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Sourne![]() Spectacles![]() ![]() ![]() Fleur du malheur(par Sourne)Paisible, une jeune miko était agenouillée sur le rebord en bois du sanctuaire où elle résidait, sirotant un thé quand le vent frais soufflait dans ses longs cheveux châtain foncé. Elle avait beau avoir élaboré sa boisson à partir des meilleures feuilles de Gensokyo, elle ne parvenait pas à la réchauffer ou à lui ôter l'âpre goût qui prenait sa bouche.
Reimu soupira et elle posa sa tasse sur le côté avec la plus grande précaution, comme si chaque goutte du breuvage était précieuse. Le ciel était gris, les cerisiers ternes et les oiseaux ne chantaient pas. Une brise plus intense que les autres se leva soudainement, affligeant la miko de toute sa froideur. Ce fut comme si la bourrasque avait ignoré ses vêtements pour geler sa peau et la gardienne frissonna comme une jument s'ébrouant.
Son soupir de lassitude se perdit dans les souffles venteux et elle se releva, époussetant sa jupe rouge. Reimu entreprit de faire quelques pas sur le sentier qui menait à son temple, cherchant à rassembler des pensées évasives. Cependant, rien ne lui vint à l'esprit, sinon la vanité de sa marche.
— Il n'y a rien Ă faire aujourd'hui, constata amèrement la miko.
D'un habile mouvement de doigts, Reimu fit tournoyer son bâton de purification. Les guirlandes de papier décrivirent une belle ronde, se déplaçant et battant comme les ailes d'un papillon. Hélas, la fille du sanctuaire avait fait tant de fois ce geste qu'elle ne s'en émerveilla pas, pas plus qu'elle ne le remarqua. Il n'était plus qu'une marque de son profond ennui.
La miko fit demi-tour et elle s'assit sur le rebord de la terrasse de bois, gardant une main proche de sa tasse de thé.
— Je n’ai pas envie d'aller Ă la librairie Suzunaan pour me prendre un nouveau livre, avoua Reimu, les yeux dans le vague.
Ce dont elle avait envie, c'était de se blottir dans sa couverture et s'allonger sous sa table basse. Cependant, elle l'avait fait les jours précédents, après ses traditionnelles prières et l'entretien du temple.
Reimu saisit sa tasse et la porta à ses lèvres glacées, pour briser la langueur qui la prenait depuis de longues heures. Ses paupières se refermèrent et son goût s’affûta, prenant le pas sur tous ses autres sens. Elle prit une gorgée de thé, qui glissa le long de sa langue pour couler dans sa gorge, diffusant son arôme sucré.
Lorsque la fille du sanctuaire rouvrit finalement les yeux, elle s'avisa d'une silhouette devant elle. Tenant fièrement un balai dans sa main droite et revêtant une tenue noire et blanche de sorcière occidentale, le minois d'où cascadaient des cheveux dorés sourit à Reimu.
— Tiens, Marisa, ça faisait un moment.
La surprise marqua de manière éphémère le visage de la magicienne ordinaire, s'éclipsant au profit d'un grand sourire.
— HĂ©, ça fait depuis hier soir ! Tsss, tu perds la tĂŞte Reimu hein ? railla Marisa.
— Hier soir, c'Ă©tait il y a un jour ! se dĂ©fendit la miko.
La fille du sanctuaire brandit son bâton de purification et le passa sous le menton de son amie, d'un air inquisiteur.
— Que viens-tu m'annoncer ? Des youkai viennent de dĂ©clencher un nouvel incident ? Remilia a encore dĂ©cidĂ© de lancer une fusĂ©e pour envahir la Lune ? Un oiseau nuclĂ©aire est sorti des anciens enfers ?
— Rien d'tout ça, rassura la magicienne, un filet de sueur ruisselant le long de sa tempe.
— Dommage, ça aurait Ă©tĂ© un bon divertissement, fit la miko en baissant son son bâton en mĂŞme temps que sa tĂŞte.
— Bah dit donc, c'est l'amusement chez toi, rĂ©pondit Marisa en fronçant les sourcils de consternation. Après, tu vas m'avouer que tu as comptĂ© les cailloux du coin ?
— HĂ©, je n'en suis pas encore Ă ce point de lassitude !
La magicienne haussa les épaules, exaspérant encore sa meilleure amie.
— Sinon, la collecte de dons a Ă©tĂ© bonne aujourd'hui ? demanda la fille blonde.
