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DieuDesPseudoErrant![]() Spectacles![]() ![]() ![]() Le dernier sage(par DieuDesPseudoErrant)« Les dieux sont morts. »
Ainsi parlait le prĂŞtre Ambvstvs devant la foule.
« Cela fait plus d’un millénaire que nous les prions par crainte de leur courroux. Les dieux ont-ils puni le moindre vice que nous commettons chaque jour ? Les dieux vous ont-ils récompensé pour avoir bien agi ? Les dieux vous ont-ils accordé richesse lorsque le sang du porc est rouge ? Les dieux vous ont-ils béni d’une grande fertilité après avoir dansé lors d’une fête ? »
On commençait à lui adresser des mépris ou du dégoût. Ceux du fond s’écartèrent.
« Non ! Et non ! Les dieux n’ont que faire de la condition de l’homme. Que nous soyons menacés de disparaître par les ténèbres, que nous soyons prospères ou décadent ; ils n’ont aucune préoccupation pour quiconque traverse ses épreuves. »
Une voix s’éleva parmi la foule à l’encontre du prêtre :
« À qui devrions nous s’adresser si ce ne sont pas aux dieux ? — Si ce ne sont pas aux dieux, c’est Ă l’homme qu’il faut s’adresser. Nous avions en chacun une force insoupçonnĂ©e. Une force naturelle supĂ©rieure qui rĂ©git ce monde bien avant le premier homme : la magie. »
Ce fut par ce discours que je découvrais le sage Ambvstvs. J’étais le seul convaincu de la foule. Mendiant, je devais prier chaque jour aux hommes pour la moindre miche de pain ou les restes des patriciens ; aux dieux pour me soulager des maux de ma propre existence.
Ambvstvs était un homme fin, à peine plus grand que tous les autres. Rasé sur sa barbe, coupé sur les cheveux courts, il semblait prendre soin de son corps.
« Le corps nourrit l’esprit et l’esprit nourrit notre magie ! »
Jamais il n’arrivait à se faire entendre auprès des autres. Plus il se prononçait, plus on le rejetait. La foule se fit moins nombreuse au fur à mesure des jours.
Je ressentis colère et frustration, cependant il m’arrêta sur ceci :
« Laisser sa colère s’exprimer ne pourra que les conformer dans leurs idées. Le jour où leur corps réclameront le pain et que les ténèbres finiront par frapper leur porte, alors ils viendront vers nous. »
Bien après le plaidoyer de sa pensée, j’allais me réfugier auprès du temple de Ceras, déesse de la fertilité. Néanmoins, j’aperçus au loin la masse de la plèbe danser sous leurs habits blancs et parée de fleurs et de couronnes d’épines. Les musiciens, certains à moitié ivres, jouaient sur les marches de l’édifice sur un rythme de folie.
Le poing serré, je me résolus à m’approcher des prêtresses de Ceras. Mais mon élan fut interrompu par la main d’Ambvstvs. Il conservait son regard de sage impassible.
« Tu ne rĂ©soudras rien au poing levĂ©. Tu ne feras que les dĂ©tourner de la vĂ©ritĂ©. Laisse-les profiter des plaisirs immĂ©diats. — Mais je ne peux l’ignorer ! Ils ne saisissent pas la portĂ©e de vos paroles ! — Nos agissements se doivent d’être aussi exemplaires que nos paroles. Au fond d’eux, ils Ă©prouvent tous une foi intĂ©rieure qui ne demande qu’à s’élever ; et nous n’élevons pas une foi en rouant les personnes de coups. — Je… Je ne peux supporter tout ceci. Je ne peux que perdre foi en l’homme. — Contemple donc le vide. — Contempler le vide ? — Contemple l’homme tel un enfant se demanderait pourquoi il s’adonne Ă des futilitĂ©s. Contemple le paysage tel un nourrisson dĂ©couvrant le monde. Abstiens-toi de toute volontĂ©, de toute idĂ©e, de toute entreprise ; elles limitent ton cĹ“ur. Avec un cĹ“ur renfermĂ©, tu te projettes vers eux. Tu exiges Ă ce qu’ils pensent comme toi tu le souhaiterais. Mais cela ne fera que te disperser et tu abandonneras tous les fondements de mes enseignements. »
Le jour suivant, je voyais le sage s’appuyer sur un bâton orné d’un joyau noir à son bout. Il avait l’air épuisé. En montant, il chancelait. On se moqua de lui comme un vieillard ne pouvant soulever que ses âges.
