D'Avalon à l'Académie
(par Agarion )(Thème : DĂ©fi de Sourne et Awoken)
S’il y a une seule vérité que j’ai apprise, c’est qu’il ne faut jamais s’opposer à la volonté de ma mère, la fée Morgane, reine d’Avalon.
Mon fils, tu iras parfaire ton éducation au sein de ces savants d’outre-monde. Crois-tu qu’un seul Chevalier de la Table Ronde ne fusse un poète ? Et ton père, comment crois-tu qu’il m’ait séduite ?
Mère, tous ses hommes sont morts désormais. Tous. Perceval, Lancelot, Yvain, Arthur, … Je ferais mieux de sillonner les Bretagnes et de reprendre au plus vite la quête du Graal !
LE GRAAL NE PEUT ÊTRE TROUVÉ QUE PAR UN VRAI CHEVALIER ! tonna la fée. Tu en as le cœur, l’épée et l’armure, mais il te manque les lettres. Tu célébreras bientôt tes 900 ans, et tu t’exprimes toujours comme un bébé singe balbutiant !
Je devais admettre que Mère avait raison. J’étais loin d’égaler la finesse de
Lancelot ou de mon père, Chrétien de Troyes. Malgré tout, l’idée de quitter mon île pour aller vivre avec des mortels beaucoup plus jeunes que moi me répugnait un peu.
Il y a forcément un autre moyen, mes tantes…
Mes sœurs sont brillantes, elles t’ont enseigné la musique, la magie, et tant d’autres choses. Cependant, elles sont limitées dans le temps, tu dois apprendre à écrire à la manière de tes contemporains, Agarion.
Elle poussa un long soupir, s’assit, et me dit calmement :
Tu es quelqu’un d’extraordinaire, Agarion. Tu m’égaleras un jour dans les voies de la magie, et tu surpasses tous les Avalonnais à l’épée, ce qui n’est pas peu dire, et tu peux devenir un vrai chevalier. Je ne te laisserais pas gâcher ton potentiel en raison de ton petit ego d’immortel. Oh, une fois à l'Académie, évite les métamorphoses intempestives, cela met mal à l’aise ; essaie de rester humain la majorité du temps.
Je ne savais pas quoi répondre. Elle avait ce don, de me comprendre si bien,
de savoir quel mot frapperait juste. Soudain, je me sentais stupide d’avoir envisagé de ne pas me rendre dans cet autre monde.
Merci Maman. Je pars quand ?
La lune se reflétait sur les eaux tranquilles de l’Océan, dessinant des fils de lumière d’un blanc laiteux sur les vaguelettes qui animait les flots paisibles. Lorsqu’on vivait sur Avalon, on oubliait facilement que cet océan n’en était pas un, mais qu’il était le Flot Infini des Mondes, une mer depuis laquelle un marin pouvait se rendre n’importe où ; sur une autre planète, en plein milieu des terres… Ou dans un autre monde. Fixant les embruns sur ma petite embarcation, mon épée d’ambre, Goularz, à la ceinture, je commençai à incanter en murmurant :
Vents, brumes, brises et tempĂŞtes dansant sur les mers,
Écoutez l’appel du Dernier des Chevaliers.
Conduisez mon vaisseau loin, vers ces nouvelles terres,
Cap sur ses rivages inconnus, voiles gonflées !
Hmm. Il faudra que je travaille ma poésie, Mère avait raison. Cependant, cela sembla suffire, car le vent se leva sur la mer d’huile, et mon navire se mit à filer plus vite qu’un éclair, sillonnant les flots à une allure absurde. Tenir la barre vers un cap imaginaire était une expérience particulière ; toutes les directions étaient bonnes dans l’absolu, mais j’avais choisi un endroit où se trouvait l’Académie, je devais le garder sous peine de le perdre et de me retrouver perdu au beau milieu de nulle part. Malgré le chaos surpuissant du vent, les vagues qui se déchaînaient, et la difficulté croissante de la navigation, la scène était étrangement très silencieuse, l’œil lunaire conférant un aspect onirique à cette scène de fureur qui ne semblait être qu’un rêve.
J’esquivai un récif ( un univers, en réalité) d’un petit détour, et je ne put m’empêcher de rire à l’absurdité de la situation. Entendre le son de mon propre rire dans ce silence était déstabilisant, mais pas aussi désagréable que l’eau salée qui s’engouffra dans ma bouche tandis que je riais, m’étouffant à moitié avant que je ne recrache.
Après quelques heures de navigation ardue, trempé jusqu’aux eaux par les embruns, j’arrivais finalement à terre, émergeant d’une petite mare dans une forêt, et je ris intérieurement à l’idée d’une personne trouvant mon bateau dans cette flaque, se demandant par quelle sorcellerie il avait bien pu atterrir ici. Je créai un charme de chaleur rapide pour sécher mes vêtements, puis me remit en route.
Au bout de quelques pas, je me rendis compte de la splendeur innocente des lieux ; chaque arbre était une œuvre d’art unique retravaillée à l’extrême, parée de couleurs chatoyantes, dont les courbes de chaque branche semblaient avoir été pensées. Nulle part, si ce n’est dans le jardin de ma mère, je n’avais vu pareille merveille. Afin d’en profiter un peu plus, je me changeai en écureuil volant.
J’escaladai adroitement les troncs, planai de branches en branche, je discutai avec un charmant couple de chevreuils très surpris de me voir leur parler, assistai à une guerre entre fourmilières, et m’amusai ainsi pendant des heures dans cet Éden. Lorsque les lueurs orangées du soleil couchant traversèrent les frondaisons en une incroyable fresque de couleurs chaudes, je réalisai qu’il était probablement temps de se remettre en route. Je me changeai en chauve-souris pour voyager de nuit en profitant de son incroyable sonar, et arrivai de bon matin devant l’Académie.
J’avais connu les plus grands et les plus beaux châteaux du monde; lumineux parés de vitraux tels des cathédrales, de sobres bâtiments de pierres grises ou blanches aux hautes tours d’un charme inexplicable, des palais grandioses consacrés au désir de plaire et à la réception, couverts de dorures et de joyaux, et tant d’autres. Mais jamais je n’avais rencontré un bâtiment si simplement parfait.
Splendide et imposante sans t’écraser, mariant quantité de styles sans jamais perdre son harmonie, accompagnée de verdures sans paraître négligée, l’Académie était époustouflante. Je m’attardais sur les murs, pour remarquer que chaque pierre, chaque linteau, chaque pignon, avait été finement ouvragé.
Reprenant mes esprits, je me dirigeai vers la porte principale, souriant. Encore une fois, Mère avait eu raison.
Cette histoire fait partie d'un tout plus grand !