— Je ne sais pas, j'ai pas encore regardĂ© dans la boĂ®te. Mais bon, elle doit ĂŞtre vide comme Ă l'accoutumĂ©e.
— Tu ne sauras pas avant d'y avoir jetĂ© un coup d’œil.
Ce fut au tour de la gardienne de relever les épaules d'indifférence. Marisa se dirigea vers la boîte de dons, faisant grincer la terrasse au bois usé. La sorcière passa devant le shoji du temple. Le papier de la paroi avait perdu en transparence pour gagner en jaune et il ne protégeait plus efficacement du froid.
Une fois à la hauteur de la boîte, la magicienne se pencha pour scruter l'intérieur, à travers les grilles de bambou. La faible lumière lui permit de distinguer un unique contour posé sur le sombre fond.
— Reimu, tu vas pas me croire, mais il y a un billet de dix mille yens !
La miko franchit la distance qui la séparait de la boîte d'un bond, surgissant dans le dos de la magicienne ordinaire. Cette dernière frémit en remarquant l'avidité dans les yeux de Reimu, qui pétillaient tant que l'on pouvait croire qu'ils reflétaient une montagne de pièces d'or.
— Un billet de dix mille yens ? rĂ©pĂ©ta avec cupiditĂ© la gardienne.
Elle regarda l'intérieur de la boîte par-dessus l'épaule de Marisa, exacerbant sa gêne.
— Mais c'est bien vrai !
— T'es parfois flippante, dit Marisa, sa babine droite Ă©tirant ses lèvres d'embarras.
Se décalant pour laisser la miko s'emparer furieusement de sa proie, la magicienne ne put que s'apercevoir de l'entrain de Reimu.
— Avec ça, tu pourras commencer Ă rĂ©nover ton temple. Tu pourrais acheter du...
— Du saké ! coupa la fille du sanctuaire. Et pas qu'un peu.
La gardienne savoura par avance l'alcool, délaissant rapidement son thé. Elle se voyait déjà sous l'emprise de la boisson, flottant lentement dans les songes tout en se sentant libre.
Alors, elle souleva la grille de la boîte et elle tendit la main pour saisir le billet estimé. Ses doigts l'effleuraient, sentant le doux et précieux papier. Puis vint une désagréable sensation, qui la fit hurler de douleur. La grille s'était inopinément refermée sur elle et dans un tressaillement de souffrance, la boîte pencha sur le côté et fit tomber les yens sur le sol.
— AĂŻe aĂŻe, ça fait mal ! pesta Reimu.
La fille du sanctuaire passa une main chaude sur ses doigts rouges et endoloris, cherchant futilement Ă faire cesser les picotements.
— Attends, je vais ramasser le billet.
Marisa se courba pour prendre le précieux de Reimu, quand une bourrasque scélérate l'emporta et déstabilisa la magicienne, qui tomba en avant. La gardienne agrippa de justesse son amie par le col, la tirant en sécurité de sa main douloureuse.
— Ouille, ça fait encore plus mal maintenant ! Mais ça va Marisa ? s'enquit la gardienne, souffla lourdement en se tenant les doigts.
— Oui, merci...
Des pas crissèrent sur le gravier qui constituait le sentier menant au sanctuaire Hakurei. Ils trahirent la présence d'une femme aux cheveux bleu lapis-lazuli, qui descendaient jusqu'à ses pieds, qui salua de la main.
— Bonjour, dit-elle avec une certaine distance dans son ton.
Accoutrée d'un sweat gris et d'une courte jupe azur, tous deux parsemés de factures impayées et d'avis de dettes, elle considéra Reimu et Marisa d'un œil aussi livide que vide.
— Si ce n'est pas Shion, la dĂ©esse du malheur, lâcha Reimu. Que viens-tu faire ici ?
Tout en demandant cela à Shion, la miko maintenait un pesant regard d'envie sur le billet de dix mille yens, qui s'était accroché à une sèche branche d'un chêne.
— Je suis venue avec Tenshi pour organiser un banquet. Un moment s'est Ă©coulĂ© depuis le dernier, nous avons dĂ©posĂ© le billet pour acheter de la nourriture et des boissons.
— Mais le dernier banquet ne s'Ă©tait pas tenu avant-hier ? demanda Marisa, frappĂ©e d'incomprĂ©hension.
— Je t'avais bien dit que le billet servirait Ă acheter du saké ! clama joyeusement Reimu.