Il se redressa, ferma ses yeux et prononça un discours peu différent des premiers jours. Pourtant, ses paroles conquirent les esprits de quelques personnes. Je voyais que mon maître était bien différent.
« Ambvstvs. » l’interpellais-je après la dispersion de la foule ; « Vous m’aviez l’air fatiguĂ©. — Je n’ai simplement pas dormi de la nuit. Mes pensĂ©es me prĂ©occupèrent. »
La fête de Ceras se célébrait encore sous formes de jeux organisés dans le cirque ou dans les champs. Un soir, j’observais le spectacle en mettant de côté toutes mes pensées jusqu’au moment où je décidai de m’élancer dans la fête. La musique me paraissait à cet instant joyeuse mais vide de sens. Les danses, aussi élégantes et énergiques qu’elles pouvaient être, ne m’invitèrent guère à suivre dans leurs pas. Les jeux, aussi amusant pouvaient-ils être, ne me procurèrent aucun plaisir utile.
Peu à peu, Ambvstvs révélait la véritable âme sommeillant en chacun de nous. Ses préceptes atteignaient d’abord la plèbe puis enfin ceux des quelques patriciens résidant en ville. Ils gagnaient d’abord des adeptes puis enfin des fidèles. Tous les soirs, nous nous réunissions dans la demeure de Macer. Un jeune patricien qui hérita récemment de la maison de son père. À l’intérieur, une gigantesque pièce se dévoilait. Les murs étaient peints d’une longue fresque commémorant les rites d’initiation, les épreuves, et l’atteinte vers les plaisirs infinis de la vie. On regroupait d’ordinaire les cultistes du dieu du vin et des excès, cependant la présence du sage fit abandonner le culte pour de bon.
On fit préparer le banquet rien que pour les fidèles. Au buffet on déposa sur des couverts en argent le cochon grillé, le paon, le faisan, et la venaison. On accompagna tout cela avec du vin mélangé à l’eau chaude. Nous discutâmes, nous échangeâmes des pensées sur des sujets divers. Lorsque le sage leva son bâton, tous se turent et l’écoutèrent. Il répéta les mêmes enseignements, expliqua la sagesse, la magie, et la nature.
À une après-midi, je fus à la tête d’une poignée de fidèles. Nous nous projetions à débattre envers chaque citoyen, chaque femme de citoyen. Notre marche était interrompue par une veuve. Elle avait perdu son mari il y a peu. Pauvres, sans enfant, éloignés de leurs familles, elle n’hérita de rien et personne ne pouvait s’occuper d’elle. Je me retrouvais face à elle. Elle m’accusa de mille choses dont je n’étais pour rien. "Avare", "cupide", "égoïste" voilà les mots qu’elle cracha sur ma toge. Je n’avais pas la moindre monnaie qui aurait pu la soulager. Ce fut finalement l’un des autres fidèles qui donna quelques pièces à la veuve.
Quelque chose remuait en mon for intérieur. Ce n’était pas de la colère ou de la pitié, ce fut toute autre chose. Cette chose me dépassait et je ne préférais ne pas la comprendre.
Sur notre route, nous fîmes la rencontre de trois personnes à la robe rouge et aux boucles d’oreilles aux tissus écarlates. Une femme et deux hommes nous interrogèrent. La première avait des tatouages noirs sur ses avant-bras, le deuxième les avaient sur les deux mains, et le troisième sur le cou et la nuque.
« Auriez-vous vu un homme plutôt âgé, fin, cheveux gris courts, barbe rasée ? » me demanda la femme.
« Non, je ne l’ai pas vu. Qui ĂŞtes-vous ? — MaĂ®tre Lamia, nous sommes du Sang Écarlate. »
Le Sang Écarlate me parlait assez peu à ce moment-là . On dit d’eux des hommes maîtrisant savoir et usage de la magie. Ils répondaient directement de l’intérêt commun de la république, le bras armé du Premier Citoyen.
Leurs interrogations ne durèrent que peu. Lamia me fit savoir ceci :
« Si vous apercevez quelque chose, nous serons à la demeure du magistrat tous les soirs. »
Dès la réunion des fidèles, j’avertis Ambvstvs de la présence des mages dans la ville. Il me regarda à peine et me dit :
« Il n’y a aucune raison de s’y faire. Ils quitteront la ville une fois qu’ils n’auront rien trouvé. »
Puis il retourna vers les autres disciples s’impatientant des mets après son discours.
