cela. Nous n'étions que de frêles enfants, à peine plus savants qu'un livre aux pages blanches. Naïf que j'étais, je m'étais mépris et je m'étais égaré sur la montagne où est perché le Temple, pensant qu'elle était l'une de la grande ceinture.

Rétrospectivement, ce fut un miracle si mes menues jambes m'eussent porté jusqu'au sommet de ta montagne, aux portes du Temple. Je me remémore encore les tressaillements qui prenaient mon corps douloureux, la sueur qui noyait mes vêtements, le tissu adhérant inconfortablement à ma peau flasque. Quelle idée ce fut d’avoir entrepris l'ascension durant le mois le plus ensoleillé de l'année. Je ne fus jamais aussi admiratif de la santé indéfectible de ta grand-mère qu'au moment où je m'avisai de mon erreur.

J'ignore encore quel exercice tu pratiquais, mais tu étais plus gracieuse que toutes les danseuses du Royaume, ta voix plus mélodieuse que n'importe quelle chanteuse. La langue dans laquelle tu parlais m'était inconnue, je ne comprenais pas le moindre mot qu'entonnait ta bouche, mais j'étais absorbé par tes lèvres, la prestance et l'aura sage qui émanaient de toi. En une seconde, je sentis la destruction de l'ancien moi. Celui qui n'était que dédain de l'amour, méprisant de tels sentiments, venait de succomber à ton charme.

Depuis, jamais une semaine ne s'était écoulée sans que nous ne nous vissions une fois. Jamais une nuit ne s'était déroulée sans que mes songes nous réunissent. Jamais une seconde ne m'avait lassé de toi. Pour moi, tu n'es pas une simple prêtresse, tu es une véritable déesse, que je prie et vénère à chaque instant que nous partageons. Tu es emplie de bonté, et je sais que tu ne me haïras pas pour ce qui suit.

Comme dit en préambule, j'ai une formidable nouvelle à t'annoncer. Ta grand-mère, la prêtresse en fonction actuellement, m'a pourvu d'un conséquent équipement pour atteindre les visées de ma vie : explorer et découvrir ce qui se trouve par-delà la ceinture de montagnes qui nous confine dans nos connaissances. Qui sait, le Royaume merveilleux recèle sans le moindre doute de secrets qui marqueront une rupture dans notre savoir ! Imagines-tu comment sera la Ville, avec l'architecture d'un peuple exotique ? Ou encore quelle ingénierie révolutionnera le quotidien de tout un chacun ? N'est-il pas grisant d'abandonner notre esprit à des voyages d'infinies et fantastiques possibilités ?

Il y a cependant un malheur à tout cela. Une faveur que je dois à ta grand-mère : en échange du matériel, de ses bénédictions et de la transmission de la présente, je n'ai guère le droit de venir te dire un au revoir en personne. Mais ne sois pas affligée de chagrin en lisant ma missive, ni en raison de mon absence : je reviendrais, les bras, les sacs et les poches garnis de centaines de trésors, dont les plus précieux te seront réservés ! Sur ma vie et notre amour, je fais le serment de te revenir.

Le boutiquier de ton cœur, Valènte de Marçade