L'Académie de Lu





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Corde sensible

(par Sourne)
(Thème : La vie du chat)



Aùgùrìa inspira profondément, puis elle s'enfonça encore davantage dans le moelleux dossier de sa chaise. Pour la première fois depuis l'attentat, le flot intarissable d'émotions qui la harcelait se taisait, comme absorbé par la chaude et soyeuse fourrure du petit chat lové sur ses genoux. Hélas, ses yeux encore rouges empêchaient de satisfaire sa vue de la couleur du chat.

Le chat remua indolemment sa tête, avant de pousser un ronronnement qui arracha du cœur de la violoniste. Ce fut à ses oreilles comme un chant d'innocence et d'accalmie, un apaisement dont elle avait cruellement besoin. La fille de noble chassa de son esprit la détonation létale, les cris de panique et les ultimes râles qui grondaient et résonnaient dans toute la salle de concert.

Une patte vive effleura une joue perlée de larmes. Aùgùrìa baissa alors sa mine sombre sur le chat, qui ouvrait grand ses yeux. Qu'il avait l'air compatissant, pensa la violoniste en caressant le doux animal en retour.

— Je te remercie, mon petit Cure. Tu as bien plus de cœur que bien des humains dans ce bas monde, affirma avec émotion la violoniste.

Sa voix était aussi vibrante que lorsqu'elle faisait onduler les cordes de son instrument de prédilection. Cependant, la jeune noble n'avait plus la force de rien, hormis passer du temps avec son plus proche compagnon.

La chaleur que diffusait le corps si agréablement douillet du chat insufflait lentement une confiance inaltérable en Aùgùrìa. Elle passa ses doigts sur la gorge du chat et se mit à la grattouiller délicatement, provoquant de mélodieux ronronnements de contentement.

— Demoiselle Aùgùrìa, s'immisça soudainement une voix dans la chambre de la violoniste. Votre père le Vicomte demande à vous voir.

L'heure de confrontation tant redoutée était venue. Les deux bras de la fille de noble raffermirent leur prise sur le petit chat, quand son cœur battait tel un tambour fou. Elle pensa un instant à ouvrir la fenêtre de sa chambre, mais elle savait pertinemment que ce n'était pas une issue suffisante. Et puis, que faire une fois dehors ?

Ce fut avec une voix tiraillée et désespérée que la violoniste répondit à sa domestique.

— Il peut entrer si cela lui chante.

La porte placardée d'affiches d'orchestres s'ouvrit en un grincement sans fin. Un homme âgé de la cinquantaine tenait la poignée pour refermer la porte derrière lui. Son visage était froid, lessivé par des journées de travail incessant. Des rides s'étaient creusées et faisaient écho aux plis qui parcouraient son veston noir, quand des taches de sueur maculaient sa chemise.

— Ma chère fille...

Aùgùrìa osa ne pas adresser le moindre regard à son géniteur. Ses yeux étaient rivés sur la petite boule de poils qui gémissait sur ses genoux, comme si elle avait subodoré son destin. Un filet lacrymal ruissela sur une joue cramoisie, pour ensuite couler sur le pelage du félin. Ses miaulements se faisaient de plus en plus insistants. Un instant vint où la violoniste crut entendre son compagnon la supplier.

— Je ne veux l'abandonner.

Elle fut aussi sèche que ses yeux étaient humides. Elle était éprise d'autant de volonté de rester auprès de son chat que de mépris pour la guerre qui criait aux frontières de l'Empire. Malheureusement, elle ne pouvait pas se résoudre à trahir la confiance d'Archérion, de ses compatriotes, de tous les peuples qui ne souhaitaient que paix et prospérité au sein de l'Empire.

— Ma fille... Je t'ai accordé un délai d'une semaine pour te préparer à te séparer de ton chat... À présent, il est le temps de la mobilisation et de ta propre maturation. Si tu fuis constamment tes problèmes dans les pattes de ton animal, tu ne seras jamais en mesure de prendre ma suite.

— Nous pouvons très bien le laisser ici, le temps que la paix s'impose ! Il serait comme une balise pour moi, une raison pour moi de revenir à notre manoir lors de mes permissions ! s'époumona la violoniste.

— Les animaux, tout particulièrement les chats, ont besoin d'amour et d'affection. Tu lui en as donné énormément au cours de sa vie parmi nous, sois-en fière. Cependant, personne ici ne pourra lui en accorder autant après ton départ, et il dépérira.

Aùgùrìa effleura la tête de son petit chat, battant ses oreilles pointues en arrière dans un miaulement insatiable de cajoleries. Cependant, son père reprit, avec davantage de vigueur et moins de douceur.

— Il nuit à ton développement. Tu dois être forte. Si tu ne peux te résigner à te séparer de ton propre gré de ton chat, comment feras-tu lorsque l'un de tes compagnons d'arme périra ?

Le silence fut la seule chose que put opposer la violoniste à son père. Aucun mot ne lui venait à l'esprit, uniquement de la détresse. Une larme perla, puis coula pour tomber dans l'oubli.

— Aùgùrìa... soit raisonnable, je t'en prie.

Dans un soupir qui lui arracha tout son air et des perles lacrymales en abondance, la jeune fille prit délicatement son compagnon et s'avança sans un bruit vers son père. Quand elle tendit le chat à son géniteur, elle sentit tout le poids de son acte, comme un fardeau de tristesse présente et de remords à venir.

— Je t'en remercie, ma chère fille.

Le Vicomte rouvrit la porte, sans quitter du regard sa tendre enfant. Un cri résonna en lui. Il ne voulait plus revoir cette mine déconfite. Alors, il fit volte-face du plus vite qu'il put, pour se rendre dans l'animalerie voisine.

Sur le perron de l'animalerie, le père d'Aùgùrìa regarda intensément le petit chat, lui tapotant la tête. Au moment de passer le seuil, il ne put se contenir.

— Même si je ne connais pas ton nom, j'aimerais te remercier pour la compagnie sans faille dont tu as fait grâce à ma fille bien-aimée. Je regrette vraiment ce que je fais... mais c'est nécessaire. Pour nous tous. Le moins que je puisse faire, c'est de te souhaiter de retrouver une maîtresse à la hauteur des services que tu as rendus à celle qui t'a gardé toutes ces années.










Cette histoire fait partie d'un tout plus grand !

























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