Les mages continuaient Ă rĂ´der dans les rues une semaine de plus. Ils ne semblaient pas abandonner leurs affaires en ville pour un long moment. Ils cherchaient autre chose que le sage. Autrement, ils nous auraient suivi directement dans la maison de Macer.
Un soir, je vis notre maître debout, près du buffet, hausser ses épaules puis lever ses bras soutenant un vide, nous dire :
« Mes fidèles, profitez de ces instants. Profitez de ce que la nature vous offre. La nourriture nourrira vos âmes. Le vin étanchera votre soif de savoir. Le pain sera le corps, la viande sa robustesse. L’eau sera la connaissance, les fruits son engeance. »
Chacun se rua sur les aliments. Ils s’empiffrèrent de pains, de fruits. Ils dévorèrent les viandes jusqu’à ronger les os. L’eau mélangée au vin fut consommée sans limitation à l’ivresse au-delà de leur soif. Je contemplais alors le vide que supporta Ambvstvs. Tel le porteur de la sphère céleste, il fut condamné par tous à porter le poids des envies de l’homme.
Je me demandais alors à quoi bon tous ces enseignements si ce n’était pour au final rien retenir. J’étais alors convaincu de la fatalité de l’homme, à son incapacité à se projeter au-delà de ses plaisirs immédiats. Il ne pouvait alors que se condamner, sans le savoir, à se renfermer dans des actes destructeurs. Il me fallait une voix. Une voix capable de me guider en ces ténèbres qui m’enveloppaient. Je ne pouvais pas contempler sans agir. Je devais agir. Un acte. Une idée. Une volonté.
« L’hypocrisie… » entendis-je soudainement la voix douce d’une jeune femme dans ma tête ; « L’hypocrisie doit prendre fin. »
Je remarquais ainsi le bâton du sage près de moi. En m’approchant, la voix résonna plus fortement.
« Approche… Plus près… »
Je le saisis fermement l’inspectant de toute part dans la rigidité du bois, un bois noble pour un sage vivant auparavant au temple. Je voyais ainsi de plus près le joyau incrusté dans le bout du bâton. Il ressemblait à une bille noire plus sombre que la nuit. Je sus d’un regard porté sur ce bijou que la voix de cette jeune femme était enfermée à l’intérieur. Elle était épuisée. Elle devait porter une immense souffrance en elle. Elle continuait à me susurrer l’oreille dictant mes actions. Mes désirs. Je voulais me débarrasser de toute cette moquerie qu’on faisait aux enseignements du maître. Et pour cela, je devais faire une chose qui permettra à sa pensée de se propager sans que personne ne puisse les remettre en cause.
Le soir-même, après le banquet, je dérobais le bâton sans qu’un œil soupçonneux se jeta sur moi. J’allais à la demeure du magistrat de la ville pour y rencontrer les mages du Sang Écarlate. Il me reçut après avoir consulté les autres.
« Je vous apporte son bâton. »
Tous, sauf le magistrat, sursautèrent.
« Jamais je ne toucherai ce bâton. » dit l’homme tatoué aux mains.
« Vous… Vous ne savez même pas ce que vous tenez entre vos mains. » constata froidement Lamia.
« Comment cela ? — Vous avez un artefact malĂ©fique issu du NĂ©ant. Un objet qui est capable de facilement vous corrompre. Il faut que vous en vous dĂ©possĂ©dez. — Moi, possĂ©dĂ© ? Non, si je l’étais, je ne vous aurais jamais rapporter ça. — Dites-moi alors oĂą et comment l’avez-vous trouvez. — Non, je ne dirai rien. »
Elle murmura auprès de ses confrères.
« Aucun doute sur le fait que c’est un Ancien. »
Elle redirigea son attention sur moi puis elle sortit une bourse de sa main.
« Je vous offre trente pièces d’argent si vous me dites oĂą est votre Ancien. — Non… »
Cette voix féminine dans ma tête se manifesta de nouveau et me suggéra doucement :
« Accepte-le… Ce cadeau… Tu pourras accomplir beaucoup… »
La femme répéta plus sévèrement sa question :
« OĂą est votre Ancien ? — Je ne dirai rien ! » la fixais-je d’un visage lunatique ; « Jamais… Jamais… »
Elle jeta une autre bourse sur la table débordant de pièces d’or.
« Vingt pièces d’or en plus et vous dites qui et où se cache votre Ancien. »
La voix me harcela de mille mots résonnant sur toutes les parois de mon esprit tourmenté.