Toisant les yens avec envie, la gardienne n'était néanmoins pas suffisamment grande pour pouvoir le reprendre. Elle se mit sur la pointe des pieds et elle tendit son bras à l'extrême.
— Allez, viens Ă moi petit !
La miko tira la langue d'effort, avant de se raviser quand un élancement prit l'arrière de sa jambe.
— Marisa, tu peux venir m'aider s'il te plaĂ®t ?
La magicienne opina du chef et elle s'avança, suivie de près par la déesse du malheur. Sans même un avertissement, Reimu s'appuya sur l'épaule de son amie et escalada son dos, pour être à la hauteur du billet convoité.
— Haha, j'y suis presque !
— Tu aurais pu prĂ©venir, Reimuuu ! s'Ă©cria Marisa, Ă©branlĂ©e de surprise et par le poids de la miko.
— Reste stable un moment, il est Ă portĂ©e ! rĂ©torqua la gardienne.
— Je ne suis pas sĂ»re que ce soit une bonne idĂ©e, commenta une Shion passive.
Une secousse envoya la miko droit sur la branche sèche, à laquelle elle s'accrocha. Toutefois, elle ne perdit pas son objectif de vue et elle fit avancer sa main millimètre par millimètre, sans se soucier de sa prise. Finalement, le papier précieux fut capturé entre deux doigts, que Reimu serra comme une tenaille.
— Je te tieeeeens !! L'engouement de la gardienne fut fugacement substituĂ© par la peur en voyant le sol se prĂ©cipiter vers son visage.
Reimu interposa promptement ses avant-bras, qui amortirent douloureusement sa chute. Elle se releva péniblement après un profond soupir de déception, ayant perdu le billet de dix mille yens. Derrière elle, Marisa avait chu sur son postérieur quand Shion massait le sommet de son crâne, qui avait subi un indélicat contact avec la branche cassée.
— J'ai mal, se plaignirent en chĹ“ur les trois femmes.
— Et le billet a disparu, regretta Reimu, davantage que ses plaies.
— Pas tout Ă fait ! intervint une voix familière.
Comme un soleil perçant la voûte nuageuse, une femme au large chapeau noir ornée d'une pêche tenait haut le billet de dix mille yens. Les couleurs qu'elle portait émerveillaient les enfants, mais Reimu était bien plus absorbée par l'argent.
— Tenshi, ma sauveuse venue des cieux ! s'exclama la miko. Et je vois que tu n'es pas venue les mains vides ! En plus, tu vas enfin inhiber la malchance lĂ©gendaire qui entoure Shion avec ta chance insolente... La dĂ©esse du malheur protesta mollement, pareillement Ă un chat endormi.
La céleste aux cheveux azur tenait en effet un panier qui semblait lourd et garni. Toute souffrance quitta la déesse du malheur à la vue de sa meilleure amie, qui l'enlaça malgré son chargement. Puis, Shion se sépara de Tenshi et elle prit le panier d'osier.
— Il fait froid, et si on allait Ă l'intĂ©rieur ? demanda la cĂ©leste.
Unanimes, la fille du sanctuaire, la magicienne ordinaire, la déesse du malheur et la céleste entrèrent dans la vétuste bâtisse. Le tatami était aussi gelé que l'herbe à l'extérieur et il n'y avait pas une grande différence de température à l'intérieur du temple.
— Il faudrait que tu rĂ©noves un peu le sanctuaire, conseilla Tenshi qui grelottait.
— C'est ce que je lui dis depuis des mois, renchĂ©rit Marisa.
— Moui moui, fit une Reimu Ă©vasive, tandis qu'elle s'installait Ă sa table basse. Sinon, qu'as-tu emportĂ© Tenshi ?
— Des brochettes de dangos, et pour les accompagner du...
— Saké ! coupa la miko.
— Non, du thĂ© vert, comme il est convenable de le faire.
— Évidemment, marmonna Reimu entre ses lèvres pincĂ©es de dĂ©ception, quand ses yeux regardèrent en l'air.
La céleste disposa une brochette de mochi devant chaque personne, puis elle servit à chacune une cruche de thé.
— Bon appĂ©tit ! dirent en chĹ“ur les femmes, Ă l'exception de Shion.
Emplie de bonheur, la déesse du malheur porta les dangos à sa bouche. Cependant, la pique se rompit et ses dents mordirent dans ses doigts, sous les rires fous de ses amies. Une passionnante soirée s'annonçait.
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