Crise de nerfs
(par Faucheuse)(Thème : En famille)
Marc prend sa fourchette et met une bouchée du plat dans sa bouche.
Marc
Bof, c’est vraiment pas terrible. Il faudra que t’apprennes à faire la cuisine un jour, Charlotte. Comment tu veux instruire Fanny à devenir une bonne épouse plus tard, franchement ?
Il adjoint du sel dans son plat et prend une nouvelle bouchée.
Marc
Rien à faire. C’est infect ! C’est vraiment immonde. Tu veux ma mort, c’est ça ? Pffff… des ratés… J’ai une famille de ratés. Entre l’épouse qui ne sait pas entretenir son foyer, la fille qui se conduit comme une catin et les gamins qui sont pas foutus d’avoir simplement de bonnes notes à l’école, je suis franchement gâté. Si je me foutais le camp d’ici, je sais pas ce que vous deviendriez.
Marc se sert un verre d’alcool et le boit cul sec.
Marc
Tiens, Jean, récitation ! Quoi « quoi ? » ? Ta poésie à la con… Celle que t’as apprise à l’école, « Le corbeau et le retard ». Ouais, ouais, « et le renard », si tu veux, je m’en bats l’œil. Allez, je suis tout ouïe, comme ils disent les gens de la haute ! Tu la connais pas ? Ben voyons… Des ratés, c’est bien ce que je disais. Tu vois, Charlotte, ce que t’as fais de nos gamins ! Des ratés ! Maintenant, mets du son à la télé, au lieu de geindre. Les Marseillais… Ce sera toujours plus intéressant que de vous entendre gémir. En attendant, vous êtes bien content que je prenne sur moi de faire des heures et des heures pour que vous viviez tous bien confortablement. D’ailleurs, je crois bien que vous ne valez même pas que je fasse ça. Je vais finir par prendre soin de ma gueule avant toute chose et à faire la feignasse, moi aussi. Qu’est-ce que t’as toi, sale clebs ? Putain, même les animaux ont choisi de venir me les... ? Y’a vraiment pas moyen d’avoir la paix en fait ?
Marc, furieux, sort de la pièce pour rejoindre sa chambre. Dans cette dernière, il s’asseoit dans un fauteuil au coin de la pièce. Deux infirmiers viennent près de lui et lui mettent une chemise blanche avec de très longues manches.
Infirmier
Ça va aller, Jean. Nous vous conduisons au docteur Thomas. (à son collègue) Te fais pas de bile pour lui, Max. C’est normal de l’entendre braire tout seul. Il refait parfois des bouts de son enfance… quand son père a pris son fusil et a abattu les autres membres de la famille. Le pauvre a failli mourir aussi.
Ils sortent de la pièce avec Jean, assis sur son fauteuil roulant.
Infirmier
Y’a des jours où je me dis que ça aurait été mieux pour lui de ne pas survivre… Vingt ans qu’il est ici. Et je crois pas qu’il sortira un jour.