« Accepte… Ce cadeau… Il est à toi… À toi seul… »
Je me mis soudainement à émettre un rire dément. Je ne pouvais plus résister à tout ceci. Ce fut trop pour mon esprit. Je ne résistais nullement à l’envie qui me dévora d’une grande bouchée.
« L’An… L’Ancien… Il... » étrangement, je savais ce que l’Ancien était. À cause de ce bâton, de cette bille noire, je sus par elle que mon maître était une créature à la figure d’homme bien oubliée par les hommes…
Aux mages, j’indiquais l’emplacement de la demeure de Macer, l’heure où allait se présenter le banquet, et décrivait l’homme un peu grand qui sera assis au milieu de ses fidèles.
Ils firent appel à toute une troupe armée de lances et de boucliers. Ils repoussèrent chacun d’entre eux et menacèrent ceux qui osaient s’approcher des manipulateurs de magie.
Ambvstvs nous regardèrent tous d’un balayement des yeux. Je m’approchais de lui, presque les larmes aux joues.
« Maître Ambvstvs, ne m’en voulez pas. »
« Pourquoi t’en voudrais-je ? Nous avons tous les faiblesses qui nous définissent. »
La femme-mage interrompit notre conversation :
« L’Ancien, je n’ai pas tellement de temps Ă perdre. Je vous accuse de sorcellerie et d’incitation Ă la sĂ©dition qui dĂ©stabilise la rĂ©publique, son sĂ©nat et son peuple. — La rĂ©publique n’est plus qu’une imposture au service d’une poignĂ©e de patriciens Ă©gocentriques manquant de devoir au sĂ©nat et au peuple. — Les paroles d’une crĂ©ature du NĂ©ant n’a aucun effet sur moi. — Le penses-tu, regarde donc comment ton monde s’effondrera. »
Elle se mit soudain à vaciller. Ses yeux devenaient tout à coup vide, fixant de près autre chose qu’un tas de mets à peine servis.
« La ferme le vioque ! » vociféra l’homme tatoué aux mains avant d’envoyer son poing dans la mâchoire.
Ambvstvs répondit ainsi :
« Arrêtez-moi donc. Accusez-moi de ce que vous voulez, je n’ai aucune raison de résister. »
Le troisième mage ordonna l’arrestation du sage sous les yeux des fidèles. Aucun d’entre nous ne comprit ce qu’il venait de se passer. Ambvstvs n’était sans doute qu’un sorcier manipulateur auprès de tous. Pourtant, j’avais ressenti la sincérité des âmes. Nous savions que ses paroles sont les plus justes. Nous étions, au contraire, emprisonnés de nos propres vices, isolés, entre individus se ressemblant. Il ne traita nullement les patriciens et les plébéiens différemment. Il m’avait respecté comme un homme digne au lieu du mendiant que j’étais.
« Fidèles, continuez à répandre mes paroles et faites en sagesse. » dit-il ainsi avant que sa silhouette disparut de la pièce.
Le lendemain, on fit le procès d’Ambvstvs. Celui-ci, lié par des chaînes de fer, était alors traîné par un soldat de la cité. Il marchait nonchalamment vers les juges arbitrairement choisis. Parmi les cinq, on retrouvait le magistrat de la ville, un patricien, et les trois mages. La femme-mage, même si en tant que femme on lui interdisait d’exercer la justice, avait pleinement le droit n’étant, en tant que mage, affiliée à personne. Elle représentait alors, par son statut de mage impérial, celle connaissant le mieux dans les affaires de la magie. Les utilisations comme les dérives.
Sur le trajet, tout un cortège d’une cinquantaine de fidèle s’aggloméra autour de l’accusé. J’avais dû pousser les gens devant moi pour l’atteindre.
« Ambvstvs ! »
Il m’adressa lentement un regard flegme sans dire un mot. Je continuais à l’interpeler :
« Ambvstvs ! Que puis-je faire pour vous libĂ©rer ?! — Rien. C’est ainsi qu’elle dĂ©cida de me punir. Ma destinĂ©e pourrait s’achever ici. »
On continuait à lui faire marcher jusqu’à rentrer dans la basilique. Des soldats bloquaient l’entrée à tous les fidèles.
Les juges prononçaient leur serment à Ivstitia tandis qu’un fermier, à l’extérieur, castrait un jeune veau sous les yeux de tous. Ensuite, il avait présenté aux juges le phallus qu’il accrochait au mur derrière l’estrade et ce, afin d’éloigner le mauvais œil d’Invidia. Depuis leurs sièges curules, ils énoncèrent les deux chefs d’accusations : sorcellerie et incitation à la sédition. Deux crimes dont le premier lui valait le bûcher et la confiscation de tous ses biens par les mages du Sang Écarlate ; le second lui retirait sa citoyenneté et lui condamnait à la mine.
« Étant donnĂ©e que les chefs d’accusations vous punissent de mort. » dit ainsi le magistrat civil ; « Vous pouvez toujours prĂ©fĂ©rer l’exil. — L’exil… » rĂ©flĂ©chit mĂ»rement le sage ; « L’exil sera bien plus profitable. Bien plus profitable Ă vous. Mes fidèles, qui ne sont pour le moment qu’une poignĂ©e comparĂ©e au million de citoyens de la capitale, n’éprouveront que haine et mĂ©pris Ă l’égard de votre justice. Et si vous comptiez les massacrer par la suite, sachez qu’ils finiront toujours par se propager plus rapidement qu’un feu sur de l’herbe sèche. Dans mon exil, je ne prononcerai plus aucune parole. Il est par contre nĂ©gligent… »
Le mage tatoué au cou lui coupa court. Il se leva de son siège puis lança à Ambvstvs :
« La prĂ©fĂ©rence de l’exil Ă la mort n’est aucunement tolĂ©rĂ©e. — De quel droit vous lui interdisez ? » fut ainsi troublĂ© le magistrat.
Un document rédigé lui avait été soumis sous le nez. Lu et validé d’un hochement de tête, le mage reprit :
« Par le mandat accordĂ© par l’Archimage Cordvs, je dĂ©roge la punition Ă l’exil. La peine de mort sur le bĂ»cher s’applique dorĂ©navant. — Et en quoi n’ai-je pas ce droit ? — Premièrement, vous n’êtes pas reconnu citoyen aux yeux de l’Archimage Cordvs, lui-mĂŞme rĂ©pondant de la voix du Premier Citoyen. Deuxièmement, votre nature Ă maĂ®triser les pouvoirs du NĂ©ant vous enlève, en consĂ©quence, la citoyennetĂ© sans accord aucune par l’administration civile et militaire. Troisièmement, votre nature Ă ressembler Ă l’homme sans ĂŞtre un, vous Ă´te toute considĂ©ration de vos capacitĂ©s Ă raisonner ou Ă sensibiliser. — Croyez-vous rĂ©ellement que j’ai manipulĂ© toutes ces personnes ? Au contraire, elles ont ouvert leur cĹ“ur, elles ont vu l’immensitĂ© de leur potentiel. Un jour ou l’autre, en suivant mes prĂ©ceptes, leur nature magique va se rĂ©vĂ©ler. L’homme aura besoin de puiser en lui-mĂŞme pour faire face Ă la menace qui pèse sur votre civilisation. Autrement, elle s’effondra comme toutes les autres avant vous. — Nous possĂ©dons suffisamment de connaissances et d’outils pour terrasser le genre de ton espèce. — Si vous ne me croyez pas, allez donc consulter l’Ordre des mages. Ils sont sur une meilleure piste que vous du Sang Écarlate. Que je sois un homme ou pas importe peu. J’ai voulu vous aider et il est probable que ma tâche prenne fin ici mĂŞme au bĂ»cher. Ainsi, j’aurai accompli ma destinĂ©e. »
Après le procès, Ambvstvs fut, sans attendre, attaché à un poteau en terre. On lui couvrait de paille et de fagots jusqu’au buste. Lamia, face au bûcher, croisa ses avant-bras. Ses tatouages commencèrent à luire d’un feu incandescent, puis un immense brasier en jaillit. Il se divisa ensuite en des filaments beaucoup de lents. D’un seul geste simple et court, elle jeta ses flammes sur le bois.
Ambvtvs m’adressa un dernier regard sans crainte ni souffrance par le feu qui lui rôtissait. Jusqu’au dernier instant, il n’éprouvait rien, aucune émotion, aucune sensibilité. Ses yeux fixaient une chose en moi, un cœur auparavant fermé désormais ouvert.
À cet instant, j’avais enfin perçu son dernier enseignement : l’amour inconditionnel. Qu’il était monstre ou homme, il éprouvait un amour sincère pour l’homme et de son potentiel. Il nous respectait sur un pied d’égalité du mendiant jusqu’au plus riche marchand. Un jour, ses leçons seront connus de tous et elles ouvriront les cœurs même le plus enchaîné.
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